Grand Entretien avec Lucie Venet directrice de l’OM Fondation : « La situation actuelle change la donne. Mais ce qui est certain c’est que l’on continuera à enrichir les partenariats, avec de nouvelles collaborations »

Publié le 4 novembre 2020 à  10h14 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  12h19

Lancée en octobre 2017 sous l’impulsion du duo Frank McCourt – Jacques-Henri Eyraud, respectivement propriétaire et président du club olympien, l’OM Fondation s’est depuis développée sur le territoire marseillais dans le but de hisser haut et plus fort la responsabilité sociétale du club auprès de différentes associations locales. Depuis sa création, la Fondation d’entreprise du club a ainsi vu multiplier par huit son budget pour faire profiter de la formidable caisse de résonance de l’OM au service d’actions sociales. La directrice de la Fondation, Lucie Venet, nous explique comment s’articulent les actions et les nouvelles ambitions, tournées notamment vers l’Afrique francophone. Entretien.

Lucie Venet directrice de l'OM Fondation © C.Dutrey-Heliosimage
Lucie Venet directrice de l’OM Fondation © C.Dutrey-Heliosimage

Destimed : Pouvez-vous d’abord retracer l’histoire et l’avènement de l’OM Fondation?
Lucie Venet: Le club avait depuis longtemps un programme dédié à ce genre d’actions sociales, mais nous avons acté un engagement plus important et plus fort en créant ces dernières années la Fondation. Le programme s’est du même coup intensifié avec l’arrivée de notre nouvel actionnaire au club, Frank McCourt, et de notre président, Jacques-Henri Eyraud. Une nouvelle dynamique a été impulsée pour signifier qu’il était désormais important de s’engager avec les communautés du territoire, avec la volonté de continuer à toujours plus s’engager vers celles qui en ont le plus besoin. Ces actions portent sur des engagements sociaux, sociétaux, caritatifs.

Comment s’articule la politique générale de la Fondation ?
Elle s’articule aujourd’hui autour de 5 piliers principaux : l’éducation, l’entreprenariat et l’accès à l’emploi, les pratiques sportives chez les jeunes, la culture, la solidarité. Nous fonctionnons, décidons, agissons, sans hiérarchie entre ces piliers, qui représentent les cinq axes de notre engagement. Notre action se veut prioritairement locale pour le moment. Cela faisait partie d’une stratégie définie dès le départ. Nous avons la volonté à l’avenir de développer et accompagner le club à l’international, notamment en Afrique francophone. Mais nous avons décidé dans un premier temps de nous concentrer sur Marseille et ses environs. Il était très important pour nous d’œuvrer dans ce sens. Nous sommes quatre à constituer l’équipe de la Fondation avec différents services au sein du club qui contribuent à son développement, puisque l’on fait appel aux expertises et compétences des différents collaborateurs en interne pour nous aider. C’est un travail transversal qui est mené, et nous pouvons également compter sur une responsable du développement durable.

Quels sont les critères qui vous font choisir de soutenir un projet plutôt qu’un autre ?
Nous sommes vraiment dans la co-construction des projets, car n’avons pas vocation à faire des donations, à offrir des subventions ou autres soutiens financiers. Nous cherchons vraiment à capitaliser sur les particularités du club, en jouant à la fois sur nos forces, nos infrastructures, sur la puissance médiatique de l’OM, sur l’expertise de nos collaborateurs en interne, sur l’engagement de nos joueurs. Pour mieux résumer : sur tout ce que l’on peut proposer de différents par rapport aux autres. Car nous avons l’ambition d’amener précisément quelque chose de différent à un projet, à chaque fois. Dans l’optique de mieux nous faire comprendre, nous échangeons beaucoup avec nos partenaires pour construire. Il y a dans toutes les actions une idée de collaboration dans le temps, pérenne, à mener au fil des saisons.

Faites-vous à chaque fois le premier pas pour aller vers un projet ou bien attendez-vous les sollicitations, qui doivent être nombreuses, pour vous décider ?
Nous sommes un peu dans les deux positions. Énormément de sollicitations nous arrivent, bien évidemment, mais nous sommes aussi dans une situation de pro-activité. Dans le sens où l’on reste aussi à l’affût, tout le temps. On cherche également à nouer des relations avec des acteurs qui nous paraissent incontournables, qui partagent nos valeurs. Nous pouvons aussi proposer parfois des partenariats. Nous ne sommes pas du tout dans une position de passivité. Il arrive également que des acteurs arrivent avec de nouvelles propositions et nous pouvons alors partir dans une toute autre direction par rapport à celle que l’on avait prévue au départ dans le cadre d’une action.

Justement, pouvez-vous nous présenter des actions représentatives de vos engagements ?
Comme premier exemple, on peut citer l’opération des kits de rentrée scolaire, une action que l’on mène pour la troisième année consécutive en 2020-2021. Dans ce cadre, nous avons offert plus de 3 800 fournitures scolaires à des enfants en situation de très grande précarité à Marseille. C’est vraiment une action pérenne et concrète sur le terrain effectuée en collaboration avec l’association « L’École au Présent ». Nous avons aussi notre action avec le club de foot du FC La Castellane. Un club que nous avons lancé dans la cité de La Castellane (15e arrondissement de Marseille) qui comptait 65 joueurs la saison dernière, et plus de 120 cette année. Nous menons avec ce club un accompagnement global, très large, à savoir sportif, administratif. Nous pilotons aussi sa communication et toute sa structuration pour l’aide aux devoirs des enfants sur place. Car le football est sur ce territoire un levier pour pouvoir travailler sur d’autres domaines. Nous avons une vision 360 degrés avec ce club, en se chargeant aussi de la formation des animateurs. Nous avons une vraie présence sur le terrain, dans la cité, pour amener les animateurs, au fil des années, vers une autonomie progressive.

Durant le confinement, à partir du mois de mars, vous avez aussi accueilli au centre d’entraînement de l’OM de nombreuses femmes victimes de violences conjugales, avec leurs enfants. Comment s’est passée cette action ?
Elle a été menée en collaboration avec les services de la préfecture et l’association « SOS Femmes 13 », qui vient ainsi en aide aux femmes victimes de violences conjugales. Notre centre d’entraînement en raison du confinement n’accueillait plus de joueurs professionnels et de jeunes, et nous avons décidé de faire profiter les installations et chambres libres à 43 femmes, et 42 enfants, pendant neuf semaines. Là-encore, sur cette action, on retrouve l’idée de vouloir capitaliser sur nos forces, pour pouvoir répondre à la crise sanitaire. Les mamans ont ainsi logé avec leurs enfants dans le bâtiment occupé habituellement par nos jeunes du centre. Cette action a fait partie de la réflexion menée pendant la crise pour pouvoir agir et aider celles et ceux qui en avaient le plus besoin.

Les joueurs professionnels du club, de Steve Mandanda à Florian Thauvin, participent aussi toute l’année à des opérations, le confirmez-vous ?
Ils sont en effet régulièrement sollicités par nos actions depuis des années. Nous invitons par exemple lors de chaque match à domicile à l’Orange Vélodrome un enfant malade d’une association. Il est accueilli pour pouvoir rencontrer les joueurs, aller avec eux dans les vestiaires. Les joueurs sont très sensibles à de telles actions. Chaque année ils se rendent ensemble à l’hôpital de La Timone pour rencontrer des enfants malades et visiter différents services de pédiatrie. C’est une chance, une force, de les voir ainsi nous accompagner tout au long de l’année pour mener des actions individuelles, quand leur emploi du temps chargé, avec tous ces matchs rapprochés, leur permet.

Peut-on se faire une idée encore plus précise en termes de chiffres des actions sociales que vous menez chaque année ?
Sur la saison 2019-2020, nous avons enregistré 50 000 bénéficiaires directs de nos actions à travers nos différents programmes. Nous sommes sur 230 structures soutenues au cours de la dernière saison. Nous avons également offert 16 000 invitations au stade Orange Vélodrome pour assister aux matchs. Je tiens aussi à préciser que nous avons un programme de volontariat en interne au club proposé à l’ensemble de nos collaborateurs. A savoir que chacun peut dédier, s’il l’entend, jusqu’à deux journées par saison sur son temps de travail pour pouvoir mener des actions de solidarité. Ces dernières sont toujours co-construites dans le cadre de notre pilier solidarité. Ce sont des actions de bénévolat qui sont à chaque fois menées avec des structures locales. Elles peuvent concerner par exemple des ateliers sportifs et ludiques, et plusieurs sont tournées vers les territoires Nord de la ville, notamment dans le cadre de l’aide aux devoirs. Il y a derrière l’idée de faire sortir nos collaborateurs sur le terrain, et je pense qu’ils l’apprécient.

Pouvez-vous communiquer sur le montant du budget consacré depuis les dernières années par le club pour sa Fondation ?
Nous ne pouvons pas communiquer sur le montant précis, car vous avez compris que l’on retrouve aussi les actions bénévoles de nos salariés, toutes les invitations effectuées, donc un chiffre ne serait pas forcément parlant. Mais le budget dédié aux actions sociales de notre Fondation a été multiplié par huit depuis sa création, c’est un signe fort d’un engagement pérenne, sérieux. Le thème est vraiment cher à notre actionnaire, Frank McCourt, et à notre nouveau directeur de la communication et de l’impact social, Grégoire Kopp, qui illustre davantage cette volonté d’agir concrètement dans le domaine social. Pour faire un focus, avec l’Adie (association à vocation régionale d’utilité publique finançant des micro-entrepreneurs ne pouvant pas avoir accès au crédit bancaire traditionnel NDLR ), notre partenariat remonte à la saison 2018-2019. On était partis la première saison sur une dotation de 30 000 € pour leur fonds de prêts d’honneur. Jacques-Henri Eyraud avait aussi parrainé la première édition de leur opération : «Je monte ma boîte à Marseille, moi aussi !». Et puis, au fil du temps, la relation s’est davantage construite, de cette manière on a pu mieux répondre à leurs attentes. Avec eux, nous venons d’avoir une nouvelle initiative, pendant six semaines, en proposant sur les réseaux sociaux du club des portraits de micro-entrepreneurs soutenus. Il y a toujours l’idée de s’adapter à la situation, de voir ce qui pourrait le plus les aider. Nous sommes là pour mettre à disposition nos infrastructures, compétences, notre caisse de résonance, afin de mettre en lumière les actions de l’Adie, comme des autres associations.

Estimez-vous que les regards sur le club ont changé depuis ces dernières années en impulsant de plus en plus d’actions similaires ?
Je suis au club depuis un peu plus de 16 ans, et c’est vrai que j’ai pu vivre et connaître une véritable évolution au sein de l’OM, et dans le contexte général du club dans Marseille. Nous avions dans ce domaine au club un niveau moindre et évoluions dans une division inférieure par rapport à aujourd’hui. Il y a de vraies attentes et une réelle volonté de notre actionnaire de développer cette responsabilité sociétale, de l’activer pleinement avec des moyens plus importants. On se retrouve du même coup dans une dimension différente avec le fait que l’actionnaire et notre direction soient derrière nous et impulsent cette dynamique. Je le répète, nous travaillons pour vouloir nous inscrire dans la durée, comme c’est encore le cas pour L’École de la 2e chance, avec laquelle nous sommes engagés pour la troisième saison. Ce n’est pas du ponctuel. Le but est d’enrichir chaque action au fil du temps, de nouer une relation toujours plus forte.

Avez-vous déjà en tête des priorités dans les projets à mener durant les prochains mois et prochaines années ?
En raison de la crise sanitaire, nous sommes en ce moment dans une situation particulière. Une période qui fait que l’on doit réinventer des projets, avec certains déjà imaginés qui sont un peu en suspens. Et d’autres que l’on réfléchit à maintenir d’une autre manière. Nous venons de soutenir : « Les Déterminés » ( association nationale dont l’objectif est d’accompagner les entrepreneurs issus de quartiers populaires et de milieux ruraux NDLR), qui vient d’arriver sur Marseille. Nous avons aussi un programme « #MouvTaVie » qui accompagne des jeunes de 18 à 25 ans sans emploi et sans qualification. Un programme que l’on a construit en collaboration avec la Fondation CMA CGM, L’École de la 2e chance et la Mission locale de Marseille. Le programme vient de reprendre récemment. Nous nous adaptons au contexte du moment. Commencer à œuvrer pour Marseille, là où nous sommes implantés, était une évidence. Il y a dans cette ville des acteurs formidables sur le terrain à mettre davantage en lumière. On y trouve aussi des attentes très fortes. Par la suite, nous avons en tête de changer d’échelle pour aller s’intéresser à l’Afrique francophone.

Avez-vous dans le monde du football un modèle à suivre pour mener votre développement dans cette voie ?
On ne peut pas parler de modèle ou d’exemple à suivre à proprement parler. Mais la volonté de pousser dans cette voie est quelque chose de naturel, de très familière même, pour notre actionnaire. Frank McCourt a régulièrement des échanges avec ses équipes sur le sujet, est très attentif sur ce qui est fait. Après, chaque acteur dans le monde du football a toujours ses propres identités, valeurs, sa propre histoire. Chaque ville est différente aussi. Nous avons des objectifs que l’on essaie d’atteindre avec beaucoup d’ambition. Je pense que les gens ont compris que notre engagement était sincère, réel, et qu’il y avait sur le long terme une véritable volonté. Cette dernière était déjà très claire quand notre nouvel actionnaire est arrivé, et transparaît aujourd’hui dans les différents projets menés. On entendait être au départ dans l’humilité. Dans un premier temps, il y avait chez nous l’idée de faire avant de faire savoir ce que l’on accomplissait dans le domaine. Le but était de montrer à la fois l’ampleur de notre engagement et la sincérité de ce dernier, on voulait être résolument dans cette position.

Quel est l’impact de la crise sanitaire et de sa longueur sur votre politique générale en matière sociale ?
Actuellement il est vrai que nous avons du mal à nous projeter sur le long terme, et notre pilier solidarité a pris beaucoup d’importance depuis les derniers mois au regard de l’actualité. En général, on essaye d’être beaucoup plus présent sur le terrain pour être au contact des acteurs, afin d’aller le plus souvent à leur rencontre. Ils viennent également très souvent à notre siège, au centre d’entraînement, pour pouvoir être dans le quotidien et dans l’univers de l’OM. Sur toutes les missions de volontariat, par exemple, l’essentiel se passe à l’extérieur, où il y a toujours une personne de la Fondation. Nous organisons de nombreuses opérations sur le terrain même des acteurs aidés, comme à La Castellane pour les actions autour du club de football afin d’en organiser tout le suivi. Habituellement, il y a beaucoup d’interactions et de richesses relationnelles dans notre quotidien. La situation actuelle change la donne. Mais ce qui est certain c’est que l’on continuera à enrichir les partenariats, avec de nouvelles collaborations.
Propos recueillis par Bruno ANGELICA
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