Les forces de l’ordre : un bouc émissaire trop facile par Eric Delbecque

Publié le 5 juillet 2016 à  0h58 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h28

Ces derniers mois, les discours les plus opposés sur les excès ou les lacunes des forces de l’ordre (à Marseille par exemple, mais aussi à Paris) ont fleuri à plusieurs occasions. Comme souvent, la confusion l’a emporté plutôt que l’analyse argumentée et l’échange raisonnable. Essayons donc de reprendre tout cela dans le calme et par le début… Disons-le d’emblée : miser exclusivement sur la répression pour répondre à l’insécurité constitue une impasse équivalente à celle consistant à installer les forces de l’ordre sur le banc des accusés. Encore faut-il admettre qu’un délinquant -a fortiori un hooligan ou un casseur- n’a rien d’un héros romantique, d’un croisement entre Rimbaud et Che Guevara… En la matière, la société française souffre de ses stéréotypes, pour ne pas dire de ses caricatures, burinées par l’idéologie… Et si le délinquant n’est pas un héros romantique, l’homme en bleu clair ou foncé n’est pas davantage un sado-fasciste…
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Pour les esprits «bobocratiques», le «flic» est un cow-boy dans le meilleur des cas. Il vit un peu la vie comme un western et garde toujours la main sur le colt… Il a la gâchette facile parce qu’il n’a pas vraiment grandi ou parce qu’il aime un peu trop le goût du sang. De là à prétendre que l’on pense volontiers que le représentant de l’ordre est recruté chez les psychorigides, il n’y a pas loin… Dans le pire des cas, on suspecte le policier d’être un fasciste honteux ou hypocrite : il posséderait un code génétique totalitaire qui ne demanderait qu’à s’exprimer dans des conditions favorables… Ce simplisme est à la fois risible et désobligeant à l’égard de femmes et d’hommes dont le quotidien s’avère terriblement compliqué. Difficile aujourd’hui d’être policier ou gendarme tant la sommation d’exemplarité qui leur est faite repose sur une contradiction, tout au moins sur un point d’équilibre difficile à trouver. Le Livre blanc sur la sécurité publique de 2011 [[Réalisé en 2011 et téléchargeable sur le site de La documentation Française ladocumentationfrancaise.fr]] le formulait explicitement et précisément : « Une injonction paradoxale est souvent adressée aux services de police et de gendarmerie, qui consiste à leur reprocher simultanément d’être trop peu présents et de constituer les instruments d’une société de surveillance ».

D’un côté, le garant de l’ordre, le protecteur de la loi, doit répondre à une attente extrêmement puissante de nos compatriotes (l’exigence d’une sécurité maximale), mêlant prévention et répression (ou plutôt sanction); de l’autre, on suspecte à chaque instant les policiers de participer à une vaste entreprise de contrôle des citoyens pilotée par un État naturellement autoritaire, éternelle figure du Pouvoir qui asservit. Tout à la fois, on voit trop et pas assez l’uniforme… Double injustice en quelque sorte. La première repose sur une dénonciation de «l’insuffisante présence physique de proximité», laquelle «ne s’embarrasse pas toujours d’une réflexion véritable sur les contraintes de service et l’impossible ubiquité physique en tous temps et en tous lieux»… Ce qui aboutit à des jugements hâtifs et erronés sur l’efficacité policière et la conscience professionnelle des personnels. La deuxième s’enracine dans le raisonnement schizophrénique qui s’applique trop souvent aux organisations de sécurité : en effet, «tout projet de modernisation de leurs outils de travail, d’intervention, de surveillance ou de documentation criminelle les expose à une critique presque systématique de recul des libertés individuelles dans le cadre de l’édification d’une société de surveillance, alors même que l’extrême mobilité des flux de personnes et de biens et la furtivité permise par l’anonymat urbain diminuent sans cesse la probabilité de recueil de témoignages issus du contrôle social interindividuel ou de traces et indices préservés en l’état [[Bauer Alain et Gaudin Michel, Livre blanc sur la sécurité publique, 2011.]]» .

Afin de satisfaire une élémentaire curiosité, on pourrait d’ailleurs se demander pourquoi les policiers et gendarmes s’inscriraient dans cette dynamique liberticide ? Passion personnelle pour l’ordre, goût congénital de dominer son prochain, soumission inconditionnelle à l’autorité ? L’activité des services de police dans les quartiers ou banlieues dits sensibles fournit des modèles d’explication à certains sociologues, lesquels parviennent à hybrider tous les motifs cités en un cocktail plus présentable académiquement. Un appareil d’Etat répressif disposant d’un bras armé constitué de tontons macoutes construit le sentiment d’insécurité là où il n’existe que quelques vieux grincheux et certainement racistes qui tolèrent mal la « vitalité » de la jeunesse et qui, sans aucun doute, votent Front national… La « démonstration » a le mérite de la simplicité mais elle échoue à rendre compte du réel… Sans nul doute peut-on parfois constater des comportements policiers inacceptables ; sans doute rencontre-t-on des représentants de l’ordre brutaux. Mais par quel processus logique cela nous amènerait-il vers des conclusions généralisant ces cas particuliers ? Peut-être parce le mode de raisonnement de certains commentateurs relève de l’idéologie et non de l’analyse scientifique…

Le «contrôle social» : les forces de l’ordre isolées ?

Il apparaît dès lors plus fécond de tenter d’approcher le problème par une réflexion un peu plus articulée sur la mise en perspective historique [[Sur l’ensemble de cette problématique, voir les livres d’Eric Delbecque : www.intelligences-croisees.com]]. Puisque l’on fait planer sur les forces de sécurité un soupçon d’anti-démocratisme, précisons au préalable le sens des mots et revisitons l’histoire « psycho-sociétale »… Les travaux de Jean-Louis Loubet Del Bayle s’avèrent ici particulièrement précieux. Commençons par la formule de «contrôle social». Ce dernier peut se définir comme «le processus destiné à assurer la conformité des conduites aux normes établies dans une collectivité donnée, pour sauvegarder entre les membres de cette collectivité le dénominateur commun nécessaire à sa cohésion et à son fonctionnement». Parallèlement, et a contrario, c’est aussi «le processus qui est destiné à décourager toutes les différentes formes de non-conformité aux normes établies dans une collectivité». Le «contrôle social» désigne donc des mécanismes incitant les individus à se conformer aux normes sociales (quelles que soient par ailleurs les motivations, liées à leur intérêt particulier, qui les y poussent).

Dès lors, évoquer une «crise des repères» revient à analyser et à évaluer le fonctionnement de ce «contrôle social» et, bien entendu, à interroger le contenu de ces repères. Cela amène à devoir comprendre finement le processus conduisant les individus à les prendre en compte et à les respecter. Il faut dès lors préciser quelques notions : « Le contrôle social interne, ou intériorisé, est celui qui résulte d’une autodiscipline des individus, fondée sur un sentiment intériorisé d’obligation morale, sans autre conséquence, en cas de déviance, qu’un sentiment intime de culpabilité [[Loubet Del Bayle Jean-Louis, «Jeunes, police, et évolution du contrôle social », in Cahiers de la sécurité, n°1, juillet/septembre 2007]]» .

Vient ensuite «le contrôle externe », lequel se compose « des pressions sociales extérieures plus ou moins contraignantes pour amener les individus à se conformer aux normes établies. Cela étant, ce contrôle externe est susceptible lui-même de prendre deux aspects. La première forme de contrôle externe peut être qualifiée d’immédiate ou de «sociétale». C’est une forme de contrôle social spontané, inorganisé, informel, qui résulte de la surveillance que les individus composant un groupe exercent les uns sur les autres, en sanctionnant mutuellement leur conformisme ou leur déviance. La fonction de contrôle est alors diluée dans l’ensemble du groupe et chacun des membres du groupe est amené plus ou moins à l’exercer. La rumeur, le commérage, la mise en quarantaine ou le lynchage peuvent être ainsi considérés comme des formes, d’une intensité variable, de ce contrôle, qui, en général, caractérise les sociétés, de dimension plutôt réduite, dans lesquelles la visibilité des comportements de chacun permet le contrôle de tous par tous. Ce type de contrôle informel a ainsi pendant longtemps caractérisé les sociétés rurales traditionnelles ».

La seconde expression du contrôle externe se manifeste à travers des institutions, des structures chargées de l’exercer consciemment et systématiquement. Il complète le premier type de contrôle externe, « spontané et immédiat », ou s’y substitue. « La pression sociale n’est plus directe, elle est médiatisée par une institution plus ou moins organisée, qui se manifeste en cas de déviance, en intervenant au nom de la collectivité. Des institutions religieuses ou des institutions judiciaires peuvent remplir ce rôle en ayant recours à des moyens de pression divers. Dans ce cadre, une forme spécifique de contrôle social institutionnalisé est le contrôle de type policier, qui se traduit par la possibilité de recourir, si nécessaire, à l’usage de la force ».

Il existe donc quatre mécanismes élémentaires de contrôle social :
-Le premier, moral, consiste en l’observation spontanée et permanente de normes intériorisées ;
-Le deuxième est un contrôle sociétal, caractérisé par la pression « informelle » d’un environnement social sur les individus ;
-Le troisième apparaît comme un contrôle institutionnalisé, impliquant l’action d’organisations dédiées, mais non policier tant ces dernières n’usent pas de coercition, de contrainte physique ;
-Le quatrième et dernier se définit comme un contrôle institutionnalisé policier pouvant, en dernier ressort, recourir à l’usage de la violence physique «légitime [[Idem]]» .

Ces quatre modalités de contrôle social constituent un système. La montée en puissance du contrôle social institutionnalisé policier, explique Loubet Del Bayle, manifesterait la transition des sociétés holistes vers des sociétés individualistes. En fait, durant cette séquence historique, tous les processus d’autocontrôle individuel articulés sur la prégnance de la religion comme mode d’organisation sociale et de structuration mentale, psychologique et intellectuelle, s’affaissent considérablement. On tend alors à accroître parallèlement le nombre et la précision des réglementations juridiques externes pour conserver un degré acceptable d’ordre social, c’est-à-dire pour réguler les comportements.

Une semblable « crise » des processus de « régulation interne » s’inscrit dans la fragilisation connexe « des institutions socialisatrices qui assuraient de manière plus ou moins manifeste ou latente ce type d’éducation morale, et à travers l’influence desquelles les individus faisaient l’apprentissage des normes et des valeurs sociales et étaient amenés à en intérioriser le caractère obligatoire. L’affaiblissement et la mise en cause du rôle socialisateur de la famille, de l’école, des églises, constituent l’illustration la plus évidente de ce phénomène, dans la mesure où, bon gré mal gré, volontairement ou involontairement, ces institutions ne sont plus à même de remplir cette fonction sociale, ou ne la remplissent plus que partiellement et épisodiquement ».

Cette crise du contrôle social moral se voit aggravée par l’ébranlement du dispositif d’encadrement sociétal, à commencer par celui de ses mécanismes informels immédiats. « Ce type de contrôle supposait, en effet, pour pouvoir fonctionner, une certaine homogénéité des mœurs et des références culturelles ainsi qu’une certaine transparence sociale des comportements individuels, avec d’ailleurs tous les problèmes que cela pouvait poser pour la liberté et l’autonomie des individus. […] De manière générale, cet affaissement des autocontrôles constitue un facteur qui favorise des comportements « de pulsion », ayant souvent pour conséquences une irrationalité et une imprévisibilité que l’on retrouve assez fréquemment évoquées dans les analyses de la délinquance des jeunes ».

Le tableau de la situation ne serait pas complet si l’on omettait de noter que ces dynamiques d’autocontrôle s’affaiblissent précisément durant une période où triomphe la société de consommation, c’est-à-dire au moment même où le désir est attisé à chaque instant par le monde des objets, des marchandises, des produits, générant ainsi des frustrations variées naissant du décalage entre l’envie (le principe de plaisir) et le « pouvoir d’achat » effectif (le principe de réalité).

Se crée ainsi un gouffre potentiellement dangereux entre des sollicitations toujours plus puissantes, obsédantes, à consommer et l’insuffisance des capacités financières autorisant la satisfaction des désirs. Ainsi que l’expliqua [[René Girard Cf. Mensonge romantique et vérité romanesque. Paris, Grasset, 1977]]. dans l’ensemble de son œuvre, la rivalité mimétique structure les rapports interpersonnels : chacun désire ce que l’autre convoite, nourrissant ainsi une logique de conflit avec son prochain. Plus que jamais, la société de consommation s’appuie sur ce ressort. Par conséquent, c’est un véritable engrenage d’exclusion des normes qui s’enclenche, « car simultanément cet environnement a lui aussi tendance à affaiblir à la fois la notion de « norme » et le principe même d’une autodiscipline normative des comportements individuels, qui sont vécus comme des « entraves » illégitimes à l’épanouissement du bonheur personnel, dont la consommation est par ailleurs présentée comme un élément essentiel ».

Le système judicaire s’en trouve bien évidemment affecté puisqu’il doit compenser ce que la société perd en capacité de contrôle social. Marx avait raison : le droit est une superstructure sociale articulée sur de plus profondes infrastructures. A ceci près que la raison économique, l’état des forces productives et des rapports de classe, ne sont pas les seuls paramètres déterminant ces infrastructures, loin s’en faut. Le complexe des structures sociales, politiques, idéologiques et culturelles, ainsi que leurs évolutions permanentes, est un monstre de subtilités dont le déchiffrage s’avère pourtant indispensable à la compréhension de la dynamique du droit et de l’institution judiciaire.

Pour nous résumer brutalement, on peut rendre compte de la situation actuelle de la manière suivante. Il n’existe plus aujourd’hui de contrôle social informel efficace et universel (consensuel à l’échelle d’une société entière) : aucune communauté, aucune autorité morale et sociale incarnée dans le curé ou l’instituteur (pour ne citer que les deux plus connues), aucune culture ou identité incontestée, n’est en capacité d’ordonner l’ensemble de la collectivité, c’est-à-dire de réguler et de normer les comportements. Ce n’est pas un jugement mais un fait (à bien des égards, c’est d’ailleurs une évolution dont on peut se féliciter). Cependant, de manière extrêmement logique, la maîtrise des « déviances » troublant l’ordre et la sécurité publics repose quasi exclusivement sur une chaine pénale au premier rang desquels figurent les policiers et les gendarmes. Le défi s’avère d’autant plus délicat à affronter que la société de consommation « pousse au crime » et que les forces de l’ordre doivent impérativement s’inscrire dans un cadre juridique visant légitimement à préserver les libertés individuelles et à protéger les délinquants d’un usage incontrôlé de la force.

La police et la gendarmerie héritent donc d’une évolution sociétale particulièrement lourde et complexe : c’est bien là l’un des cœurs de la cascade causale qu’il faut remonter pour comprendre en profondeur l’un des ressorts de l’insécurité contemporaine. Insistons sur ce fait capital : on demande aux institutions de sécurité (ainsi d’ailleurs qu’à l’Éducation nationale) d’exercer la totalité d’un contrôle social dont la responsabilité était auparavant partagé par différents acteurs individuels et collectifs (de manière formelle ou informelle) de la société civile et de l’univers institutionnel au sens large. Les attentes vis-à-vis du monde policier, judiciaire et scolaire se révèlent de ce fait disproportionnées.

Et ce d’autant plus, répétons-le également, que l’opinion publique réclame, à juste titre, que l’appareil de sécurité réduise l’usage de la force au strict nécessaire. Attente que les forces publiques entendent dans une grande mesure.

La médiatisation mécanique des excès policiers illustre ce mouvement psychologique et moral d’ensemble de nos sociétés. La complaisance n’est certainement plus de mise et les actions des forces de sécurité passent au filtre de nombreux regards, au sein de l’appareil gouvernemental en tout premier lieu. La société civile complète bien évidemment le dispositif de « surveillance » qui ne manque plus de concerner aussi les acteurs concrets du monopole de la violence physique légitime…

L’imposition même des normes suppose aujourd’hui, de la part du policier et du gendarme, le respect de la logique de proportionnalité. L’efficacité individuelle du représentant de la loi doit se rendre compatible avec le respect du corps du délinquant et du simple mis en cause. On objectera ici que des contre-exemples peuvent facilement témoigner d’abus des forces de l’ordre ; toutefois, comme souvent, la manière de faire connaître des cas réels de dérives s’adosse à une dénonciation idéologique de plus vaste ampleur qui instrumentalise les faits. En somme, c’est l’arbre qui cache la forêt ! Oui, les « dérapages » existent, non, ils ne peuvent pas servir à caractériser de manière générale les modes opératoires et la culture professionnelle globale de l’ensemble des membres de notre appareil de sécurité, lequel gagnerait à être plus souvent comparé à d’autres modèles étrangers, américain ou européens, pour être mis en perspective avec davantage de mesure.

A cet égard, le rapport d’Amnesty International paru en 2011 (intitulé France. « Notre vie est en suspens». Les familles des personnes mortes aux mains de la police attendent que justice soit faite) produit une curieuse et désagréable impression, qui me semble le fruit d’un symptomatique paradoxe. Les faits relatés par le document méritaient effectivement d’être éclaircis car une démocratie ne peut tolérer que l’on ne fasse pas la lumière sur le déroulement de semblables événements. Amnesty remplit donc son rôle en soulignant et interrogeant des cas concrets suscitant un juste trouble émotionnel collectif et réclamant sans doute un approfondissement administratif, voire judiciaire.

En revanche, l’approche générale du rapport, le ton, les mots et les formules employés conviendraient davantage à la dénonciation des crimes d’une dictature sud-américaine des années 80 participant à l’opération Condor qu’à un pays de l’Union européenne… On y sent à certains passages un parfum d’inquisition et un parti-pris défavorable aux forces de police qui nuit à l’objectif recherché, lequel est parfaitement légitime et louable. Les premières phrases de l’introduction se passent d’ailleurs de tout commentaire : « Amnesty International dénonce depuis de nombreuses années des cas de violations des droits humains commises par des responsables de l’application des lois en France, notamment des homicides illégaux et des cas de torture et d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants. En 2005, l’organisation a publié le rapport France. Pour une véritable justice, qui constatait l’existence d’un phénomène d’impunité de fait pour les responsables de l’application des lois qui commettent de telles violations, dans un contexte où la police, le ministère public et les juges se montrent peu enclins à enquêter de manière approfondie sur ces atteintes et à en poursuivre les auteurs présumés [[Amnesty International, France. «Notre vie est en suspens ». Les familles des personnes mortes aux mains de la police attendent que justice soit faite, 2011, p.5.]]» .

Suivaient en conclusion des recommandations dont le mode d’expression apparaît singulièrement décalé, notamment les deux suivantes : « Interdire l’utilisation de méthodes de contrainte dangereuses, et élaborer et appliquer efficacement, en pratiquant une formation initiale et continue, des protocoles et des lignes de conduite sur le recours approprié à la force et aux méthodes de contrainte pleinement conformes aux normes internationales »… Puis, veiller « à ce que les policiers reçoivent une formation approfondie sur les droits humains et en particulier sur l’interdiction de la torture et des autres mauvais traitements ainsi que sur l’interdiction de la discrimination [[Ibid., p.26.]]» … Les mêmes phrases n’auraient-elles pas pu s’appliquer à la police de l’Afrique du Sud du temps de l’Apartheid ou aux nervis de Pinochet ? Comment imaginer que nos policiers ou gendarmes puissent être formés dans un cadre éthique, déontologique et opérationnel qui n’est pas fortement imprégné par le respect des valeurs contenues dans les différentes déclarations des Droits de l’homme et du citoyen ainsi que dans les autres textes liés à celles-ci ? Qu’un contrôle sans faille des excès (qui ne manquent pas de se produire) soit exercé (donnant lieu à des sanctions sévères), relève de l’exigence démocratique la plus forte et la plus incontournable. Suggérer en revanche que tous les policiers et gendarmes aient besoin d’une formation pour les inciter à respecter les individus, à ne pas les violenter, à ne pas les torturer et à ne pas sombrer dans la discrimination, c’est bien peu les respecter et les connaître. Cette approche semble d’autant plus baroque que l’introduction du document elle-même la contredit puisqu’elle précise : « Amnesty International reconnaît que la tâche des responsables de l’application des lois en France est difficile et dangereuse, qu’elle les expose souvent à des risques importants et que la majorité de ces agents s’acquittent de leurs fonctions de manière professionnelle et dans le respect de la loi [[ Ibid., p.5.]]!…»

La violence policière se classe aujourd’hui dans la case « déviance », et non dans celle des « procédures courantes »… Les forces de l’ordre sont un bouc émissaire abusivement facile qui empêche bien trop souvent notre société de se regarder en face…

Eric Delbecque est l’auteur de « Idéologie sécuritaire et société de surveillance » (Vuibert)
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