La chronique du Pr. Gilbert Benhayoun* : La reconstruction de la Bande de Gaza doit passer en priorité par la mise à disposition de la population palestinienne, de l’eau potable.

Publié le 12 octobre 2014 à  12h48 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h22

La situation à Gaza est catastrophique. Le chômage et la pauvreté, déjà importants, ont augmenté de manière dramatique depuis le mois d’août, qui a vu s’opposer Israël au Hamas. Tous les acteurs, israéliens compris, sont d’accord pour que, grâce à l’aide internationale, les opérations de reconstruction débutent le plus rapidement possible. Or, à cet égard, de tous les problèmes que rencontre la population palestinienne, il en est un, qui mérite une attention particulière : l’eau.
La seule source d’eau naturelle est l’aquifère côtier qui est alimenté par les pluies (20 à 30 cm d’eau qui tombe par an) et par les eaux d’écoulement en provenance d’Israël. Compte tenu de l’évaporation, la nappe se recharge chaque année de 75 à 125 millions de m3. Le problème est que la quantité d’eau prélevée ne doit pas dépasser 100 millions de m3 afin d’éviter l’intrusion des eaux salées marines or, il existe plus de 400 puits et les prélèvements dépassent les 160 millions de m3, ce qui fait baisser la nappe phréatique qui se trouve ainsi à moins de 14 mètres au-dessous du niveau de la mer. L’eau utilisée est donc de plus en plus saumâtre et le degré de salinité est supérieur à celui recommandé par l’OMS. Un rapport des Nations Unies pour l’environnement de 2003 estime que d’ici 20 à 30 ans l’aquifère de Gaza sera inutilisable. Aujourd’hui, l’eau naturelle qui provient de l’acquière côtier est à plus de 95% non potable. Elle est salée, du fait des pompages excessifs et elle est polluée. La population dépend donc de l’eau obtenue par dessalement de l’eau de mer. Le problème s’est aggravé par le fait que ce territoire souffre d’un manque d’électricité qui lui permettrait de faire fonctionner les unités de dessalement.
La responsabilité de cette situation incombe aussi bien aux Palestiniens qu’aux Israéliens. Les premiers, surtout depuis la prise du pouvoir du Hamas en 2007, n’ont pas géré correctement les ressources en eau naturelle dont ils disposaient, d’où le pompage excessif et anarchique des puits, malgré les avertissements, entre autres, de la Banque mondiale. Les Israéliens, quant à eux, ont considéré qu’après l’évacuation, décidée et mise en œuvre de manière unilatérale, de la Bande de Gaza, en 2005, ils n’avaient plus à s’occuper du problème de l’insuffisance en eau de la population palestinienne. La succession de conflits avec le Hamas a aggravé encore plus la situation. Le problème est qu’aujourd’hui les Israéliens ne peuvent plus fermer les yeux. Les conséquences de ce désastre affectent certes en premier les Palestiniens, mais elles peuvent, dans un délai assez bref, impacté les Israéliens. Une pandémie de choléra et de typhoïde n’est pas à exclure, d’autant plus que l’eau que boit actuellement la grande majorité des Palestiniens (1.2 million sur 1.8 million au total) n’est pas chlorée. Les risques de contagion pour la population israélienne sont réels. D’après un rapport des Nations-Unies de 2012, environ 90 000 m3 d’eau très partiellement traitée est déversée dans la Méditerranée chaque jour (plus de 32 millions/an), à quelques kilomètres des plages israéliennes d’Ashqelon. Un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé indique que l’eau contaminée et le manque d’installations sanitaires sont responsables de 26% des maladies à Gaza. En conséquence, Israël a un devoir moral et un intérêt bien compris, qui lui imposent d’intervenir.
Cette terrible situation va obliger Israéliens et Palestiniens à coopérer. Ce qui sera d’autant plus aisé que c’est le gouvernement palestinien, sous l’autorité du Président Mahmoud Abbas, avec qui Israël et la communauté internationale, entretiennent des relations, qui est chargée de mettre en œuvre la reconstruction de Gaza, grâce à l’aide financière internationale.
Actuellement, Israël vend 4.7 millions de mètres cubes d’eau aux Palestiniens de la Bande de Gaza, 2.8 millions transitent par le réseau qui se situe à l’est de Khan Younis, au sud de la Bande, et 1.9 million passe à l’est de Dar-el-Balah, au centre du territoire (1). Cependant, compte tenu des destructions qui ont affecté les capacités de production de l’électricité, nécessaire au pompage et au traitement de l’eau, les quantités fournies sont insuffisantes. Aussi, il serait souhaitable qu’Israël double ces quantités, lorsque les infrastructures nécessaires seront réparées.
Un accord entre Israël et l’Autorité Palestinienne de l’eau est urgent. Il devrait permettre la fourniture de 10 Millions de m3, dans un bref délai, soit plus du double de ce qu’Israël fournit actuellement. Il faudrait, par ailleurs, livrer aux Palestiniens, plus de fuel et plus de générateurs afin de traiter les eaux usées, ce qui devrait se traduire par la fourniture par Israël de 3MW d’électricité pour mettre en fonctionnement l’unité de traitement des eaux usées fournie par la Banque mondiale à Beit Lahia.
Il faut espérer que cette coopération technique qui va s’engager puisse créer les conditions d’une hydro-confiance entre Israéliens et Palestiniens.

(1)Une troisième connexion, qui relie Nahal Oz en Israël au nord de la Bande de Gaza, est prête à fonctionner.

(*)Le groupe d’Aix, présidé par Gilbert Benhayoun comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées

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