L’Opéra de Marseille ouvre la saison avec une « Manon » élégante

Publié le 30 septembre 2015 à  21h48 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  20h06

Patrizia Ciofi et Sébastien Guèze incarnent Manon et le Chevalier des Grieux avec une belle justesse sur la scène de l’opéra de Marseille pour l’ouverture de la saison (Photo Christian Dresse)
Patrizia Ciofi et Sébastien Guèze incarnent Manon et le Chevalier des Grieux avec une belle justesse sur la scène de l’opéra de Marseille pour l’ouverture de la saison (Photo Christian Dresse)

Faut-il s’apitoyer sur le sort de Manon, jouvencelle promise à Dieu et au couvent à l’âge de 16 ans mais qui décide, d’un coup, d’un seul, d’aller explorer d’autres voies, pas toujours impénétrables, que celles du seigneur ? Faut-il plaindre le naïf chevalier Des Grieux, presque puceau idéaliste relié au père par un cordon ombilical gros «comme ça» et au père éternel par défaut ? En fait, pas vraiment. Et l’on se dit que le seul personnage de l’opéra de Massenet méritant un peu d’estime, en fait, c’est Lescaut, le cousin militaire qui brûle la chandelle par tous les bouts sans se poser de questions «philosoficoreligieusomorales» qui pourraient contrarier son existence. Les autres sont des benêts, des filles légères, un puissant rigoriste, un jouisseur argenté mais qui ne veut offrir «l’opéra» à sa belle et le peuple qui vit de rapines, ventes et câlins forcés auprès de cette société. Le décor est planté. «Manon» de Massenet, opéra en cinq actes et quelques bâillements peut être donné. Bâillements, oui; non point que le spectacle proposé par la production inaugurale de la saison lyrique marseillaise soit soporifique mais plutôt engendrés par les temps faibles de la partition originale. Pourtant l’orchestre fait preuve d’allant, de chaleur, de couleurs sous la direction intelligente du maestro Alexander Joel qui, notes après notes, pour sa première direction marseillaise, tente d’épousseter des plages musicales d’un autre temps. Et le résultat est parfois bluffant ; on aimerait presque cette composition de Massenet. Scéniquement, pour ceux qui ont déjà vu cette production en 2008, pas de surprises. La mise en scène co-signée Renée Auphan et Yves Coudray est toujours aussi léchée, gracieuse, élégante, les costumes de Katia Duflot toujours aussi somptueux. Seuls les décors semblent avoir pris un petit coup de vieux qui, s’il ne nuit pas à la rigueur du Saint-Sulpice, rend un tantinet tristounets les arbres du Cours-la-Reine. Déplacements biens travaillés, ambiances, notamment celle de l’hôtel de Transylvanie, bien en place, c’est de la belle ouvrage. Restaient les voix. Difficile d’incarner Manon; un casse-tête pour les directeurs d’opéras qui doivent trouver une soprano avec une tessiture complète et sans faille, pour incarner une post adolescente. Avec Patrizia Ciofi, Maurice Xiberras y est arrivé. «La Ciofi», chouchou du public marseillais, fait oublier dès son apparition sur scène, qu’elle a quelques printemps de plus que les 16 affichés par l’héroïne. Magie et qualité du jeu de cette artiste exceptionnelle qui tire les frissons, parfois les larmes, qu’elle soit Traviata, Lucia, Gilda ou Manon… Jeunesse du jeu d’actrice, épaisseur de la voix : elle exploite idéalement ses moyens avec aisance et grande technique. Dans le rôle du Chevalier Des Grieux, Sébastien Guèze, lui, a l’âge et le physique. De ce dernier il sait jouer pour incarner le rôle avec justesse. Quant à l’âge, il lui offre une voix jeune avec de l’aisance dans les aigus qui prendra de la charpente, progressivement, avec les ans. Nous l’attendions au tournant de Saint-Sulpice, il ne nous a pas déçu. Belle basse posée, Nicolas Cavallier incarne idéalement le comte Des Grieux; la voix est puissante et bien placée. Le trio de courtisanes, Poussette, Javotte et Rosette, est idéalement composé avec Jennifer Michel, Antoinette Dennefeld et Jean-Marie Levy, espiègles et d’une belle assurance vocale. Christophe Gay et Rodolphe Briand sont à leur place pour incarner De Brétigny et Guillot et nous avons eu un coup de cœur pour le Lescaut d’Étienne Dupuy, baryton puissant, à la belle projection, très présent sur scène; une aisance vocale et un jeu remarquables. Le chœur de l’Opéra, désormais dirigé par Emmanuel Trenque, n’a pas failli et les danseurs de Julien Lestel se sont bien sortis d’un ballet maintenu dans cette production qui mérite assurément que l’on aille y jeter un œil et deux oreilles…
Michel EGEA

Pratique
«Manon» de Massenet à l’Opéra de Marseille ; les 02/10 et 07/10 à 20 heures, le 04/10 à 14h30. «Le Portrait de Manon», le samedi 3 octobre à 20 heures à l’Opéra. Réservations : opera-marseille.fr – Tél. : 04 91 55 11 10 ou 04 91 55 20 43.

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