Journal du festivalier d’Aix-en-Provence – C’est avec les vieilles partitions que naissent les meilleures productions

Publié le 11 juillet 2022 à  22h23 - Dernière mise à  jour le 11 juin 2023 à  19h15

Après une ouverture qui en a fait réfléchir plus d’un avec l’installation morbide de Romeo Castellucci pour une «Résurrection» rythmée par la symphonie n° 2 de Mahler suivie d’une Salomé révélatrice du talent de la soprano franco-danoise Elsa Dreisig, le festival a poursuivi son chemin à raison d’une première par soir avec des fortunes diverses.

Idoménée, roi de Crête coule au Japon

Une mise en scène difficilement lisible, tout comme l’action, pour Idoménée (Photo Jean-Louis Fernandez)
Une mise en scène difficilement lisible, tout comme l’action, pour Idoménée (Photo Jean-Louis Fernandez)

Ce fut d’abord «Idoménée, roi de Crête» et Mozart qui retrouvait le théâtre de l’Archevêché. L’affiche était alléchante puisque Raphaël Pichon se retrouvait à la direction musicale de la production, à la tête de son orchestre et de son chœur Pygmalion. Une fois de plus son travail se plaçait au service de la musique du Salzbourgeois avec de la finesse, de l’élégance et cette capacité à accompagner idéalement l’action. Mais le parti pris scénique et de mise en scène choisi par le japonais Satoshi Miyagi annihilait tout le travail musical. L’idée de transposer l’action au Japon en 1945 n’était pas sotte, mais la réalisation ne fut pas à la hauteur. En plaçant les protagonistes de l’action sur des piédestaux à quelques mètres de hauteur du sol, en les éloignant les uns des autres, Miyagi a totalement occulté l’humanité et les sentiments. Alors Michael Spyres a essayé de donner de l’épaisseur à Idoménée, en vain, Sabine Devieilhe a eu beau ciseler son chant, elle était bien solitaire sur sa bulle, la seule à tirer son épingle du jeu étant Siobhan Staag, Electre, qui, ce n’est pas si innocent que ça, se trouvait, elle, les deux pieds sur la scène. Accueil mitigé au final.

Mozart : « Idomeneo, Re di Creta » au Théâtre de l’Archevêché; prochaines représentations les 13, 15, 19 et 22 juillet 2022. Diffusion en différé, le 16 juillet à 22h35 sur Arte et Arte Concert. Plus d’info et réservations: festival-aix.com/fr

Moïse et Pharaon enfonce des portes ouvertes

Beaucoup trop de clichés pour cette mise en scène de Moïse et Pharaon (Photo Monika Rittershaus)
Beaucoup trop de clichés pour cette mise en scène de Moïse et Pharaon (Photo Monika Rittershaus)

Le lendemain, place au « grand opéra à la française » de Rossini, avec «Moïse et Pharaon». Ici aussi, le parti pris du metteur en scène n’était pas si incongru que ça. Ramené à notre société, l’ouvrage allait trouver une actualité très politique, les Hébreux devenant les réfugiés fuyant misère et maltraitance. Tobias Kratzer avait les ingrédients à sa disposition, il les a mal cuisinés. Forçant sur la dichotomie qui mène notre monde, il force le trait et enfonce des portes ouvertes, oubliant que le spectateur n’est pas si stupide que ça et qu’un peu de finesse lui permettrait d’adhérer à son propos. Il en résulte beaucoup d’ennui et une succession de clichés parfois difficilement supportables. Et pour cette production aussi, le côté musical et vocal a pâti des choix scéniques. Car avoir Michele Mariotti à la direction musical d’une excellent orchestre de l’Opéra de Lyon méritait mieux. Le maestro a tiré le meilleur de l’ensemble, mais aussi des chœurs somptueux trop peu mis en valeur. Du côté des solistes, on est resté mitigés, Le très attendu ténor samoan Pene Pati étant en retrait du fait s-de sa convalescence tout comme le Moïse usé de Michel Pertusi. La atisfaction viendra du côté féminin de la distribution avec le délicate Anai de Jeanine de Bique et la superbe Sinaïde de Vasilia Berzhanskaya. ici aussi l’accueil fut seulement poli

Rossini : « Moïse et Pharaon » au Théâtre de l’Archevêché ; prochaines représentations : 12, 14, 16 et 20 juillet 2022. Diffusion en direct le 12 juillet à 21h30 sur Arte concert et le 14 juillet à 21 h 30 sur France Musique. Plus d’info et réservations: festival-aix.com/fr

Le Couronnement de Poppée au top

La jeunesse fait triompher Le Couronnement de Popéée (Photo Ruth Waltz)
La jeunesse fait triompher Le Couronnement de Popéée (Photo Ruth Waltz)

Une fois de plus, comme ce fut le cas ces dernières années, le temps fort du Festival sonnait baroque. Au théâtre du Jeu de Paume, c’est « Le Couronnement de Poppée » de Monteverdi qui allait triompher au bout de trois heures et demi d’une interprétation musicalement sans failles sous la direction de Leonardo Garcia Alarcon et d’une rare intelligence scénique grace au travail de Ted Huffman. « C’est une leçon de direction d’acteurs » nous confiait Macha Makeïeff après avoir été totalement séduite par ce couronnement de Poppée. Une leçon qu’aurait pu donner Ted Huffman à ses confrères réalisateurs des deux précédentes productions.
Il faut dire que pour faire triompher l’ultime opéra de Monteverdi, chef et metteur en scène ont pu bénéficier d’un plateau jeune, beau et talentueux. Emmené par La Poppée à la plastique et à la voix idéales de Jacquelyn Stucker et par le Neron inquiétant à souhait de Jake Arditti.

Mais c’est la totalité de la troupe qui mérite les couronnes de lauriers et les louanges soit Fleur Barron, Paul-Antoine Bénos-Djian, Alex Rosen, Miles Mykkanen, Maya Kherani, Julie Roset, Laurence Kilsby, Riccardo Romeo et Yannis François. Sans oublier les musiciens qui, sous la direction de Leonardo Garcia-Alarcon, transforment l’orchestre Cappella Mediterranea en un personnage essentiel du succès. De la grande et belle ouvrage et un triomphe mérité pour cette production.

Monteverdi : « L’incoronazione di Poppea » au Théâtre du Jeu de Paume; prochaines représentations les 12, 14, 15, 17, 18, 20, 21 et 23 juillet 2022. Diffusion en direct le 15 juillet à 20 heures sur France Musique. Plus d’info et réservations: festival-aix.com/fr
Michel EGEA

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