La boîte à Polars de Jean-Rémi Barland. « Intuitio » de Laurent Gounelle: un thriller initiatique sur le pouvoir de la pensée

Publié le 13 avril 2021 à  20h13 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  15h51

Quel lien existe-t-il entre l’évocation du roman «L’appel de la forêt» de Jack London, l’écologie et l’incendie de tours de bureaux hébergeant des boîtes de finances ? En effet ça ne pollue pas une boîte de finances, et pourtant, cette corrélation existe. Elle est même le nœud gordien de «Intuitio» le nouveau thriller de Laurent Gounelle.

Laurent Gounelle © Bruno Levy
Laurent Gounelle © Bruno Levy

Développée tout au long d’un récit gigogne l’idée que «la vraie liberté ne vient pas de notre situation : la vraie liberté est celle que l’on se donne, elle est en soi, elle est une façon d’appréhender l’existence, de vivre sa vie. Libre, on l’est quel que soit le contexte. Il suffit d’observer un peu les gens pour le comprendre». Cette pensée au final très sartrienne l’auteur la développe avec un sens évident de la mise en scène. Dès le début nous sommes saisis par la situation vécue par le narrateur, un auteur de polars publiant ses intrigues à rebondissements sous le pseudonyme de Timothy Fisher.

Alors qu’il mène une vie tranquille dans une rue du Queens à New York, paisiblement entouré de son chat appelé Al Capone, il voit débarquer chez lui Robert Collins et Glenn Jackson, deux agents du FBI, venus lui proposer une mission ultra secrète et extrêmement périlleuse : rejoindre en hélicoptère Fort Meade, site de l’armée situé près de Washington connu pour héberger le siège de l’Agence Nationale de Sécurité où l’attend Anna Saunders, directrice d’un étrange projet politico-militaire, visant à former des intuitifs, des personnes capables d’accéder à volonté à leurs intuitions. Le déroulé des faits exposés à Timothy en est simple : un incendie criminel vient de détruire une tour à Chicago, un autre a ravagé la veille un immeuble à Baltimore, et il faut stopper le dangereux criminel qui semble vouloir détruire par les flammes des bâtiments financiers, comme ce sera le cas plus tard avec un building au centre de Valley Forge, en Pennsylvanie. Très réticent au départ, Timothy va accepter et comprendra très vite durant son enquête en forme de course-poursuite, que les tours dévastées par les flammes hébergeaient toutes des grosses firmes de finances, des fonds d’investissement.

Intuition contre rationalisme cartésien

«Le corps sait; faire confiance à son corps» tel sera le leitmotiv de Timothy Fisher, qui par Laurent Gounelle interposé privilégie les forces de l’intuition, parfois plus efficaces (c’est le cas ici) que le rationalisme cartésien. L’arrestation d’un suspect, un certain Elan Walker, semble clore l’affaire. Il n’en sera rien, tandis qu’apparaît en évidence ce que met en évidence dans tout récit d’espionnage, à savoir que la raison d’État est supérieure aux intérêts individuels. Quant au président des États-Unis, fort peu vertueux au demeurant, on découvre qu’il a entretenu une relation torride avec Amber Jane, une gamine de seize ans «qui déchaîne ses fans lors de ses concerts un peu partout ! » Barry Kantor, le conseiller de ce même président ne vaut sans doute guère mieux, lui qui fut soupçonné «d’avoir fomenté un assassinat politique». Vous secouez le tout et vous avez les éléments principaux de ce thriller hallucinant et halluciné qui pourrait se résumer par ce « slogan » : Ici c’est « Intuition quand tu nous tiens ! Intuition à tous les étages ! »

L’intuition véhiculée (peut-être) par un champ magnétique, disséquée par un plongeon dans les travaux de Harold Puthoff, un physicien qui en 1972 menait en Californie des recherches sur le paranormal. Laurent Gounelle passionne et utilise avec un sens de la dramaturgie évident des dialogues percutants faisant avancer l’intrigue à suspense. Un drôle de livre pas franchement drôle, un thriller initiatique original et facile d’accès qui offre en filigrane cette double maxime morale : «A trop penser à soi, on finit sa vie tout seul. A trop gérer son intérêt, on ne gère que des regrets ».
Jean-Rémi BARLAND

«Intuitio» de Laurent Gounelle paru aux Éditions Calmann-Levy -399 pages – 21,90 €
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