La chronique littéraire de Jean-Rémi Barland. ‘Partie italienne’ d’Antoine Choplin. Échec…et charme !

Publié le 22 septembre 2022 à  21h41 - Dernière mise à  jour le 11 juin 2023 à  18h34

C’est un livre-promenade un roman dégustation à savourer en buvant des verres de Barolo, un vin du Piémont, de Chianti, d’Ouzo ou de tokaj 2007, ce nectar blanc millésimé de Hongrie, considéré par ses aficionados comme le vin des rois ou le roi des vins. Il faut dire que le lieu s’y prête, puisque Gaspar, le narrateur du roman, sculpteur ayant pris de la distance avec le poids que représente l’organisation de sa prochaine expo, a quitté Paris pour venir s’installer quelques jours à Rome. Et principalement à la terrasse d’un café sur Campo dei Fiori, sirotant une sorte de Dolce Vita quotidienne faite de rêverie introspective. Il a installé devant lui un échiquier et joue contre des amateurs de passage, qu’il bat un à un en se délectant entre deux parties de la beauté simple des jours.

Antoine Choplin  (Photo Jean Choplin)
Antoine Choplin (Photo Jean Choplin)

Dans tout basculement narratif il faut en général chercher la femme qui renverse les tables d’une harmonie un peu rapidement préétablie. Elle se prénomme Marya. Elle est Hongroise et œnologue. Elle vit à Esztergom non loin de Budapest sur les rives du Danube. Son regard est empreint d’un grand sérieux. Elle parle très bien le français et l’italien, adore siroter des Campari soda, et se révèle être une joueuse d’échecs redoutable dont le jeu peu orthodoxe mais efficace étrille celui de Gaspar.

A ce jeu d’échec… et charme nos deux adversaires vont tomber amoureux et avancer des pions sentimentaux qui très vite vont ouvrir des portes plus sombres liées aux camps nazis. On apprendra que Marya eut comme grand-père un certain Simon Papp, Hongrois déporté à Auschwitz en avril 1944 à l’âge de 34 ans, qui, joueur d’échecs qualifié de grand maître, disputera des parties avec Achill Flantzer un chef de camp nazi qui en fera son secrétaire particulier. Finalement muté on ne sait où, Flantzer essaiera bien avant son départ de mettre Simon à l’abri, en proposant son affectation à des tâches administratives, mais rien n’y fera. Le joueur d’échecs sera finalement gazé dans les derniers jours de septembre. On croise aussi l’histoire d’Ossip Bernstein, joueur d’échecs arrêté par la police secrète russe dans les années 1920 sommé de gagner une partie contre un officier supérieur pour sauver sa peau.

Rappels historiques et humour

Ajoutez d’autres rappels historiques concernant les morts tragiques du mathématicien français Evariste Galois, et du Napolitain Giordano Bruno dont la statue, une sculpture en bronze est située Campo dei Fiori justement, à l’endroit où le philosophe a été brûlé le 17 février 1600. Saupoudrez le tout d’une évocation de la conjecture de Fermat, des cigarettes fumées par Camus, agrémentée d’un humour très fin. Notamment avec le personnage de Joseph Maigre, commissaire à l’exposition de Gaspar, surnommé par celui-ci le commissaire Maigret, ou la figure d’Amandine, la compagne du sculpteur ou encore de Map’s alias «Ma petite Solange», comme l’appelle l’artiste, une concierge «sa» concierge, une ancienne pute «qui ne rechignait pas à reprendre un peu de service de temps en temps.» Vous obtiendrez alors un roman qui malgré les terribles événements présentés au fil des parties jouées, demeure solaire et dépeint en filigrane, l’amour, la sensualité, le temps qui passe, la fidélité à ses racines, l’entraide, la puissance de la mémoire, le tout dans une écriture douce, précise et très technique concernant les positions des pions sur l’échiquier. Un court roman en forme de coup au cœur.
Jean-Rémi BARLAND

Partie italienne d’Antoine Choplin paru aux Éditions Buchet-Chastel- 168 pages- 16,50 €partie-italienne_choplincopie.png

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