Il a créé le label Lyrinx il y a quarante ans ; René Gambini : le son sinon rien !

Publié le 29 octobre 2015 à  23h18 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  20h43

Il a créé le label Lyrinx il y a quarante ans ; René Gambini : le son sinon rien !

Suzanne et René Gambini ; Lyrinx, l’un des labels classiques les plus réputés au monde, c’est eux. Et c’est à Marseille (Photo Michel Egéa)
Suzanne et René Gambini ; Lyrinx, l’un des labels classiques les plus réputés au monde, c’est eux. Et c’est à Marseille (Photo Michel Egéa)

Drôle de titre, je vous l’accorde; mais «le son sinon rien», c’est un peu le précepte qui préside au travail de René Gambini au quotidien. Et aujourd’hui encore, au cœur de sa grotte électronique installée entre les murs épais d’un loft de l’ex-arsenal des galères, il s’extasie, comme un enfant, au montage d’un enregistrement du pianiste Daniel Wayenberg qui devrait faire parler de lui à sa sortie. Et comme l’homme n’est pas égoïste, il vous tend un casque afin de vous faire partager son bonheur sous l’œil attendri de Suzanne, l’épouse qui partage, depuis presque toujours, ces moments heureux… Et c’est vrai que piqué comme ça sur le master, le son de cet enregistrement est extraordinaire. Le piano vibre, les marteaux s’activent, les cordes délivrent leurs notes ; en fermant les yeux il est même possible de voir les mains du pianiste jouer, comme dans un rêve.
Étonnant parcours que celui de René Gambini. Jeune homme, il voulait devenir pianiste. Pour payer ses études il est devenu peseur-juré. Le matin (qui commençait pour lui peu après minuit) il pesait des marchandises, surtout sur le marché de gros des fruits et légumes du cours Julien. Et l’après-midi il essayait de travailler son piano. «Mais j’étais bien incapable de jouer tellement j’étais fatigué», se souvient-il. Exit le rêve musical, René Gambini se marie, aura quatre enfants et lorsque la fonction de peseur-juré passera sous le giron de la mairie, il intégrera l’équipe de rédaction de la Revue Marseille où sa culture trouvera un champ d’expression plus ouvert que celui de la pesée des oranges et des poireaux.

Syrinx, puis Lyrinx

1976 marquera un tournant dans l’existence de René Gambini. Ses enfants fréquentent le conservatoire et les professeurs sont des connaissances, voire des amis de la famille. Cette année-là, au Festival d’Avignon, Roland Petit chorégraphie «La Nuit transfigurée» de Schoenberg et demande un enregistrement aux Solistes de Marseille. «Tous étaient professeurs au conservatoire et connaissaient ma passion pour réparer ou bidouiller le matériel audio. Ils sont venus me voir en me disant qu’il fallait que je les enregistre. Je leur ai dit que je n’avais jamais fait ça et que c’était à leurs risques et périls.» L’enregistrement se fera dans la chapelle des Pénitents Blancs d’Avignon «avec un Nagra et deux micros», se souvient René Gambini. «Tout le monde était très content du résultat, poursuit-il, et ils ont voulu faire un disque de promotion avec une deuxième partie.» Lyrinx était né… Enfin, pas tout à fait puisque dans un premier temps c’est la marque Syrinx qui était déposée par son créateur à la Sacem. Et au lendemain d’un Grand Prix du Disque attribué à un album Jolivet par l’Académie du Disque Français René Gambini était contacté par deux sœurs assez âgées. «Elles avaient lu un article dans la presse qui, je me souviens, était intitulé « peut-on créer une maison de disque en province ? » Elles ont voulu me voir car elles avaient une petite entreprise de réalisation de partitions pour comptines et elle l’avaient appelée Syrinx. Elles voulaient de l’argent. Je n’en avais pas… Syrinx est alors devenu Lyrinx.»

La passion du son

Nous n’entrerons pas, ici, dans les détails techniques qui ont meublé le quotidien de René Gambini, mais l’homme a glané ses titres de gloire sur le front du son. Un peu partout dans le monde ses enregistrements de très haute qualité imposent son savoir faire et il est reconnu chez lui, mais aussi aux USA ou au Japon, pays pourtant réputés en la matière. Il refusera le CD jusqu’à l’extrême limite poursuivant la gravure sur le support vinyle. Et aujourd’hui il dit en souriant : « J’étais dans le vrai puisque le vinyle revient en force. » Sa notoriété fera qu’en 1998 il sera l’un des tous premiers à se voir remettre par Sony le système DSD (Direct Stream Digital) Cette quête originale, René Gambini a commencé à la poser sur le papier. Il a appelé ce travail « Lyrinx, 40 ans de recherches du son vrai… Un parcours du combattant ». Et dans son discours des bribes de phrases décrivent sa passion mieux que tout : « J’ai toujours été un marginal qui cherche la volupté sonore qu’on avait dans les vinyles » ; « Il faut avoir une fidélité absolue au timbre de l’instrument » ou encore « Pour respecter les interprètes, il faut respecter leur propre sonorité. » « J’ai passé quarante ans de ma vie à essayer de trouver un son qui me plaise, je l’ai trouvé il y a six mois. Mais malheureusement je suis sur le point de m’arrêter. Venez, allons écouter Wayenberg, vous l’entendrez ce son… »

Michel EGEA

Portes ouvertes et prix malins chez Lyrinx les 6, 7 et 8 novembre

Découvrir de jeunes talents a toujours été une vocation pour Lyrinx. Après avoir lancé Marie-Josèphe Jude, Laurent Korcia, Truls Mørk, Caroline Sageman, Katia Skanavi ou Vanessa Wagner, c’est la pianiste Gabriela Ungureanu ainsi que les duos Ainos et Humoresque qui rejoignent aujourd’hui Vittorio Forte et ses quatre enregistrements, dont un Couperin–Chopin : affinités retrouvées de référence !
Mais un label ne saurait se satisfaire de cette seule mission : en leur temps Catherine Collard, Mieczysław Horszowski et Pierre Barbizet, ou encore Georges Pludermacher, le Fine Arts Quartet, Jean-Claude Pennetier et Bruno Rigutto – dont le prochain disque paraîtra en 2016 – ont, par la maîtrise de leur art et la maturité de leurs interprétations, gravé certains des plus beaux disques du label. « C’est aussi avec une joie et une fierté non dissimulées, nous dit Suzanne Gambini, que nous venons d’enregistrer l’immense Daniel Wayenberg et de publier deux albums avec la star française du piano Michel Béroff, qui viennent de faire l’actualité de cette rentrée musicale. »
Le 6, 7 et 8 novembre prochain, les Gambini vous invitent à découvrir leur catalogue et leurs nouveautés, autour d’un verre, de 15 à 20 heures. Mis à l’honneur, le dernier opus de la collection Strumenti consacrée aux instruments anciens avec des œuvres concertantes de Frédéric Chopin jouées par Pierre Goy sur un Pleyel de 1830 (ayant appartenu à Mme Coignet, élève de Chopin) et accompagné d’un quatuor à cordes !
Lyrinx- 27 cours d’Estienne d’Orves, 13001 Marseille (3ème étage). Tél. 04 91 54 81 41.

Gabriela Ungureanu en récital à La Criée

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Son enregistrement chez Lyrinx / Talents consacré à Rameau est sorti il y a un an. Un CD dont Suzanne Gambini regrette qu’il soit un peu passé au travers dans les médias. De cet enregistrement, Jean-Charles Hoffelé, critique à Concertclassic écrivait : « Dernière venue, Gabriela Ungureanu . Et une belle surprise en vérité : Trois Pièces en concert (La Coulican, La Livri, un incroyable Le Vesinet qui prend des allures de gigue, plein d’accents et de piques), la Suite en sol, la Suite en la. Beau jeu, clavier léger et timbré, beaucoup d’idées, beaucoup de propos pensés du piano et pour le piano, ce qui autorise la concertiste roumaine à prendre tout le temps et l’espace qu’elle veut, mais sans déformer les sujets du compositeur. » La jeune pianiste roumaine sera en récital le 9 novembre à Marseille. Elle donnera Rameau, mais aussi des extraits de la suite espagnole d’Albeniz.

Au théâtre de La Criée, le 9 novembre à 20 heures. Tarifs : de 12 à 24 euros, enfants et dernière minute : 9 euros. L’équipe de la billetterie vous accueille au Théâtre de La Criée du mardi au samedi de 12 à 18 heures et par téléphone au 04 91 54 70 54. theatre-lacriee.com

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