Lettre ouverte du « Collectif Amnésie Internationale » : « Pour l’arrêt du processus d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne »

Publié le 17 décembre 2020 à  21h35 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  12h21

Dans une lettre ouverte adressée à Charles Michel, le Président du Conseil Européen, et Ursula Von Der Leyen, la Présidente de la Commission Européenne, le « Collectif Amnésie Internationale » demande l’arrêt immédiat «des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne».

Manifestation pour les 100 ans du génocide arménien (photo archives Destimed/Philippe Maillé)
Manifestation pour les 100 ans du génocide arménien (photo archives Destimed/Philippe Maillé)
Manifestation lors du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan (photo archives Destimed)
Manifestation lors du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan (photo archives Destimed)

Lettre ouverte

« Monsieur le Président, Madame la Présidente, Lors du conflit syrien, la Turquie, utilisant des troupes djihadistes, s’est livrée à une épuration ethnique des Kurdes dans le nord de la Syrie. Dans cette même région, ces troupes djihadistes, soutenues par la Turquie, ont procédé à des violences systématiques contre les communautés chrétiennes d’Orient. Au cours du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la Turquie a déplacé ces mêmes milices djihadistes dans la région du Karabakh pour procéder à l’éradication des populations arméniennes, utilisant, à l’appui des combats au sol, des bombes au phosphore et à fragmentation et procédant à la décapitation de prisonniers de guerre. Solidaire du génocide des Arméniens perpétré en 1915 par les jeunes turcs unionistes, l’État Turc actuel soutient en Europe, notamment en France et en Allemagne, des organisations extrémistes en vue de perpétrer des pogroms contre les citoyens européens d’origine arménienne. Un peuple qui oublie son passé, disait Churchill, se condamne à le revivre. Souvenons-nous du temps où l’Europe a été dévastée par des crimes contre l’Humanité et par la Shoah pour n’avoir pas su contenir à temps la montée du nazisme.
-Considérant que l’État Turc est à l’origine de l’épuration ethnique des populations arméniennes du Haut-Karabakh, des Kurdes et des communautés chrétiennes de Syrie
-Considérant que l’État turc est à l’origine des crimes de guerre qui y ont été perpétrés
-Considérant que l’État Turc organise le racisme anti-arménien en Europe,
-Considérant que l’État Turc contrevient au projet de paix et de fraternité entre les nations et aux valeurs fondamentales de la démocratie européenne,
Nous demandons à l’Union européenne de condamner solennellement ces actes inhumains et d’en tirer contre l’État Turc toutes les conséquences politiques, diplomatiques et économiques,
Nous demandons l’abrogation du Traité d’Union douanière qui lie la Turquie à l’Europe. Nous demandons l’arrêt immédiat des négociations d’adhésion à l’Union européenne.»
Lien pour signer la pétition: amnesieinternationale.com

Liste des premiers signataires de la pétition
Simon Abkarian, acteur, réalisateur – Pierre Arditi, acteur – Ariane Ascaride, actrice – Serge Avedikian, acteur, réalisateur – Hamit Bozarslan, directeur d’études EHESS – Laure Coret, enseignante, et docteur en littérature comparée – Gérard Dedeyan professeur, membre de l’académie des sciences d’Outre-Mer – Alexandre Del Valle Géopolitologue, enseignant chercheur – Vincent Duclert, historien (EHESS, sciences po) – René Dzagoyan, écrivain-journaliste – Sophie Fontanel, écrivain journaliste – Robert Guédiguian, réalisateur – Grégoire Jackhian, avocat – Jean Pierre Darroussin, Acteur, réalisateur – Raymond Kevorkian historien, spécialiste des violences de masse – Joël Kotek, professeur à l’Université Libre de Bruxelles et Sciences Po Paris – Valérie Manteau, écrivaine – Claire Mouradian, docteur en histoire EHESS – Pinar Selek, sociologue, écrivaine – Yves Ternon, historien, spécialiste des génocides – Valérie Toranian, directrice de la revue des deux mondes – Clément Yana, ancien président du Crif Marseille Provence – Meïr Waintrater, journaliste…

[(A propos d’Amnésie Internationale »
Le XXe siècle fut le siècle des génocides arménien, juif, tzigane, cambodgien, tutsi. Face à ce constat et cette horreur, la Jeunesse Arménienne de France a initié en 2001 à Marseille le projet «Amnésie Internationale». Cette initiative s’appuie sur trois grands axes : le travail de mémoire, la résistance face aux négationnismes et la prévention de ces actes barbares, pour que l’Histoire ne se répète plus. L’amnésie collective qui a frappé le XXe est tâchée du sang de ces 11 millions de victimes, de la souffrance des rescapés et des interrogations des générations futures. Comment construire l’avenir alors même que l’on ignore son passé ou pire, qu’on le réécrit ? Le travail de mémoire est nécessaire pour lutter contre l’oubli, pour savoir qui nous sommes et surtout où nous allons. Depuis 20 ans, «Amnésie Internationale» a réuni plus de 20 000 personnes autour d’universitaires, intellectuels, artistes, témoins pour dénoncer les crimes de génocides et lutter contre le négationnisme

Un grand concert digital organisé le 26 décembre

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La 9e édition d’Amnésie Internationale «spécial Arstakh» (nom arménien du Karabakh) s’articule autour de deux temps forts. Le premier est politique puisqu’il s’agit d’une lettre ouverte adressée à Charles Michel, président du Conseil Européen, et à Ursula Von Der Leyen, présidente de la Commission Européenne. « Le collectif Amnésie Internationale demande à l’Union européenne de cesser d’attribuer à la Turquie une aide financière, d’abroger le Traité d’Union douanière qui lie la Turquie à l’Europe et d’arrêter immédiatement les négociations d’adhésion à l’Union européenne», dénonce le fondateur et responsable du Collectif, Pascal Chamassian. Le document a déjà été signé en date du jeudi 17 décembre par près de 900 personnes. La deuxième action se tiendra le 26 décembre
2020. Avec un grand concert de soutien qui sera diffusé en direct sur Facebook et YouTube. Il sera orchestré par un autre Marseillais, Levon Khozian, le nouveau Président de la Jeunesse Arménienne de France. A cette occasion, une grande collecte de fonds interactive permettra à chacun de faire un don en faveur des réfugiés et populations déplacées en raison du conflit, notamment les enfants arméniens. Différents artistes y participeront, comme Sébastien Tellier, Flo Delavega, Yarol Poupaud…
Le lien de l’événement : ICI )]

Pascal Chamassian : «Le XXIe siècle doit être celui du réveil des consciences»

Pascal Chamassian à la tête
Pascal Chamassian à la tête
Pour rappel, Marseille a été la porte d’entrée des Arméniens en France et dans toute l’Europe. La ville regroupe la plus forte communauté dans le pays, avec 80 000 personnes sur les 500 000 en France (100 000 en Provence-Alpes-Côte d’Azur). Le but de la fondation du «Collectif Amnésie Internationale», initié par le Marseillais Pascal Chamassian, est de rappeler que le premier génocide du XXe siècle a été subi par les Arméniens. «Le siècle dernier a été celui de tous les génocides», précise Pascal Chamassian qui considère que «le XXIe siècle doit être celui du réveil des consciences.» Il avance: «Nous nous devons de prendre et ou reprendre la parole face à l’actualité. Car les plus jeunes, notamment, méconnaissent de plus en plus les génocides. Et ce qui nous inquiète est que nous sommes dans une situation qui ressemble beaucoup à celle des années 1930, avec des populismes qui se développent, des boucs émissaires stigmatisés. Les dictatures et l’antisémitisme progressent, comme le négationnisme.» La communauté arménienne s’estime ainsi légitime pour sensibiliser sur la question.

Les génocides ont fait 11 millions de victimes au cours du XXe siècle.

Pascal Chamassian se bat également avec son Collectif depuis des années pour faire enfin reconnaître le génocide arménien : « Étant moi-même petit-fils de rescapés, j’entends dire qu’il n’y a pas eu de génocide alors que le fait que je sois ici s’explique par ce génocide ! Le bourreau, la Turquie, continue de nier le génocide. C’est un négationnisme d’État qui continue à être porté par le président Erdogan. Il n’y a rien de pire pour les victimes. Cela nous empêche de nous reconstruire. La reconnaissance est au centre des enjeux.»
Propos recueillis par Bruno ANGELICA

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