Laetitia Giraldi, la scientifique qui voulait donner vie à « l’aventure intérieure »

Publié le 17 janvier 2020 à  17h05 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h45

Elle s’applique à concevoir, via modélisation mathématique du vivant, des micro-robots nageurs commandés de l’extérieur et opérant dans le corps humain… Avec son projet à la croisée de diverses disciplines, la scientifique Laetitia Giraldi a conquis le jury et le public de My Innovation Is, concours initié par la SATT Sud-Est.

Destimed satt corse 9copieMy Innovation Is, concours initié par la SATT Sud-Est (Photo D.R.) » title= »La scientifique Laetitia Giraldi a conquis le jury et le public de My Innovation Is, concours initié par la SATT Sud-Est (Photo D.R.) » class= »caption » align= »center » />«L’aventure intérieure», ce n’est plus de la science fiction. L’intrigue du célèbre film des années 80 a trouvé de l’écho cette année du côté de Bastia. C’est là en effet que la chercheuse Laetitia Giraldi, œuvrant au sein de l’Inria Sophia-Antipolis Méditerranée, vient d’être primée avec deux autres lauréats au concours initié par la SATT (Société d’accélération des transferts de technologie) Sud-Est, My Innovation Is. Et son aventure, on le donne en mille : il s’agit de concevoir des micro-robots nageurs, capables de se déplacer dans le corps en étant commandé de l’extérieur. Ils pourraient donc traiter certaines pathologies en faisant entrer une démarche phare de ces dernières décennies en matière de chirurgie, limiter l’invasif autant que faire se peut, dans une autre dimension. Ce qui a poussé la scientifique à se positionner sur ce projet? Tout d’abord, un besoin de sortir de l’abstrait. «Je suis mathématicienne de formation initiale, mais je souhaitais que mes équations s’appliquent à quelque chose de concret, aient une réalisation physique. Et comme j’aurais beaucoup aimé faire médecine, je me suis orientée, en intégrant Polytechnique, vers un doctorat de mathématiques appliquées en médecine et en biologie ». Le sujet de thèse qu’elle choisit alors : la micro-natation. Derrière ce nom abscons, se déploie «une nouvelle discipline qui étudie les déplacements des micro-organismes dans un corps», explique Laetitia Giraldi. Micro-nageurs biologiques ou robotiques, dont elle étudie les déplacements via modélisation mathématique du vivant. C’est la feuille de route de la Chargée de Recherche à l’Inria qu’elle est devenue depuis 2015… Et plus concrètement donc, son travail trouve une résonance dans le domaine de la médecine et de la biologie. Ces micro-robots pourraient endosser de multiples tâches. «Ils permettraient par exemple d’éviter les fibroscopies, de filmer l’intérieur des corps… Nous pourrions voir également dans quelle mesure ils pourraient servir de voiture wagon afin de transporter des médicaments au bon endroit du corps, ou des spermatozoïdes, réaliser une biopsie… Nous allons également étudier dans quelle mesure ces micro-robots permettraient de lutter contre certains cancers cérébraux. Puisque dans le cerveau, il y a des fluides. Les micro-robots pourraient donc s’y déplacer».

Des verrous scientifiques à lever

Toutefois, cette question des déplacements n’a pas encore livré tous ses secrets. Il reste plus d’une équation, que Laetitia Giraldi entreprend de résoudre. Elle œuvre par ailleurs sur le projet avec un partenaire expérimental spécialisé dans l’informatique et la robotique, Stéphane Rénier, du laboratoire IFIR Paris VI (Sorbonne Université). «Le challenge qui cristallise mon attention, c’est le fait de concevoir un micro-robot que l’on puisse commander. Je travaille sur cet aspect depuis 2015… Il n’est pas simple en effet de commander quelque chose de microscopique, puisque les forces en présence ne sont pas les mêmes qu’à l’échelle humaine. Ainsi, l’idée de prendre ce qui marche à notre niveau et de le miniaturiser ne fonctionnerait pas». En somme, la taille diffère, donc l’inertie aussi. La solution tient donc en un mot : biomimétisme. «Nous nous sommes inspirés de la nature, qui a conçu des stratégies pour se déplacer à cette échelle». Le résultat, un micro-robot en forme de spermatozoïde. Sa tête, aimantée, réagit à un champ magnétique engendré par un aimant à proximité. Il propage une onde et la queue, élastique, finit par être entraînée par ce mouvement. Elle se met alors à battre et le robot avance. «Tout l’enjeu est là : comment utiliser l’aimant pour faire avancer le robot…» Et puis, il faudra aussi déterminer comment suivre à l’imagerie le robot dans le corps, se pencher sur les difficultés que va receler sa fabrication à cette taille, déterminer de quoi on va l’équiper… Bref, un projet interdisciplinaire, se trouvant déjà, on l’a vu plus haut, à la croisée des mathématiques, de la robotique et de la physique (via notamment l’étude des forces en présence).

Faire entrer médecins et biologistes dans la danse

Mais ce n’est pas tout. Deux autres aspects, le médical et le biologique, entrent dans la danse. Puisque l’équipe va devoir trouver des réponses à d’autres verrous scientifiques… En effet, les tests sont menés à présent sur des prototypes, dans des tubes à essais. Mais comment les micro-nageurs parviendront-ils à se mouvoir dans un corps en présence d’obstacles, dans des milieux confinés, entre des parois telles que celles des artères… ça c’est une autre histoire, qui va s’écrire à présent. D’ici trois à cinq ans, il est donc prévu de passer à l’in vivo et d’étudier ces déplacements via test sur modèle animal, plus précisément sur des souris. «Ainsi, il faut que le groupe de recherche grossisse, s’enrichisse de médecins et de biologistes, qu’il prenne une dimension européenne». Leur expertise permettra d’avancer dans cette technologie, «pendant que mon rôle sera de lever les verrous restants en termes de contrôle». Un projet plutôt enthousiasmant, donc. On comprend qu’il l’ait soulevé lors du pitch de Bastia, à la faveur d’une quatrième édition de «My Innovation Is » réalisée en partenariat avec l’université Pasquale Paoli, l’incubateur corse Inizià, Engie et Ioda Consulting. Lauréate, Laetitia Giraldi se voit notamment dotée d’un ticket d’une valeur maximale de 20 K€ en pré-maturation, investi par la SATT Sud-Est pour le développement du projet. Ce sera donc aussi à cette dernière d’écrire la suite, notamment sur des aspects liés au transfert de technologie, à la propriété intellectuelle, au marketing. De fait, l’accompagnement a déjà commencé, une équipe s’étant constituée autour de Laetitia Giraldi : un chargé de transfert de technologie, un ingénieur brevet ont déjà été identifiés. Un juriste et un chargé de marketing opérationnel les rejoindront un peu plus tard.
Carole PAYRAU

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