La boîte à Polars de Jean-Rémi Barland. ‘Sélia’ de Laëtitia Milot : harcèlement de stars mode d’emploi

Publié le 24 mai 2021 à  13h18 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  18h00

Elle s’appelle Sélia Bourgeois. Chanteuse trentenaire légèrement sur le retour, dont la carrière connaît un creux après plusieurs albums à succès, la voilà qui postule à la plus grande comédie musicale de Paris. Son rêve ? Devenir Shéhérazade dans ces « Mille et une nuits » qui promettent de parler d’elles.

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Face à Sélia, lors du casting, se dressent Élisabeth Belmonte (chanteuse cartonnant sur YouTube, très appréciée d’Elliot Biram l’un des deux producteurs du projet) et Pénélope Valmar, une autre prétendante au rôle principal. A la fin des répétitions l’une sera la titulaire, l’autre sera sa doublure «a priori» et pour la troisième, c’est retour à la case « castings ».

Si la concurrence est rude, les trois femmes semblent jouer le jeu, et ne pas trop se détester ouvertement. Mais des faits étranges vont tout bouleverser. Dans l’ombre l’énigmatique L. qui semble tout connaître de la vie des trois vedettes bombardent Sélia de messages envoyés depuis des serveurs cryptés. « Tu es où, Sélia ? Je pense à toi. Tu es à moi », «t’es magnifique», «t’es belle comme une déesse», « t’es radieuse comme une lumière », «vous êtes sortie du bain ? », «vous faites quoi ce soir ?», «Écrivez-moi ici. Parlez-moi de vous. Je veux tout savoir » peut-on lire de manière quasi quotidienne. Ajoutez à cela que Pénélope est enfermée dans une cabine à UV, victime d’une agression, que Élisabeth manque de périr dans un incendie d’origine criminelle et qu’un certain monsieur Oster, meurt assassiné il y a de quoi mettre en éveil tous les sens de la capitaine de police Chloé Delaume, qui n’est pas ici l’autrice de talent que l’on connaît mais « une petite femme énergique au minois acéré comme une lame de couteau ».

Très compliquée, son enquête la mènera ainsi que ses collègues dans les dédales d’un show-biz assez violent où semble-t-il tout le monde ment. On verra que L se définissant comme un criminel, est une sorte d’anguille et surtout un monstre à deux têtes. On sera surpris également de constater que Sélia disparaît et réapparaît régulièrement sans que personne n’en connaisse les raisons.

L’art du portrait, le sens du dialogue

Le monde du spectacle, l’autrice de ce thriller très musical, le connaît de l’intérieur. Comédienne dans des téléfilms et séries à succès comme «Plus belle la vie», «La vengeance aux yeux clairs» ou encore «Quand je serai grande je te tuerai », Laëtitia Milot signe ici une vraie œuvre littéraire. A son sens du dialogue s’ajoute un art du portrait, et un évident savoir-faire en matière de suspense.

Attaque en règle des dérives de l’utilisation parfois criminelle des réseaux sociaux, dénonciation du harcèlement subi par les femmes dans leur travail, « Sélia » multiplie les entrées narratives et surtout réserve mille surprises en offrant un final auquel nul lecteur n’aurait songé. Roman sur la manipulation (mais qui manipule qui ?) plongée dans la solitude des stars, » Sélia s’impose aussi par son côté bouleversant. Secrets de famille, coups bas, paillettes et stress multiples, un mystère qui s’épaissit, il y a du Joël Dicker dans le dénouement de cette intrigue à tiroirs. Un roman efficace, vrai, et sincère, populaire mais jamais populiste, qui séduira tous les amateurs de vraie littérature.
Jean-Rémi BARLAND

«Sélia» de Laëtitia Milot paru chez Plon – 363 pages – 18,90 €

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