Hélène Geoffroy au Camp des Milles: La citoyenneté pour lutter contre le rejet de l’Autre

Publié le 11 décembre 2016 à  21h44 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h46

La ministre Hélène Geoffroy a longuement échangé avec les jeunes  (Photo Robert Poulain)
La ministre Hélène Geoffroy a longuement échangé avec les jeunes (Photo Robert Poulain)
Signature d’une Convention de partenariat  avec la Fondation pour la mise en place d’actions à destination des publics issus des quartiers relevant de la Politique de la Ville (Photo Robert Poulain)
Signature d’une Convention de partenariat avec la Fondation pour la mise en place d’actions à destination des publics issus des quartiers relevant de la Politique de la Ville (Photo Robert Poulain)
Les 18 structures qui se sont vues remettre le
Les 18 structures qui se sont vues remettre le
Rencontre avec les représentants et  les jeunes de l'Epide Marseille (Photo CdM)
Rencontre avec les représentants et les jeunes de l’Epide Marseille (Photo CdM)

«C’est un moment rare que je viens de connaître», avoue, ému, Alain Chouraqui, le président de la Fondation du Camp des Milles, au terme de la visite que Hélène Geoffroy, secrétaire d’État en charge de la Ville vient d’effectuer, notamment avec les jeunes de l’Epide (Établissement pour l’insertion dans l’emploi) Marseille. Une visite qui précède la remise, à 18 structures, du label citoyen (lire ci-dessous). La visite s’est conclue par la signature d’une Convention de partenariat avec la Fondation pour la mise en place d’actions à destination des publics issus «des quartiers relevant de la Politique de la Ville» sur l’ensemble du territoire national.
La ministre situe la hauteur des enjeux: «Peu à peu se construisent des discours qui amènent au rejet de l’Autre. Et par le racisme et l’antisémitisme nous allons vers l’exclusion et des politiques qui peuvent exclure». Le propos d’Alain Chouraqui est en écho à celui de la ministre, double appel pour un réveil citoyen: «Les extrémismes identitaires, le racisme, l’antisémitisme et les discriminations ont un énorme potentiel explosif et contagieux dans une société déstabilisée par des crises qu’elle a parfois du mal à réguler. Aujourd’hui, des faits que nous connaissons tous, nous alertent : des discours mettant en avant le « eux et nous ». Cela nous rappelle qu’il est urgent et nécessaire de réagir pour éviter de laisser se reproduire -et donc de revivre- des tragédies que l’Histoire a connues».
Hélène Geoffroy indique que cette convention n’est pas une première pour elle puisqu’elle en a déjà signé une en tant que Maire de Vaulx-en-Velin, commune de la banlieue lyonnaise: Puis de se faire l’écho «de l’émotion que nous avons partagée sur ce site, de par sa densité historique et avec ce froid qui nous a permis de mesurer les conditions de vie des internés, d’avoir l’âme glacée. Et les jeunes que j’ai rencontrés ne s’y sont pas trompés: leur émotion était palpable». Mais, alors, poursuit-elle: «une inquiétude germe. Les lycéens de ce pays, malgré des conditions de vie parfois difficiles, se sentent protégés et, tout d’un coup, nous les confrontons à l’horreur. Certains me disent que ce n’est pas possible que de telles horreurs se reproduisent. C’est alors que l’on peut mesurer à quel point il est fondamental qu’un lien existe entre la capacité de ressentir les choses et celle d’expliquer les choses pour permettre à chacun de s’inscrire dans la transmission». Considère: «Ici nous sommes dans un temps particulier de l’humanité et il nous a fallu du temps pour l’appréhender. Pendant longtemps, ce lieu a retrouvé sa fonction d’usine et le voile de l’oubli a été jeté sur cette période». Elle en vient au volet réflexif du camp des Milles: «J’y suis sensible, d’autant que, étant de formation scientifique, les engrenages me parlent. Qu’est ce-qui peut les enrayer? Et la réponse est là: des hommes et des femmes».

«On ne peut pas se contenter de répondre tais-toi à des jeunes qui disent ne pas se reconnaître dans les notions de liberté, d’égalité et de fraternité»

«Alors, ajoute-t-elle, nous sommes à un moment où les témoins de ces événements partent. Il importe donc encore plus de dire ce qui s’est passé et qu’il est possible de résister. Il faut parler aux jeunes mais aussi aux adultes des quartiers populaires et, au-delà, à l’ensemble de la société car, après avoir été convaincu que la Démocratie allait conquérir l’ensemble de la société, nous devons bien nous rendre compte que les totalitarismes reprennent de la voix, y compris dans nos pays. Et, avec eux, le racisme, l’antisémitisme, les discriminations». Face à cela, la ministre plaide pour que les jeunes disposent de lieux de débats: «On ne peut pas se contenter de répondre tais-toi ! à des jeunes qui disent ne pas se reconnaître dans les notions de liberté, d’égalité et de fraternité. Il faut répondre, accepter les parts d’ombre de notre pays pour expliquer que des hommes et des femmes se sont battus pour que la lumière l’emporte, pour que la liberté l’emporte, y compris celle de critiquer les notions de liberté, égalité et fraternité. Si nous n’acceptons pas le débat, si nous ne le provoquons pas, alors nous laisserons s’installer une histoire fantasmée». Et de conclure: «Notre France, celle de la Révolution gagnera la bataille, il suffit pour cela simplement de la mener».
L’après-midi fut consacrée d’abord à un temps de «formation continue» pour les porteurs de projet, animée par Alain Chouraqui en sa qualité de responsable scientifique de la Chaire Unesco. Puis ce fut la présentation des projets labellisés, suivie d’échanges avec le Comité de labellisation et le public sur les modalités très diverses choisies pour traduire la lutte contre le racisme et l’antisémitisme de façon adaptée à chaque public : théâtre-forum, Assises, contes, travail intergénérationnel, web,documentaire, ateliers d’écriture, rencontres ou parcours mémoriels, actions de solidarité…

«Faire toucher du doigt les réalités de l’engrenage génocidaire»

Au préalable, Nathalie Bajos, directrice du Département Promotion de l’Égalité et de l’accès au Droit, Défenseur des droits, juge qu’entre la Fondation du Camp des Milles et le défenseur des droits le partenariat était nécessaire «tant nos approches se complètent». Gilles Clavreul, délégué Interministériel à la Lutte Contre le Racisme et l’Antisémitisme avance pour sa part: «C’est toujours avec émotion que je viens au Camp des Milles et, à chaque fois je mesure qu’il n’y a pas de meilleure façon d’aborder les sujets complexes que de faire toucher du doigt les réalités de l’engrenage génocidaire». Ludovic Milliat, conseiller éducation à la citoyenneté à l’Epide de Marseille explique: «Nous accueillons des jeunes volontaires de 18 à 25 ans en phase de marginalisation, nous travaillons avec eux sur un contrat de 8 mois visant à les amener jusqu’à l’insertion professionnelle. Nous travaillons sur une transformation comportementale à travers un révérenciel parcours citoyen qui comprend 7 fondamentaux au rang desquels la nécessité de faire preuve de tolérance. C’est dans ce cadre que nous sommes venus aux Milles et que nous avons mis en place un partenariat voilà plus de deux ans. Depuis cette année tous nos jeunes passent par le Camp des Milles, une venue qui est préparée et se poursuit par un travail ». Loïc Gachon, le Maire PS de Vitrolles explique à son tour l’engagement de sa commune dans la démarche citoyenne de la Fondation du Camp des Milles: «Depuis 2009 nous avons mis en place un plan de lutte contre les discriminations. La visite de ces lieux a été une invitation à aller plus loin en signant un partenariat permettant la sensibilisation et la formation des agents en lien avec le public et les enfants, les policiers municipaux. Et, au-delà, dans le cadre des activités périscolaires, nous développons des projets autour de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme».
Michel CAIRE

Trois questions à Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles – Mémoire et Éducation

Alain Chouraqui, pourquoi un dispositif de labellisation citoyenne?
La progression brutale des phénomènes racistes et antisémites très préoccupante aujourd’hui dans son ampleur comme dans ses formes conduit à donner un rôle central à l’éducation et à la formation des citoyens pour y résister. En s’appuyant sur
le recul de l’histoire et des autres sciences de l’Homme, nous proposons, au travers d’un dispositif national de labellisation de renforcer la vigilance et la responsabilité des citoyens, notamment des personnels de l’éducation et de la formation des fonctionnaires, des salariés et des bénévoles d’associations face aux manifestations discriminantes et de haine raciste et antisémite. Les participants à la formation se familiarisent avec des clés de compréhension leur permettant d’identifier et de porter des projets de lutte contre les extrémismes, les racismes, l’antisémitisme et les discriminations, encadrés par un Brevet citoyen ou un Label.

Que signifie être référent du dispositif de labellisation citoyenne?
Les référents du dispositif sont destinés à devenir au sein de leurs structures des acteurs majeurs dans la mise en œuvre de projets de prévention et de lutte contre les extrémismes, les racismes, l’antisémitisme et les discriminations. Deux jours de formation au Site-mémorial du Camp des Milles leur permettent de disposer d’un socle
scientifique, historique et juridique d’outils de montage de projets et d’éléments didactiques qu’ils mobiliseront dans l’élaboration de leurs projets d’actions.
Qui peut devenir référent du dispositif de labellisation citoyen?
La formation est ouverte à tous les salariés de la fonction publique et du secteur privé
de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, des collectivités locales, des organismes de l’éducation informelle, et des salariés et des bénévoles d’associations. un dispositif de la Fondation du Camp des Milles soutenu
par la Dilcra et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Le dispositif national
de labellisation citoyenne s’inscrit dans le prolongement de la Chaire Unesco «Éducation à la citoyenneté, sciences de l’Homme et convergence des mémoires» portée conjointement par la Fondation du Camp des Milles et l’Université d’Aix-Marseille. Il est soutenu financièrement par la Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme et l’Antisémitisme (Dilcra) et la Fondation pour la Mémoire de la
Shoah.
Quels sont les avantages d’un projet labellisé?
Les référents du label forment un réseau basé sur le partage d’expériences et d’expertises et bénéficient du rayonnement offert par le Label citoyen à leurs projets, notamment grâce au soutien des partenaires de la Fondation du Camp des Milles–
Mémoire et Éducation. De plus, pour obtenir la labellisation, les projets déposés auprès de la Fondation du Camp des Milles par les candidats doivent suivre un processus d’accompagnement et de sélection. Ceux-­‐ci bénéficient ainsi de l’expertise de l’accompagnement et des conseils dispensés par les formateurs de la Fondation du Camp des Milles avant de soumettre leur projet au comité de sélection pour obtenir le Label. La labellisation reconnaît ainsi les qualités d’engagement, de pertinence, d’efficacité et de pédagogie des projets. Les projets labellisés offrent alors la garantie d’apporter des résultats concrets et mesurables, sur le terrain.

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