La chronique littéraire de Christine Letellier : Kent Follett : « un siècle plein de bruit et de fureur »

Publié le 21 octobre 2014 à  19h44 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h23

Montage Destimed
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Entre saga historique et roman d’espionnage, le dernier opus de Ken Follett, «Aux portes de l’éternité», clôt la trilogie du siècle qu’il a entamée en 2010 avec «La chute des géants» et de «L’Hiver du monde».
Ce dernier tome couvre les années 1960-1990 et revisite au travers du prisme de cinq familles – une américaine, une anglaise, une allemande, une russe et une d’origine galloise – les grands défis, drames et conflits internationaux qui ont agité le monde en cette fin du XXe siècle: de l’édification du mur de Berlin en 1961 à sa chute en 1989, Ken Follett retrace les destins entrecroisés de ces familles en prise directe avec les événements majeurs de cette période: lutte pour les droits civiques en Amérique, le combat de Martin Luther King, la guerre froide, la crise des missiles à Cuba, les USA et l’URSS au bord de la guerre nucléaire, l’assassinat de John Kennedy, Khrouchtchev qui bat de l’aile bientôt remplacé par Léonid Brejnev, le Printemps de Prague, Varsovie au temps de Solidarnosc…
Rien ne l’arrête. Une fresque en «mondovision» sur tout un siècle et de plus de trois mille pages, voilà bien le type de défi que Follet aime se lancer. Et il faut bien l’avouer, une fois qu’il a mis sa cible en joue, il l’atteint toujours.
Les deux précédents tomes de cette trilogie se sont vendus à 13 millions d’exemplaires dans le monde et 2 millions de copies ont été écoulées en France. Ce qui fait de ce natif du pays de Galles, fils de percepteur et portant beau ses 65 ans, un des auteurs vivants les plus traduits dans le monde, avec quelque 150 millions de livres vendus depuis le début de sa carrière.
Ken Follett dit volontiers être «un drogué de l’écriture qui a passé ses trente-cinq dernières années à une table de travail», lui qui s’est d’abord fait connaître comme auteur de roman d’espionnage et de thrillers avant de triompher dans la fresque historique avec «Les piliers de la Terre» et «Un monde sans fin» épopée médiévale consacrée aux bâtisseurs de cathédrale, les deux écoulés à plus de 23 millions d’exemplaires.

Recette bien maîtrisée

Passé maître dans l’art de redonner vie à l’Histoire, ce pape du thriller sait parfaitement mettre en scène ses personnages, tant et si bien qu’il peut en piloter une vingtaine à la fois sur l’échiquier du monde. Il a du souffle, du rythme et maîtrise bien sa recette : une bonne dose de géopolitique passée au tamis des sentiments les plus louables comme les plus détestables, guerres civiles, coups tordus, assassinats, trahisons, rivalités sociales, familiales ou amoureuses, tous les ingrédients sont bons dès lors qu’ils s’inscrivent, comme il le souligne: «Dans le canevas défini au départ et validé d’un point de vue historique». Tout en ajoutant : « Il y a des écrivains qui changent l’histoire, la travestissent comme bon leur semble, moi je ne sais pas le faire, probablement parce que j’ai été jeune journaliste dans un quotidien de Cardiff où nous devions être d’une rigueur sans faille, la moindre erreur nous valait à l’époque une engueulade monstre».
Il a incontestablement le talent de coucher sur le divan ses personnages, de débusquer ce qui, à un moment précis, a probablement fait que tel ou tel homme politique a réagi comme il l’a fait. Cette part d’émotion palpable par le lecteur, cette approche psychologique de ses personnages est l’une de ses cartes maîtresse dont il joue pleinement. Et ça marche «parce que l’imagination peut expliquer des choses que les faits bruts n’expliquent pas», résume-t-il.
Considéré comme l’un des auteurs les plus riches du monde, il pourrait passer son temps à jouer au golf ou flemmarder dans sa propriété d’Antigua mais visiblement cela ne lui suffit pas. Vivant en Angleterre, il se décrit comme un besogneux : «Tous les jours, je commence à écrire tôt le matin, pendant deux à trois heures, avant le petit déjeuner et je continue l’après-midi. Le reste du temps, je lis, je me documente, je consulte beaucoup, des historiens, des politologues, des sociologues».
Né en 1949, il se souvient qu’enfant, au Pays de Galles, les bibliothèques étaient alors les seuls lieux de distraction pour les gamins en mal d’évasion. C’est ainsi qu’à l’âge de 12 ans, il tombe littéralement sous le charme de Ian Fleming, le père de James Bond.
Ken Follet, auteur de best-sellers et de thrillers d’espionnage comme «L’arme à l’œil», «Le troisième jumeau» ou «Le réseau Corneille» … ne perd jamais une occasion de le rappeler. Pas plus qu’il n’omet d’indiquer à ceux qui contestent son goût pour une littérature grand public :«J’ai toujours voulu écrire ce que des millions de lecteurs allaient aimer». Voilà qui est franchement dit ! Et clairement assumé…

«Aux portes de l’enfer» de Ken Follett, 3e tome de la trilogie du Siècle, Ed. Robert Laffont, 1210 pages, 24,90 €.

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