« Hérodiade » à l’Opéra de Marseille : les murs en tremblent encore…

Publié le 26 mars 2018 à  1h28 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  18h40

C’est un casting exceptionnel qui a été réuni par Maurice Xiberras pour cette production à Marseille. (Photo Christian Dresse)
C’est un casting exceptionnel qui a été réuni par Maurice Xiberras pour cette production à Marseille. (Photo Christian Dresse)
C’est en matinée, ce dernier dimanche après-midi, que nous avions décidé d’aller entendre «Hérodiade», l’opéra en 4 actes de Jules Massenet. Ce qui nous a permis d’éviter les embouteillages du vendredi soir et une simili cabale avec des sifflets mal intentionnés, nous a-t-on dit, contre le jeune directeur musical Victorien Vanoosten, chef assistant à Marseille en partance pour prendre le même poste auprès de Daniel Barenboim… Excusez du peu ! Et, ce dimanche après-midi, il fallait être là pour le voir diriger et comprendre pourquoi le maestro argentin et israélien a porté son choix sur lui. Face à cette partition assez monumentale qui peut très vite tomber dans les pièges du «pompier», Victorien Vanoosten construit avec aisance et discernement un édifice solide, très bien structuré, dont la pièce maîtresse, le final, tirera quelques frissons. Pour atteindre ce niveau d’interprétation le chef bénéficie d’un orchestre de l’Opéra au meilleur de sa forme avec des cordes souples, soyeuses et chaudes, des bois lumineux et des cuivres brillants, tous au service de leur maestro et de sa lecture soignée de la partition livrée avec puissance et sensibilité. Sur le plateau, le metteur en scène Jean-Louis Pichon, n’en fait pas des tonnes; et c’est tant mieux. Entre des murs de lances à cour et à jardin, il installe les tableaux en jouant sur un minimalisme bienvenu et sur quelques projections idéalement choisies pour installer les ambiances. Dans ce cadre, il joue avec les sentiments des uns envers les autres, déplacements soignés et masses bien maîtrisées. Un travail soigné, tout comme les lumières de Michel Theuil, qui offrent à cette production une vraie dimension émotionnelle. Travail soigné, aussi, que celui du chœur, ou plutôt des chœurs féminin et masculin, omniprésents, dont il est impossible de livrer une critique négative. On imagine dès lors la dose de travail que ces voix ont dû livrer sous la direction d’Emmanuel Trenque. Mais le succès final est là en tant que récompense et il doit être largement apprécié par les interprètes. C’est Laurence Fanon qui signe les chorégraphies réussies livrées par Mlles Delenclos, Eliazord, Faurant et Kah. Puis il y a les solistes. Pour ceux et celles qui se posaient la question à la fin de la représentation, le premier homme à venir saluer en costume de ville n’est autre que Christophe Berry qui chantait la voix du temple depuis les coulisses ! Pour donner cet ouvrage, Maurice Xiberras, le directeur de l’Opéra, a une fois de plus démontré sa science et son talent afin de réunir un casting exceptionnel. Pour chanter Salomé, il a choisi Inva Mula. Le rôle lui va à merveille, même si les spécialistes auraient aimé une voix plus dramatique. Inva Mula joue toute en sensibilité et sa voix va crescendo jusqu’au final où l’émotion est à son paroxysme. On connaît les qualités de la dame, la beauté de sa ligne de chant: elle est une Salomé tout à fait correcte. Béatrice Uria Monzon, dans le rôle titre, ne manque pas d’atouts. Une présence scénique affirmée et une voix de mezzo sombre et puissante, idéale pour ce rôle très noir qui lui va à merveille. A leurs côtés, c’est Bénédicte Roussenq qui interprétait fort bien la Babylonienne. Chez les hommes, le rôle monumental de Jean était chanté par Florian Laconi. Quel bonheur de retrouver le ténor dans une telle forme pour cette production. Puissance, projection, ligne de chant précise et directe, souplesse et aisance: du grand Laconi qui a obtenu un triomphe mérité. En pleine forme, aussi, Jean-François Lapointe, une fois de plus somptueux, ici pour incarner Hérode. A chacune de ses sorties, et depuis plusieurs mois, nous mentionnons qu’il est au top niveau; c’est encore le cas en ce moment. En grande forme, aussi, Nicolas Courjal qui prend ici le rôle de Phanuel avec grand plaisir. A l’aise dans les registres graves, mais aussi dans les parties «barytonantes», il est précis, puissant et physiquement très présent. Du grand art. Bonheur, aussi, avec le Vitellius de Jean-Marie Delpas et le grand Prêtre d’Antoine Garcin qui sont au niveau de la qualité d’ensemble de cette distribution qui a fait trembler les murs de l’Opéra. Il reste encore deux représentations: n’hésitez pas une seconde…
Michel EGEA
Pratique. Autres représentations mercredi 28 mars et vendredi 30 mars à
20 heures. Réservations au 04 91 55 11 10 ou au 04 91 55 20 43.
opera.marseille.fr

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