La leçon de chanson française d’Anne Sofie von Otter au Grand Théâtre de Provence

Publié le 21 mars 2015 à  20h37 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h43

A l’issue du concert, Anne Sofie Von Otter a dédicacé ses enregistrements pour ses nombreux fans ravis de leur soirée. (Photo M.E.)
A l’issue du concert, Anne Sofie Von Otter a dédicacé ses enregistrements pour ses nombreux fans ravis de leur soirée. (Photo M.E.)

Mon père m’a toujours dit: « Mieux vaut écouter « O sole mio » bien chanté par Roberto Alagna que par un gratteur de cordes de mandoline aphone et faux…» Et il n’a pas tort. Alors, après notre Roberto national, notre Natalie Dessay favorite, notre Patricia Petibon pimentée, voici que Anne Sofie von Otter pousse désormais la chansonnette. Et figurez-vous que la mezzo suédoise a décidé, pour ce faire, de rendre hommage à la langue française avec un programme intitulé «Douce France». Il faut dire que sa maîtrise de la diction est à la fois parfaite et unique et que «Elle tourne la terre» de Léo Ferré, c’est quand même mieux en français qu’en suédois… Comme nous avons pu nous en rendre compte vendredi soir au Grand Théâtre de Provence où la grande dame blonde faisait son show. Après trente minutes de «mise en bouche classique» avec des mélodies de Hahn, Fauré, Chabrier, Debussy et Saint-Saëns livrées à la perfection aux côtés de l’excellent pianiste accompagnateur Bengt Forsberg, mais dans une salle bien trop grande pour apprécier le travail vocal à sa juste valeur, la grande mezzo attaquait le plat de résistance consacré aux chansons françaises des Kosma, Ferré, Barbara, Trenet et autres. Un tour de chant généreux donné en compagnie de son pianiste attitré, mais aussi de Stian Carstensen, le facétieux accordéoniste norvégien, du guitariste Mats Bergstrom et du contrebassiste Olle Linder. Un quatuor qui fleure bon le fjord et le cercle polaire mais qui a su réchauffer la salle, les cœurs et s’imposer comme le complément direct parfait de Mme von Otter. Et une fois de plus, la nouvelle entreprise musicale de cette dernière tourne légitimement au succès. Parce que la voix, sonorisée pour la circonstance, de la mezzo est idéale dans ce répertoire, parce que la dame est éblouissante de sensibilité, de passion, d’émotion et offre tout ce qu’elle a dans le cœur pour magnifier les chansons sélectionnées pour le tour de chant et parce que ce dernier ne peut être composé plus intelligemment avec, justement, un jeu de yo-yo émotionnel qui prend aux tripes. Et si elle nous fait pleurer avec cette chanson miraculeusement belle de Moustaki qu’est «Le Facteur», si elle nous émeut avec «Göttingen» qui a du réjouir Barbara là où elle se repose, elle a aussi fait basculer les têtes de droite à gauche et fait fredonner son public avec «Padam padam», «A Paris», «Boum» en terminant sur un «Douce France» emblématique qui fait d’elle la plus francophone des Suédoises. Signalons que si la voix toujours sublime d’Anne Sofie von Otter compte pour beaucoup dans le succès de ce programme, la qualité des arrangements pour l’insolite quatuor est aussi très importante. Qu’elle est belle la chanson française lorsqu’elle est offerte avec ce niveau de passion et d’exigence par les gens du Nord… Rappelons enfin que ce programme est disponible sur un CD publié chez Naïve, label français chez qui enregistre Anne Sofie von Otter.
Michel EGEA

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