La chronique du 4e Festival de Pâques d’Aix-en-Provence – Krzysztof Urbanski superstar

Publié le 27 mars 2016 à  19h30 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  22h06

Sur les affiches du Festival de Pâques, son portrait, en train de diriger, est proposé taille XXL sur les panneau 4 x 3 m composant le mobilier urbain. Lui, c’est Krzysztof Urbanski, 33 ans, chef d’orchestre polonais, un look d’enfer, une direction qui décoiffe. Samedi soir, il faisait salle comble, au Grand Théâtre de Provence pour ce qui était annoncé comme la «soirée événement» de la 4e édition du Festival de Pâques. Devant lui la centaine de musiciens du NDR de Hambourg dont il est chef invité principal depuis quelques mois et à ses côtés, pour les lieder du «Cor enchanté de l’enfant» de Mahler, Thomas Hampson, baryton à peine sexagénaire en pleine possession de ses moyens, considéré comme l’un des meilleurs en ce moment. L’affiche était belle ; elle a tenu ses promesses.

Toute la passion, tout l’investissement de Krzysztof Urbanski dans sa direction musicale transparaissent sur cette photo prise samedi soir au Grand Théâtre de Provence (Photo Caroline Doutre)
Toute la passion, tout l’investissement de Krzysztof Urbanski dans sa direction musicale transparaissent sur cette photo prise samedi soir au Grand Théâtre de Provence (Photo Caroline Doutre)

Lorsqu’on n’a jamais vu diriger Krzysztof Urbanski, la découverte peut être surprenante. Sa gestuelle est souvent maniérée, très décomposée, il joue du regard et des doigts de la main gauche qui se plient et se déplient comme des tentacules. D’un coup on doute, se souvenant de Barenboim qui disait « il ne faut pas mélanger le geste pour épater le public et celui pour diriger.» Alors, un show Urbanski pour épater la galerie ? Que nenni, même si au cours du concert il se retournera vers la salle pour sourire au public en pleine interprétation; du jamais vu. Un pari, une coquetterie, une envie, peut-être ? Mais ce sera la seule incartade qui pourra lui être reprochée. Car il fallait tenir les chevaux pour une symphonie n°10 de Chostakovitch qui a tiré les frissons d’une salle envoûtée. Imaginez-vous avec cent musiciens devant vous que vous devez maîtriser, leur imposant un rythme, des nuances, des contretemps, des envolées, des silences tout en ayant une perception d’ensemble des les pupitres pour livrer une interprétation sans faille. C’est la performance réalisée samedi soir par Urbanski, il est vrai à la tête d’une formation solide aux cordes suaves et somptueuses, chaleureuses et précises, aux vents colorés, avec des bois étonnants de clarté, de volume, et des cuivres précis, parfois sombres, toujours limpides et efficaces. A n’en pas douter, le jeune directeur musical prend beaucoup de plaisir à développer ici sa direction a la chorégraphie très personnelle mais performante. Effectivement, il n’était pas là pour amuser la galerie… Nous l’avions subodoré, tout de même, dès l’ouverture du concert, avec la solide et parfois facétieuse interprétation de « Till l’espiègle » de Richard Strauss qui avait déjà mis en évidence les qualités de l’orchestre et la capacité du jeune chef de maîtriser les subtilités d’une partition qui ne souffre pas l’à-peu-près dans son interprétation. Des petites touches musicales, qui, pupitre par pupitre, animent et font vivre le poème symphonique, lui donnant de la consistance, de la chair. Et quelques minutes plus tard, dans une configuration orchestrale légèrement réduite, Urbanski devenait le partenaire utile de Thomas Hampson pour les lieder du «Cor enchanté de l’enfant» de Mahler, mettant tout en œuvre afin d’obtenir le juste équilibre musique-voix pour que le public puisse apprécier à sa juste valeur le chant de celui qui est considéré comme l’un des meilleurs barytons au monde. A juste titre, c’est évident, car le grand américain double sa puissance, sa ligne de chant impeccable et son timbre chaleureux d’une présence scénique indéniable. Du grand art et deux lieder de plus, toujours tirés du «cor enchanté» en forme de bis. Ovation avant l’entracte, méritée… Et Krzysztof Urbanski superstar, adopté d’un coup d’un seul par le Festival de Pâques !
Michel EGEA

Kit Armstrong : le pianiste pensant

Kit Armstrong, remplaçant de luxe l’an dernier au Festival de Pâques a donné un nouveau concert, cette année, au Théâtre du Jeu de Paume (Photo Caroline Doutre)
Kit Armstrong, remplaçant de luxe l’an dernier au Festival de Pâques a donné un nouveau concert, cette année, au Théâtre du Jeu de Paume (Photo Caroline Doutre)

C’est un phénomène. Outre ses qualités pianistiques exceptionnelles, Kit Armstrong qui se produisait samedi au Jeu de paume est un artiste d’une culture prodigieuse. Parlant plusieurs langues, il pratique aussi les mathématiques ce qui d’ailleurs est tout à fait repérable à l’écoute de ses propres compositions. Car, ce pianiste virtuose, grand admirateur de Brendel propose des musique savantes, assez complexes au demeurant que ce soit celle en hommage à Bach, (gravée dans son album paru en 2013), ou d’autres que l’on a pu entendre en récital dans le cadre du festival de Pâques 2016. Un premier tout entier conçu pour la main gauche, (avec des dissonances et des ruptures très musique contemporaine), et un autre assez (trop) long où il montrait son appartenance à un style où la recherche musicale prévaut sur l’émotion. La grande affaire de Kit Armstrong qui vient d’enregistrer un album consacré à Liszt, c’est Bach. Déjà en 2013, il gravait des morceaux séparés, et la Partita numéro 1. En ce concert 2016 c’est la Partita numéro 6 qu’il nous a été donnée d’entendre. Un jeu nuancé, offrant une palette de couleurs, pour une interprétation qui touche plus l’esprit que le cœur. De ce pianiste pensant à chaque moment où les doigt se placent sur le clavier, on retiendra son aisance à passer de l’univers de Carl Philipp Emmanuel Bach (1714-1788), un des fils du génie allemand, à celui de Sweelinck (1562-1621) ou de Mozart dont l’univers fut abordé en un dernier rappel consacré à des variations autour de l’éloge de la femme. La fantaisie s’emparant davantage de ses doigts, on termina le récital avec un sentiment de grande plénitude et, la certitude d’avoir croisé un artiste complet et d’exception.
Jean-Rémi BARLAND

Le rendez-vous du 28 mars
-L’orchestre du Théâtre Mariinsky au Grand Théâtre de Provence à 20h30. Valery Gergiev, direction, Renaud Capuçon, violon et Gautier Capuçon, violoncelle jouent Claude Debussy « Prélude à l’après-midi d’un faune », Henri Dutilleux « Tout un monde lointain… » « L’arbre des songes », Richard Wagner « Prélude de l’acte I de Lohengrin » et Johannes Brahms « Concerto pour violon et violoncelle en la mineur, op.102 ». Tarif de 10 à 68 €. Soirée Premium : 100 €. Réservations au 08 2013 2013 – festivalpaques.com

Au programme du mardi 29 mars

Quatuors pour flûte et cordes au théâtre du Jeu de Paume à 18 heures.
Emmanuel Pahud, flûte, Maja Avramovic, violon, Joaquin Riquelme Garcia, alto et Stephan Koncz, violoncelle jouent trois quatuors de Mozart et la sonate à quatre n°2 de Rossini. Tarif de 10 à 43 €. Réservations au 08 2013 2013 – festivalpaques.com.

Mozart, Beethoven, Brahms au conservatoire Darius Milhaud à 20h30.
Pinchas Zukerman, violon et Angela Cheng, piano jouent la sonate n°18 en sol majeur de Mozart, la sonate pour violon en mi bémol majeur de Beethoven, le scherzo de la sonate F-A-E et la sonate pour violon et piano n° 3 de Brahms. Tarif de 10 à 43 €. Réservations au 08 2013 2013 – festivalpaques.com.

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