L’agenda sécuritaire au diapason du mieux vivre en Provence-Alpes-Côtes-d’Azur par Pierre Distinguin

Publié le 4 août 2016 à  20h45 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h32

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Signe d’un temps perturbé, la Sécurité est un des mots les plus monétisés sur le web aujourd’hui, pépite intarissable d’une mine d’informations à ciel ouvert pour les uns, boîte de pandore pour les autres, le mot est devenu bien trop clivant pour mériter une place d’honneur au panthéon des sujets d’actualité les plus disputés. A la différence d’une véritable pépite aurifère originaire d’un massif rocheux épuisable, les mots naissent, se multiplient voire se transforment à l’infini ; le mot «Sécurité» loin de faiblir, ne s’est jamais mieux porté que dans la tourmente et l’immense incertitude de notre époque car, composé d’un matériau algorithmique ne cessant d’élargir son champs d’usage et de référence à la vitesse de ses utilisateurs. Ce genre de phénomène s’appelle l’auto-réalisation, il se nourrit tout seul de la propagande qu’il suscite.

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur offre de ce point de vue une expérience unique mais prolongée, d’un climat anxiogène nous asphyxiant tous à faible dose, sous une enveloppe sécuritaire irréfutable lorsque prise séparément. Il semble urgent d’inspirer un processus d’auto-déconstruction en impulsant une rhétorique nouvelle.

La sécurité est un thème qui est omniprésent et qui innerve tous les champs de la vie politique, économique, sociétale, scientifique, sportive et culturelle. Marseille qui est, quoique l’on entende, la ville la plus ouverte de France, n’échappe pas à cette destinée collective, au désarroi de ses défenseurs les plus renseignés. Mon explication est que nous subissons les frottements tectoniques de plusieurs plaques sociétales :
-la plaque économique
-la plaque communautaire
-la plaque migratoire
-la plaque identitaire
Si la ville est attachée à son histoire bimillénaire, ce récit ne suffit plus à colmater les brèches, dont les épicentres sont multiples. Secoué par ce contexte tectonique, Marseille ne doit pas céder aux tentations mimétiques de privilégier seulement les solutions défensives et réactives. Sa chance est d’être situé sur un des épicentres, au carrefour des 4 plaques ci dessus, elle est la seule métropole d’envergure en Europe aussi à bénéficier d’un effet cumulatif entre d’un côté, l’offre de ressources et compétences singulières, des sites de déploiements et d’usage de l’autre. Ainsi, les éléments de réponse sécuritaire portent à Marseille sur deux piliers :
-le pilier sémantique et pédagogique
-le pilier technologique

1/ Sur le premier, réfléchissons déjà à la meilleure appellation possible d’un sujet aussi transversal et polymorphe que celui-ci. Il ne s’agit plus seulement de proposer une offre sécuritaire au sens de Big Brother et de son corollaire des perceptions liberticides mais de répondre à la demande du grand public pour moins de stress et du mieux vivre ensemble. A ce propos, on constate un rapprochement des objectifs quelque soit les bénéficiaires professionnels ou privés. Selon cette lecture, le mot SECURITE n’est plus adapté aux enjeux de confort, de quiétude et de confiance auxquels chacun de nous aspire, alors pourquoi ne pas innover et insuffler une nouvelle sémantique en parlant de Bien vivre ou de Bien être. A l’échelle métropolitaine et régionale, on pourrait imaginer un grand Plan avec un agenda en faveur du mieux vivre qui autoriserait alors des marges de consensus plus grande et plus fiable car moins connotées. Le marketing certes présent dans l’initiative n’oblitèrerait pas la dimension individuelle, car le meilleur projet de société est celui qui permet de fusionner la forme avec le fonds, le collectif et l’individu, les habitants et les entreprises, tous partageant les mêmes enjeux, la boucle serait bouclé.

2/ Le marché de la SECURITE dans le monde représentait environ 600 Milliards de dollars en 2015, et 35 Milliards en France seulement, avec un taux de croissance de 5% l’an. Ce marché totalise les activités électroniques hardwares (alarmes, détecteurs, scanner lecteurs de cartes, objets connectés) et software (application mobiles, contrôles d’accès, sécurité des objets…). Les professionnels utilisent la formule des 3 G pour décrire le spectre des enjeux : Guns, Guards, Gates (Armes, hommes et sites). Si une dépense de 10 % du marché national soit 3,5 Milliards d’euros était impulsée en région Paca avec des points focaux autour de sites sensibles, nous serions en mesure de gagner des points de bien vivre au bénéfice de tous, des entreprises comme des habitants. La région bénéficie d’une chaîne de valeur unique en Europe autour de 2 clusters complémentaires SAFE (regroupement des acteurs du pôles risque et du pôle aéronautique (avec notamment les compétences autour des drones), et SCS (Smart Communicating Solutions) regroupant ensemble plus de 900 acteurs dont 2/3 de sociétés fournisseurs de produits et de services. Étant à son avantage sur le levier technologique et entrepreneurial, la région Paca aurait les moyens d’enclencher ainsi une dynamique vertueuse, vers ses habitants comme vers les leaders d’opinion nationaux.

Les conseilleurs n’étant pas les payeurs, la première étape ne serait elle pas de construire simplement à l’échelle régionale un think and do tank [[think and do tank : combiner la recherche sérieuse et les applications concrètes]] sur le thème du mieux vivre (dont la sécurité est une constante) en regroupant technologues, philosophes, géographes sociologues, politiques, leaders associatifs, communicants économistes, chefs d’entreprises… dont le but serait de tracer les bases d’une feuille de route ambitieuse autour un enjeu qui doit cesser de faire trembler tout le monde.

Pierre Distinguin est expert en attractivité territoriale

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