La boîte à Polars de Jean-Rémi Barland. ‘Le cimetière de la mer’ du Norvégien Aslak Nore, un roman habité, sombre, haletant…

Publié le 18 février 2023 à  19h21 - Dernière mise à  jour le 8 août 2023 à  9h07

Imaginez un roman qui tiendrait des thrillers de John Le Carré et du «Testament à l’anglaise», le chef d’oeuvre de Jonathan Coe. Un roman à la fois saga familiale, réflexion sur l’art du récit, fresque sociale, drame sur le pouvoir, suspense autour d’une transmission de patrimoine. Ce roman habité, sombre, qui ne vous laisse pas respirer, dont on tourne les pages avec frénésie s’appelle «Le cimetière de la mer».

Signé Aslak Nore, un Norvégien qui vit aujourd’hui au Vallon des Auffes, à Marseille «Le cimetière de la mer» est publié par « Le bruit du monde », maison d’éditions installée dans cette même cité phocéenne. Citant souvent Dumas et Dickens comme source d’inspiration, l’auteur réussit à décrire le sort d’individus singuliers dans le concert des grands soubresauts de l’Histoire. En l’occurrence ici l’explosion le 8 avril 1940 du « Prinsesse Ragnhild », un navire norvégien accidenté par un champ de mines installée par les Anglais. Cette tragédie racontée par une certaine Vera Lind, donne son titre au livre «Le cimetière de la mer » qui est aussi le nom du manuscrit disparu de la romancière.

Que s’est-il passé et quelles sont les raisons profondes pour que ce texte témoignage se soit volatilisé sans laisser de traces ? Et pour quelles raisons Vera Lind, qui dans les années 1970 écrivit une série de romans à suspens sombre qui lui valurent d’être appelée «la Daphné du Maurier du Nord», cessa dans cette même période de publier le moindre ouvrage ? Et surtout pourquoi s’est-elle suicidée bien plus tard d’ailleurs, laissant sa famille perplexe et surtout en crise ? C’est ce que va tenter de comprendre Olav Falck, le fils qu’elle eut avec Thor Falck qui mourut lors du naufrage de 1940.

Force de la nature, n’étant à soixante-quinze ans soumis à aucun médicament, ni traitement, il est le père de trois enfants : Sverre Falck né en 1980, Alexandra Falck, dite Sasha, née en 1982 et Andrea Flack qui vit le jour en 1992. C’est Sasha la petite-fille de Vera , responsable des archives de la fondation SAGA (fondation familiale aux activités apparemment humanitaires cachant des activités d’espionnage), veut comprendre son geste, connaître son histoire. Elle est troublée par l’attitude de son père, Olav et par quelques décisions qu’il a prises et qui s’avèrent suspectes.

Pour mener à bien son enquête et mettre la main sur l’écrit de son aïeule, elle trouvera en Johnny Berg, journaliste qui fut aussi combattant contre l’État Islamique en Afghanistan, un allié précieux. En tant que biographe de Hans Falck, le neveu de Olav que Thor Falck a eu avec une autre femme que Vera, cet énigmatique baroudeur boostera l’énergie déjà grande de Sasha. On est émus par ce personnage féminin dont l’amour désintéressé pour sa grand-mère (ce n’est pas le cas de tout le monde autour d’elle) demeure un des aspects les plus émouvants du récit. Ajoutez une avocate pointilleuse, des neveux et nièces aux aguets, un éditeur aux abois, un officier du nom de Martens Magnus, membre du conseil d’administration de la sulfureuse SAGA, les enfants de Hans et ceux de Sasha, et une foultitude de personnages, pas si secondaires, passant ici où là et vous aurez les principaux acteurs de ce thriller haut de gamme aux multiples rebondissements. .

Aslak Nore un romancier qui a servi dans les forces de l’Otan

Fils de l’écrivain Kjartan Fløgstad et de la médecin-chef Anne Kathrine Nore, Aslak Nore, l’auteur de cet envoûtant «Cimetière de la mer», a fait son service militaire dans le bataillon Telemark et a servi dans la force de l’Otan en Bosnie en tant que carabinier. Il a été journaliste dans les forces norvégiennes en Afghanistan et les forces américaines en Irak et fut également monteur de documentaires à Gyldendal et monteur chez Kagge Forlag. C’est à l’automne 2007, qu’il a fait ses débuts littéraires avec le livre «Gud er norsk», une histoire sur les soldats norvégiens, qui combinait journalisme, histoire de la politique étrangère norvégienne et récit de voyage personnel.

Autant dire qu’il connaît parfaitement le terrain des opérations sur lequel se déploie l’intrigue strictement militaire du livre «Le cimetière de la mer». On y décèle une compassion extrême pour ses semblables, et si on a parlé au début à son sujet de John Le Carré et Jonathan Coe il convient de signaler chez Aslak Nore une sorte de fraternité d’esprit avec Jo Nesbo, un autre maître du polar norvégien. Et le Vallon des Auffes de Marseille d’accueillir donc en sa personne un habitant talentueux et fort prestigieux.
Jean-Rémi BARLAND
«Le cimetière de la mer » par Aslak Nore. Traduit du norvégien par Loup-Maëlle Besançon. Éditions «Le bruit du monde» situées au 68, Rue de Rome à Marseille – 501 pages – 25 €

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