La chronique du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence – Maxim Vengerov et Roustem Saïtkoulov : les différents visages de la sonate pour violon et piano

Publié le 6 avril 2015 à  16h07 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h48

Maxim Vengerov et Roustem Saïtkoulov au Grand Théâtre de Provence (Photo Caroline Doutre)
Maxim Vengerov et Roustem Saïtkoulov au Grand Théâtre de Provence (Photo Caroline Doutre)

Il y avait deux concerts ce dimanche soir au Grand Théâtre de Provence (GTP). Le premier plus risqué par rapport au choix du programme nous donnait à entendre la «Sonate pour violon et piano opus 82» d’Edward Elgar et la «Sonate pour violon et piano et piano N°1, opus 80» de Sergueï Prokofiev. Deux œuvres exigeantes dont celle de Prokofiev aux forts accents funèbres. Pour les interpréter Maxim Vengerov, au violon et le pianiste virtuose Roustem Saïtkoulov -qui avait donné l’été dernier au Festival de la Roque d’Anthéron un récital qui marqua les esprits- ont privilégié la profondeur, la rigueur et la netteté de l’interprétation. Saluons d’abord leur entente musicale parfaite ainsi que la performance de mémoire de Maxim Vengerov jouant sans partition et réitérant d’ailleurs le tour de force durant l’ensemble de la soirée. Notons ensuite l’intelligence et la sensibilité constantes des deux interprètes au diapason et à l’unisson. Les œuvres se prêtant à la profondeur plutôt qu’à l’esbroufe. Changement de décor après l’entracte avec une deuxième partie de programme volontairement plus légère mais surtout totalement hybride, voire totalement décousue où après des danses de Brahms et Dvorák s’enchaînèrent des morceaux signés Wienawsky, Kresiler, Paganini ou encore la Ballade de la sonate n° 3 d’Ysaÿe. Accompagné du piano ou interprétant seul les extraits choisis, Maxim Vengerov fait parler un violon sans aspérité, virtuose mais d’où l’émotion ne surgit que fort rarement. Même dans la plus connue des danses hongroises de Brahms donnée en rappel (celle qui servit de support à la célèbre scène du barbier dans «Le dictateur» de Chaplin) Maxim Vengerov nous sert un violon décharné mais surtout montre une propension à mélanger les genres jusqu’à faire apparaître son récital sans grande unité. Bien sûr il faut saluer le retour sur scène de ce grand violoniste longtemps éloigné des salles par des ennuis de santé, bien entendu on louera sa prodigieuse virtuosité (les spectateurs du GTP ne s’y sont pas trompés et lui ont réservé une standing-ovation à l’issue du concert donné en présence de nombreux artistes tels que les Moreau frère et sœur, ou les frères Capuçon et La Marca) mais on regrettera le manque de pertinence dans l’ordre des œuvres inscrites au récital. On sort avec la curieuse impression de ne plus se souvenir de la première partie, de l’avoir gommée presque, le tout étant plombé par une volonté de faire du spectaculaire grand public et surtout le donner sans d’autre nécessité que de récolter de vastes applaudissements. Et ce, y compris dans ce «Après un rêve» de Gabriel Fauré qu’Edgar Moreau, présent dans la salle avait retranscrit pour violoncelle avec une autre portée poétique. Il n’empêche ! Un public semble-t-il comblé et des dizaines d’enfants qui en ce dimanche de Pâques ont ovationné un Maxim Vengerov visiblement ému par l’accueil qui lui fut réservé.
Jean-Rémi BARLAND

Articles similaires

Aller au contenu principal