Guy Bedos, l’humoriste vachard au cœur tendre nous a quittés

Publié le 28 mai 2020 à  23h05 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h36

Guy Bedos - Photo extraite de
Guy Bedos – Photo extraite de

«Mais vous applaudissez tout le temps à Aix. C’est comme pour Ranucci… Vous étiez nombreux à applaudir devant le palais de justice au moment de sa condamnation à mort. Remarque si on coupait la tête à tous les cons qu’il y a à Aix y’aurait de quoi se garer sur le Cours Mirabeau. Oulaa le malaise ! Vaut mieux parler de cul va, allez éteins». C’était dans les années 1980 dans feu la salle de spectacles Le Rex située à Aix-en-Provence en haut du cours Mirabeau. Guy Bedos y venait régulièrement, se moquait gentiment de la vétusté du lieu, (avant qu’on ne le détruise certains soirs d’orage voyaient la pluie dégouliner sur la scène), déclenchant l’hilarité et suscitant chez les gens un mélange de jubilation et d’effroi. Il faut dire que l’humoriste n’avait pas la langue dans sa poche, osant tout, n’épargnant personne, dézinguant tous azimuts, s’en prenant à la bêtise ordinaire, aux racistes, aux ostracismes, aux gens puissants, avec certes parfois pas mal de mauvaise foi, mais avec toujours beaucoup de courage et d’imagination. «Mireille Mathieu est-elle de gauche ou de droite ? Elle n’est ni de gauche ni de droite…..elle est là où on la pose ». «Dans les émissions de Jacques Chancel, on avait tendance à jouer trop souvent le vol du bourdon». Personne n’échappait à son ironie, et surtout pas les gens d’église Jean-Paul II étant taxé dans le même spectacle et peu après l’attentat qu’il subit, d’assiette de ball-trap. Méchant Guy Bedos ? Pas du tout. Simplement teigneux et humaniste. Sur scène il était si irrésistible, ses sketches parfois signés Dabadie (qui vient de le précéder au pays des clowns du verbe), si percutants, qu’il forçait l’adhésion même si on ne partageait pas ses idées de gauche. On oublierait presque et il convient donc de le rappeler que Guy Bedos qui vient de tirer aujourd’hui sa révérence fut en matière d’humour vachard un précurseur. Et on ajoutera qu’ils sont nombreux à lui devoir beaucoup justement, à commencer par Timsit ou Gaspard Proust. Né le 15 juin 1934 à Alger, ayant failli mourir enfant car il fut très malade, inspirant à Desproges une chronique d’anthologie commençant de son vivant par «Guy Bedos n’est plus… », (notons que l’endroit où Desproges donna son dernier spectacle avant son décès fut justement Le Rex à Aix), cet homme maniait la plume et l’épée, et a signé des moments inoubliables comme ce «Je m’aime moi, je suis fou de moi, ma plus belle histoire d’amour c’est moi» où il imitait en fait Jean-Christophe Averty. Bien sûr son duo «La drague » avec Sophie Daumier demeurera légendaire où il s’en prenait au machisme. Pote de Nougaro il avait consacré au chanteur un sketch décalé où il prenait son accent toulousain pour dire qu’il aimait « baiser » toutes les femmes, et il arrivait là encore à demeurer grossier sans être vulgaire. Le Dieu pognon il le mettait en pièces avec notamment ce «dictionnaire de rimes» qu’il brandissait dans un sketch où son personnage de parolier de chansons bluettes, se vantait de non pas ramasser les feuilles mortes chères à Prévert, mais…l’oseille qui lui a permis «de se payer le manoir où Balzac venait se délasser dans un site enchanteur». Grand acteur aussi, «Un éléphant ça trompe énormément», il était sur les planches là encore absolument inoubliable. On retiendra «La résistible ascension d’Arturo Ui » de Brecht mis en scène par Jérôme Savary, «Sortie de scène» écrit par son surdoué de fils Nicolas Bedos, et mis en scène par Daniel Benoin, ou «Moins 2» de Samuel Benchetrit. «L’avantage du pessimisme, c’est qu’on ne peut avoir que de bonnes surprises», écrivit ce moraliste jamais moralisateur, toujours du côté des sans-abri, des oubliés de la croissance, des victimes de l’antisémitisme, et des idéologies venant des quatre coins de la planète. Écrivain, observateur des choses de la vie et tout près du peuple Guy Bedos nous a si souvent fait rire que …. chapeau bas l’artiste en ce triste soir. «La vie est une comédie italienne, tu vis tu meurs, tu ris, pour un soir l’espoir »… disait-il au final de ses spectacles quand il rendait un hommage vibrant à Scola, et Risi, les maîtres d’un cinéma italien mêlant le rire et les larmes. C’est un peu de leur humour magnifique et généreux qui s’en va avec lui. Ciao Guy on ne t’oubliera pas !
Jean-Rémi BARLAND

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