La chronique littéraire de Christine Letellier: Pour Muriel Barbery «la vie des Elfes» a commencé au Japon…

Publié le 10 avril 2015 à  21h07 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h48

Destimed arton3442

barbery_muriel_couv_la_vie_des_elfescopie.jpg
Huit ans après le succès fulgurant de «L’élégance du Hérisson» vendu à plus de 6 millions d’exemplaires, Muriel Barbery revient avec «La vie des Elfes» sur des terres où on ne l’attendait pas. Son dernier livre, porté par une poésie envoûtante, entre conte merveilleux et univers fantastique, a forcément surpris. Divisé les critiques. Et puis comme pour «L’élégance du Hérisson», ce sont les lecteurs, les fidèles de Muriel Barbery qui font le succès en libraire de ce roman qui met en scène deux petites filles qui, apparemment, n’ont rien en commun : l’une, la petite Maria, vit dans un village égaré de la Bourgogne de l’entre-deux guerres, l’autre, Clara, enfant prodige du piano, a grandi dans les Abruzzes. Deux surdouées que rien ne rapproche, si ce n’est ce lien secret qu’elles ont, chacune par des approches différentes, avec le monde des Elfes … Deux destins qui laissent libre champ au talent de l’auteur à explorer de nouvelles voies et donner à ce récit des intonations toutes personnelles. Sa manière gourmande d’évoquer la Bourgogne et la vie des paysans de cette ferme, où la petite Maria a vécu, est sublime. On y respire l’odeur de la nature, omniprésente, mais aussi le fumet alléchant des potées qui mijotent, de la pintade farcie, du pot-au-feu baignant dans ses légumes du jardin, on s’en lèche les babines en attendant les tartes garnies des pommes et autres fruits du domaine. Muriel Barbery s’en explique : «Je voulais écrire un roman ancré dans la terre, retrouver les plaisirs de mon enfance à la campagne lorsque j’en parcourais les chemins à bicyclette. Et en même temps évoquer une deuxième passion autour de laquelle ma vie s’est construite, le monde de l’art, de la créativité, de la découverte de nouveaux horizons». Cette créativité est incarnée par la jeune Clara qui détient un pouvoir surnaturel sur la musique. On peut être dérouté par ce conte à la fois fantastique et mystique, hermétique souvent, mais on se laisse volontiers porter par l’écriture littéraire de cet auteur, par ses longues et ondoyantes phrases qui résonnent comme un long poème. Bien sûr on pense à Tolkien, Muriel Barbery confirme son attachement à l’auteur du «Seigneur des Agneaux», et à d’autres auteurs de la littérature fantastique. Mais pour elle et elle le souligne «l’important c’était d’abord de faire un livre totalement différent du précédent. Surtout ne pas donner une suite à « l’élégance du Hérisson »». «Je voulais explorer d’autres domaines littéraires et finalement c’est au Japon que le déclic s’est produit. La beauté parfaite, presque surnaturelle des jardins japonais, m’ont libérée. Curieusement, c’est donc au Japon que j’ai retrouvé mes racines d’enfant. Le personnage de la petite Maria, en fusion totale avec la nature, s’est alors imposé. Maria qui parle aux bêtes et aux arbres.»
Après le succès de «L’élégance du hérisson» et après avoir démissionné de l’Éducation nationale pour accompagner pendant deux ans la sortie de son roman fétiche, aux États-Unis, en Europe et dans les pays asiatiques, Muriel Barbery a vécu plusieurs années au Japon, à Kyoto comme résidente de la prestigieuse Villa Kujoyama avant de passer ces trois dernières années à Amsterdam où s’est finalement construit ce roman.
La vie des elfes, de Muriel Barbery, Ed. Gallimard, 19,50€.

Articles similaires

Aller au contenu principal