Les yeux et les oreilles du cœur pour le « Rigoletto » de Leo Nucci aux Chorégies d’Orange

Publié le 9 juillet 2017 à  21h07 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  16h57

Devant les courtisans, Rigoletto retrouve sa fille Gilda qui vient d’être déshonorée par le Duc de Mantoue (Photo Christian Bernateau)
Devant les courtisans, Rigoletto retrouve sa fille Gilda qui vient d’être déshonorée par le Duc de Mantoue (Photo Christian Bernateau)

Pour son ultime programmation aux Chorégies d’Orange, Raymond Duffaut aura ponctué ses 35 années de direction par une production «historique» du «Rigoletto» de Verdi. Lui à qui une pléiade d’artistes lyriques doivent beaucoup dans leur évolution de carrière, Béatrice Uria Monzon, Patrizia Ciofi, Roberto Alagna, pour n’en citer que trois, a eu l’intelligence d’unir le passé et le futur dans le présent. Et samedi soir, le théâtre antique avait pratiquement fait le plein d’aficionados qui n’avaient d’yeux et d’oreilles que pour «Léo» qui, du haut de ses 76 ans, incarnait le bouffon certainement pour la dernière fois ici. Comediante et tragediante hors pair, le baryton n’en finit pas d’étonner. Sa technique, pour le moins éprouvée, lui permet de masquer les faiblesses vocales liées au temps qui passe et ses qualités scéniques procurent à son incarnation ce côté dramatique qui tire la larme et garantit le succès. Le futur, c’est la jeunesse (elle n’a pas encore 30 ans) de la soprano américaine Nadine Sierra qui incarne une Gilda lumineuse de beauté. Une voix chaude et colorée, une ligne de chant précise, de la puissance et surtout une capacité étonnante à tenir une note sur la distance, sans aucun vibrato incongru. Autant dire que la jeune femme, aux côtés du vieux lion, se taillera un beau triomphe les deux bissant, mais c’est désormais une habitude, le «Si Vendetta» pour le plus grand plaisir du bon peuple verdien. A leurs côtés, le Duc de Mantoue est incarné par le ténor Celso Albelo en pleine forme, tout de puissance vocale et de présence scénique. A souligner, aussi, le Sparafucile de Stefan Kocan, voix sombre, épaisse et franche et la Maddalena de Marie-Ange Todorovitch très convaincante, scéniquement et vocalement. Au rang des comprimari, tous à la hauteur du bon niveau de cette production, un mot pour Amélie Robins, la comtesse Ceprano, qui, en moins d’un mois, s’est retrouvée deux fois devant le mur d’Orange avec bonheur. Pour accompagner cette distribution, à la tête du philharmonique de Radio France et d’un impressionnant chœur d’hommes issu des opéras du Grand Avignon, de Monte Carlo et de Nice, Mikko Franck a visiblement pris du plaisir à faire briller cette partition de Verdi dont de nombreux passages figurent en bonne place au top ten de l’art lyrique. Quant à la mise en scène de Charles Roubaud, autour du sceptre géant du bouffon, elle témoigne du savoir-faire de l’homme de l’art pour animer d’importantes masses humaines tout en focalisant l’attention du public sur le drame. Un travail servi par les élégants costumes de Katia Duflot. Au final, un «Rigoletto» de bonne facture, avec ce «plus» émotionnel de la présence de Léo Nucci.
Michel EGEA
Autres représentations mardi 11 juillet à 21h45 – Diffusion en direct sur France 3 et Culturebox ainsi que sur France musique. choregies.fr

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