Les livres ça s’écoute aussi par Jean-Rémi Barland. Les acteurs de La Comédie-Française enregistrent des œuvres. Loïc Corbery : « la lecture d’œuvres intégrales prolonge ma passion de transmettre »

Publié le 17 juin 2020 à  20h00 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h51

Il fut sous le regard de Clément Hervieu-Léger un «Misanthrope» fascinant. Ses interprétations dans «La tempête», «Le petit maître corrigé» et «Les damnés» ont marqué les esprits. Grand acteur de la Comédie-Française qui fut hors maison de Molière un prodigieux Laredo dans «La nuit du décret» de Michel del Castillo, le comédien Loïc Corbery a enregistré en intégralité pour «Écoutez lire » des éditions Gallimard quatre ouvrages à savoir: «Lady Susan» de Jane Austen (avec d’autres comédiens), «Les souvenirs» de David Foenkinos, «Le hussard sur le toit » de Jean Giono et «La panthère des neiges» de Sylvain Tesson. Entretien.

Loïc Corbery : ses lectures d’auteurs sont d’autant plus touchantes que le comédien fait respirer les silences. © Stéphane Lavoué, coll. Comédie-Française
Loïc Corbery : ses lectures d’auteurs sont d’autant plus touchantes que le comédien fait respirer les silences. © Stéphane Lavoué, coll. Comédie-Française

Destimed : Comment est née chez vous l’idée d’enregistrer des œuvres audio ?
Loïc Corbery : Ce sont les éditions Gallimard qui me l’ont proposé. En commençant par «Lady Susan » de Jane Austen. C’était une écrivaine dont je ne connaissais pas l’univers et je n’avais pas écouté de livres audio auparavant. J’ai découvert alors une nouvelle manière d’aborder la littérature, qui prolongeait en fait cette passion de transmettre qui m’anime au théâtre. Faire résonner des œuvres écrites, les donner à entendre, c’est un vrai bonheur pour moi.

Que représente ce livre de Jane Austen pour vous ?
Ce qui me plaît chez «Lady Susan» c’est qu’en tant que roman épistolaire il permet d’entrer directement dans le personnage. On plonge dans le texte comme dans une pièce de théâtre. Chaque lettre est comme une réplique cela ressemble à ce que je fais sur scène.

Lisez-vous les livres sélectionnés avant de les enregistrer?
Des quatre livres enregistrés je n’avais lu que «Les souvenirs» de David Foenkinos. La seule vision que j’avais du «Hussard sur le toit » c’était le film de Rappeneau. Je suis donc arrivé neuf. Et, dans le studio, je peux dire que c’est une épreuve physique le corps est investi, la voix est un organe. C’est une épreuve de clairvoyance qui demande une grande concentration. Lire en projetant sa voix est un effort physique et cérébral. On sort des séances d’enregistrement en studio épuisé. J’aime énormément pourtant cette manière de travailler. Cela demande une énergie concentrée, alors qu’elle est plus libératrice au théâtre. Je ne pourrais pas d’ailleurs me passer d’un plateau par exemple.

Foenkinos et Tesson, deux auteurs contemporains…comment les jugez-vous ?
C’est un bonheur que de prendre en charge une écriture contemporaine. De plus donner voix à une œuvre largement partagée par un vaste public permet d’ajouter sa pierre à un succès déjà existant. Leurs deux livres sont très beaux, et les thèmes développés comme l’écriture résonnaient en moi. Mais, enregistrer des romans d’écrivains d’aujourd’hui met une pression supplémentaire, car on sait que les auteurs vont écouter puis avoir un avis sur ce qui est enregistré. On ne veut donc pas les trahir ni les décevoir.

Et l’enregistrement du Hussard sur le toit ?
Là ce fut un vrai marathon. On entre avec le Hussard dans un monument de la littérature, dans une forêt profonde de mots et de symboles. Ce fut un vrai périple et j’ai eu le sentiment d’entreprendre concrètement le voyage d’Angelo, le personnage principal. Le sentiment de monter sur son cheval, d’entamer une odyssée qui allait m’emmener je ne sais où. Il y a de plus beaucoup de descriptions et des passages poignants. Prendre en charge la parole sur la mort fut une expérience, tout comme incarner différents personnages en travaillant sur le rythme en les faisant exister de manière différente. Le plus agréable fut de lire les pages développant l’amour entre Angelo, héros inspiré lointainement par le Fabrice del Dongo de « La chartreuse de Parme » et la fascinante Pauline. Et puis il y a l’aspect chantant du style de Giono qui me touche et me parle car je suis originaire d’Avignon, et j’ai le souvenir des descriptions de la nature provençale qui est changeante tout au long de la journée. Puis enfin on est avec Giono dans un dispositif philosophique où est analysée la place de l’homme dans le monde tragique et son impuissance face à la prédominance de la nature.

Quels auteurs vous ont marqué, et quels sont ceux que vous aimeriez enregistrer maintenant ?
Je suis fasciné par la littérature russe découverte par le biais du théâtre de Tchekhov. Ce fut très formateur. J’aimerais aborder maintenant en studio pour les enregistrer des auteurs liés à mes lectures d’enfant. Et notamment Tolkien dont chaque livre aussi est un voyage. J’aime en fait les écrivains du grand dehors…
Propos recueillis par Jean-Rémi BARLAND
Tous les livres lus et enregistrés par Loïc Corbery sont disponibles chez Gallimard dans la Collection Écoutez lire.


La Comédie Continue
Il est à noter que depuis le 25 mai, les équipes de la Comédie-Française ont mis en place une nouvelle version de la chaîne de diffusion en ligne La Comédie continue, encore !, adaptée aux horaires du déconfinement. Ainsi, du lundi au vendredi à 19 heures, un acteur de la Troupe répond aux questions des Internautes dans La causerie, tandis que les samedis et dimanches la formule initiale de la chaîne reprend avec deux levers de rideaux à 14heures et à 20h30 auxquels s’ajoutent de multiples pastilles.
Du lundi 15 juin au vendredi 19 juin dans La causerie, Véronique Vella, Sébastien Pouderoux, Christian Hecq, Rebecca Marder et Loïc Corbery ce vendredi répondront aux questions des internautes.

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