‘L’Empereur d’Atlantis ou le refus de la mort’ au Grand Théâtre de Provence d’Aix: l’émotion au rendez-vous

Publié le 7 janvier 2022 à  18h17 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  11h35

Avec la participation du Grand Théâtre de Provence, coréalisateur qui accueillait le spectacle, et le soutien des clubs Rotary, l’association de la recherche et de l’enseignement de la shoah, Musicaix et le Site-mémorial du camp des Milles ont présenté, mercredi soir, l’unique opéra du compositeur Viktor Ullmann composé sur un livret de Pietr Kein. Pour beaucoup la découverte d’une partition puissante et d’un texte pour le moins émouvant.

Aux saluts, de g. à dr. Paul Gaugler, Pauline Courtin, Pierre Villa-Loumagne, Muriel Tomao, Jeong-hyun Han et Jean Vendassi (Photo M.E.)
Aux saluts, de g. à dr. Paul Gaugler, Pauline Courtin, Pierre Villa-Loumagne, Muriel Tomao, Jeong-hyun Han et Jean Vendassi (Photo M.E.)

C’est au camp de Terezin, où il est détenu, que Viktor Ullmann compose entre les années 1943 et 1944 son œuvre la plus connue, l’opéra en un acte et quatre tableaux «L’Empereur d’Atlantis ou le refus de la mort», conte métaphorique sur le pouvoir et la mort. L’ouvrage ne sera jamais représenté à Terezin, les Allemands effectuant un rapprochement entre l’empereur et Hitler. La partition sera confié par Ullmann, au moment de son départ pour Auschwitz-Birkenau où il sera gazé, à l’un de ses codétenus auquel il demandera de tout faire pour qu’elle vive ce qui lui éviterait «de mourir une deuxième fois…»

Le rêve et la réalité

C’est le rêve d’un enfant déporté qui est ici mis en scène par Bernard Grimonet. La Mort et Arlequin voudraient prolonger le temps. Mais l’Empereur déclare la guerre de tous contre tous. Alors la Mort bloque le temps de vie des hommes. Il n’y a plus de morts et l’empereur offre une potion d’éternité aux soldats courageux pour éviter la victoire de la Mort. Dans la cour d’un camp de concentration, c’est l’amour qui illumine l’instant où le gardien est séduit par la beauté de la jeune prisonnière qui tentait de s’évader. Une insurrection se déclare et la Mort revient pour affirmer son rôle apaisant ; elle se réconcilie avec l’Empereur qui accepte d’être sa première victime. Le final affirme l’inéluctabilité de la mort pour chacun : «Venez ô Mort, soyez mon hôte, car dans mon cœur vous êtes attendu. Enlève les charges de ma vie, après mes souffrances amène-moi la paix. Apprends-nous à respecter joies et peines, dans la vie de nos frères. Et le commandement sacré : n’invoque pas en vain la mort, le grand nom de la Mort.» Le sifflet strident d’une locomotive à vapeur résonne alors mettant fin au rêve ; retour à la réalité. Tour à tour, musiciens, comédiens, chanteurs se lèvent et rejoignent le quai, ombres chinoises sur ciel de sang, pour un ultime voyage.

Ombres chinoises sur ciel de sang, pour un ultime voyage (Photo M.E.)
Ombres chinoises sur ciel de sang, pour un ultime voyage (Photo M.E.)

Un casting solide pour une œuvre majeure du XXe siècle

La musique de Viktor Ullmann accompagne le drame de façon intense et prenante. Elle n’est ni provocatrice, à l’instar de certaines pièces de Kurt Weill, ni fade. Elle incite plutôt à la réflexion et à l’introspection tout en soutenant un propos d’une dimension extrêmement dramatique lorsqu’on la replace dans son contexte. Les spécialistes parlent de cette œuvre comme étant une composition majeure du XXe siècle. On ne peut s’empêcher alors de penser à Messiaen qui, trois ans plus tôt, interné au stalag VIII- A à Görlitz, en Silésie, compose et donne en compagnie de trois autres musiciens prisonniers son «Quatuor pour la fin du temps». Une œuvre qui sera jouée dans quelques semaines au Site-mémorial du camp des Milles dans le cadre du Festival de Pâques.

Au Grand Théâtre de Provence, pour servir avec rigueur, précision, couleurs et densité la partition de Ullmann, sous la direction de Johan Riphagen, c’est un ensemble composé majoritairement de musiciens du territoire «aixo-pertuisien» qui était réuni aux côtés d’une solide distribution rassemblant Muriel Tomao, Pauline Courtin, Jeong-hyun Han, Pierre Villa-Loumagne, Jean Vendassi et Paul Gaugler. Une soirée qui pour être très émouvante n’en fut pas moins culturellement riche. Un événement auquel ont participé, en première partie, les enfants de la chorale de Pertuis Ellen Mandel ainsi que des résidents de l’EPD Louis Philibert comme figurants de l’opéra.
Michel EGEA

L’opéra de Viktor Ullmann sera donné le lundi 10 janvier à l’auditorium du Site-mémorial du camp des Milles pour les collégiens et lycéens.
Plus de renseignements : empereurdatlantis.fr ou Site-mémorial du camp des Milles campdesmilles.org

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