L’Adie : Et si on ne prêtait pas qu’aux riches…

Publié le 31 janvier 2018 à  23h11 - Dernière mise à  jour le 29 novembre 2022 à  12h24

L’enjeu est de taille pour l’Adie : multiplier les bénéficiaires du microcrédit accompagné, c’est aussi permettre à davantage de personnes éloignées de l’emploi de créer leur propre activité. Or pour l’association, ce dispositif reste encore méconnu. Elle a donc entrepris à l’échelle nationale un plan stratégique de communication et lance ce mois de février «les rendez-vous de l’Adie».

Sébastien Chaze, directeur Paca de l'Adie (Photo Robert Poulain)
Sébastien Chaze, directeur Paca de l’Adie (Photo Robert Poulain)
Campagne de l'Adie pour démocratiser le microcrédit (Photo Robert Poulain)
Campagne de l’Adie pour démocratiser le microcrédit (Photo Robert Poulain)
Pour ses trente ans, l’Adie s’offre une campagne de communication d’envergure. L’association, à but non lucratif, donne en effet «rendez-vous» au public en Paca et dans le reste de la France du 5 au 9 février prochain pour mieux faire connaître ses missions et sensibiliser le plus grand nombre à la création d’entreprise. C’est dans ses antennes locales que cela se passera mais aussi dans les agences du Pôle Emploi, les villages d’entreprise voire même sur la place publique lors d’événements, dans son camion itinérant ou encore sur le Net, à la faveur de web-conférences… Le tout s’accompagne d’un plan média à l’échelle nationale et le but de la démarche, il tombe sous le sens : mieux faire connaître les missions de l’Adie, démocratiser le microcrédit accompagné, outil de financement dont elle se prévaut. Il faut dire qu’il a déjà permis à nombre de candidats à la création d’entreprise de réaliser leurs aspirations et, pas forcément ceux auxquels le monde bancaire traditionnel tend facilement la main. Le profil du bénéficiaire de ce microcrédit accompagné ? «Il n’a ni apport ni garantie et des revenus personnels très modestes», dresse Sébastien Chaze, directeur Paca, en guise de portrait. Sur le périmètre régional, parmi les personnes suivies par l’association en 2017, 45% vivaient sous le seuil de pauvreté, 37% étaient allocataires du RSA, 18% résidaient dans un quartier prioritaire et 62% ont un niveau d’études inférieur au bac (si l’on prend les chiffres du national, on évoque aussi 27% de personnes sans diplôme). C’est donc ce public, par définition éloigné de l’emploi, qui se voit offrir la perspective de créer son activité, sortant ainsi de la spirale du chômage ou échappant au couperet de la fin de droit.

Un seuil de 10 000 euros

Autre caractéristique, citée: «Nos bénéficiaires se tournent vers nous parce qu’ils ont aussi besoin d’un montant qui, commercialement, n’est pas rentable pour les banques». Et pour cause : comme son nom l’indique, le microcrédit c’est le prêt de petites sommes, auquel s’applique un taux d’intérêt de 7,3%. «A titre d’illustration, pour un prêt moyen de 4 000€, cela représente des échéances mensuelles de 140€, le coût du crédit représentant une vingtaine d’euros. Nous prêtons jusqu’à 10 000 euros. Au-delà de ce seuil, c’est le réseau Initiative qui prend le relai, via le prêt d’honneur», poursuit le directeur. Dix mille euros, c’est justement le montant du prêt que Fatiha, fondatrice d’une onglerie à Marseille, a contracté:«Ces fonds vont me permettre de m’agrandir mais aussi de proposer bientôt un autre service, l’extension de cils via le recrutement d’une nouvelle collaboratrice», explique-t-elle. Parce que les bénéficiaires du dispositif ne créent pas uniquement leur activité, ils génèrent aussi en moyenne 1,3 emploi… et réalisent 31 900€ de chiffre d’affaires annuel moyen. Par ailleurs, ils inscrivent leur entreprise (il s’agit pour 1/3 de commerces, 1/3 de prestations de services et 1/3 d’artisanat) dans la durée : 76% d’entre elles sont toujours pérennes après deux ans d’exercice. Et les dirigeants dont la structure n’est plus en activité retrouvent plus aisément un emploi, du fait qu’ils ont recréé des liens avec le monde économique. Un taux d’insertion qui s’évalue à 84%. Ainsi, cela fait «30 ans au cours desquels l’Adie a apporté la preuve que l’on peut entreprendre, quelle que soit sa situation sociale, professionnelle ou géographique, à condition d’être accompagné et d’avoir accès à un financement», reprend Sébastien Chaze. Pour mémoire, l’association a été créée par Maria Nowak, économiste fortement impliquée dans les projets de développement des pays pauvres et inspirée par sa rencontre avec le prix Nobel de la paix 2006 Muhammad Yunus. Car l’Adie, «reconnue comme d’utilité publique», naîtra de l’idée d’appliquer à la France les méthodes mises en œuvre au Bangladesh au sein de la Grameen Bank… Avec succès, puisque depuis sa création, elle a financé plus de 200 000 microcrédits, participant à la création de plus de 140 000 entreprises. Sur la seule année 2017, c’est plus de 20 000 microcrédits qui ont été octroyés.

Deux caps symboliques franchis en Paca

A l’échelle de la région aussi, 2017 fait figure d’année record sur plusieurs indicateurs. L’Adie en Paca, qui dispose de sept antennes départementales et 20 permanences décentralisée (ainsi que 25 salariés et 80 bénévoles), a connu cette année une croissance d’activité de 11%. Elle franchit également deux caps symboliques : dans la seule cité phocéenne, le seuil des 300 financements a été dépassé, tandis que plus largement, sur Paca, celui des 1 000 projets financés a été atteint. 1051 pour être exact. «Pour les ¾ (773, NDLR), il s’agit de microcrédit professionnel, et pour le quart restant (278, NDLR), du microcrédit pour l’emploi salarié. Puisque nous finançons aussi des projets permettant de faciliter le retour à l’emploi, type aide à la mobilité et donc achat d’un véhicule», précise Sébastien Chaze. Sur les 773 entreprises financées, 480 avaient pour finalité la création de la structure et 293 son développement. 4,46 M€ ont ainsi été prêtés en 2017, de l’argent que l’Adie emprunte elle-même préalablement sur la place bancaire, ses deux principaux pourvoyeurs étant la Banque Populaire et le Crédit Mutuel… et des remboursements dont les bénéficiaires s’acquittent en majeure partie, à hauteur de 95,3%. Mais pour l’association, ce n’est pas encore assez. Il faut dire que toucher davantage de public, c’est permettre à un nombre accru de personnes de créer leur activité et de reprendre ainsi les rênes de leur vie. Les objectifs de croissance sont donc d’ores et déjà fixés : en Paca, l’Adie vise les 1 500 projets financés à l’horizon 2020… Elle compte donc largement sur ce nouveau plan stratégique pour y parvenir. Mais bien avant cela, l’association trentenaire aura déjà contribué à démentir un adage pourtant rebattu : «on ne prête qu’aux riches».
Carole Payrau

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