Libre expression du Pr.Hagay Sobol. Les commémorations des crimes racistes et antisémites commis par l’Etat français à Marseille : « Une occasion manquée? »

Publié le 21 juillet 2014 à  20h02 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h05

Depuis la décision prise par le Président Jacques Chirac et, réaffirmée par le Président François Hollande, a été instituée une commémoration courageuse. Celle de rendre hommage aux victimes des crimes racistes et antisémites commis par l’État français, et qui célèbre dans le même temps le courage des Justes, ceux qui ont bravé la machine institutionnelle pour sauver des vies. Cette cérémonie unique en son genre devrait être par sa dimension universelle, le moment par excellence de convergence de l’ensemble des composantes démocratiques de la société française.

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La responsabilité de l’État français, une dimension universelle

Si cette commémoration rappelle la rafle du Vel d’Hiv du 16 juillet 1942, où la police française se fit complice de la barbarie nazie en participant à la déportation puis à l’extermination de milliers de victimes innocentes parce qu’elles étaient juives, il existe également une dimension universelle. Car, à travers cet événement terrible, c’est la reconnaissance par l’État français de sa responsabilité pour tous les crimes racistes et antisémites commis en son nom. C’est la raison pour laquelle des représentants de l’État, des corps constitués et des élus de la République assistent à cette cérémonie.
Il est important devant cette reconnaissance officielle et grave, de remercier tous ceux qui sont venus témoigner dans tout le pays, par leur présence, de leur attachement à la France, celle des droits de l’Homme, moteur de la construction européenne et qui durant des siècles a inspiré les nations en recherche de liberté et d’émancipation. Ce faisant, ils affirment à ceux qui ont vécu cette période, ainsi qu’aux générations futures, plus jamais ça !

Une occasion manquée de se montrer unis contre ceux qui défient la République

Pourtant, force est de constater qu’il n’y avait «pas foule» à Marseille sur la Place du 23 janvier 1943 et que nombre d’élus de haut rang s’étaient fait représenter. Étant donné la situation actuelle de quasi-insurrection qui prévaut en marge de manifestations pro-Hamas, cela aurait été un geste fort qu’élus de tous bords se retrouvent nombreux pour défendre conjointement la République et dire non à ceux qui veulent diviser la France en important un conflit extérieur comme on l’a vu notamment lors des manifestations parisiennes.

Il est urgent de dire non à la barbarie !

Il y a un conflit à Gaza qui oppose le Hamas à Israël et des innocents sont tués. C’est horrible et cela doit être condamné. Car toute vie perdue est une tragédie. Et il est normal qu’en fonction de sa sensibilité ou de ses orientations politiques l’on soutienne l’un ou l’autre camp.
Il est normal également que chacun puisse s’exprimer librement et manifester pacifiquement. Mais s’il se produit des débordements, ces derniers doivent être condamnés avec la plus grande fermeté, non pas seulement par le Chef de l’État, le Premier Ministre et son gouvernement mais par tous les démocrates et en premier lieu par les organisateurs des rassemblements qui ne sauraient cautionner des agissements qui ont tout de la guérilla urbaine et rien du soutien à une noble cause :
– Scander « vive la Palestine », c’est soutenir la création d’un État Palestinien indépendant.
– Crier « mort à Israël » et brûler des drapeaux, c’est vouloir la destruction d’un pays et de ses habitants.
– Scander « vivent les palestiniens », c’est soutenir la cause de la paix.
– Hurler « mort aux juifs », c’est de l’antisémitisme pur et simple !
– Défiler dans la rue avec des drapeaux et des banderoles, c’est manifester pacifiquement.
– S’attaquer à des synagogues et lancer des bouteilles incendiaires c’est importer en France un conflit extérieur !
– Enfin, s’attaquer aux forces de police, prendre d’assaut les transports en commun et détruire tout sur son passage comme on a pu le voir sur les vidéos partagées sur Internet, c’est rejeter la République et s’en prendre à la France toute entière !

De constater cela, ce n’est pas soutenir l’un ou l’autre camp, la Palestine ou Israël. C’est simplement énoncer la vérité. Pour les élus, la priorité est de prendre le parti de la France et d’incarner la Démocratie. Nous devons donner l’exemple de la concorde républicaine et indiquer clairement aux fauteurs de guerre, les limites qu’ils ne peuvent pas dépasser !

Démocrates de tous les courants unissons-nous !

Pour le moment à l’inverse d’autres villes de France, comme à Sarcelles, la situation n’a pas dégénéré à Marseille. C’est probablement parce que dans la Cité Phocéenne nous avons une tradition de plus de 2 600 ans du vivre ensemble. Mais au rythme où vont les choses pour combien de temps encore ?
Aussi, j’appelle solennellement l’ensemble des forces démocratiques de toutes les sensibilités politiques et de toute origine ou croyance à agir dans le sens de l’apaisement. Mais cela ne suffit pas. Il nous faut surtout des actions concrètes allant au-delà du symbole comme le fut en son temps « Marseille-Espérance ». Nous devons fonder une dynamique durable d’échange et de dialogue interculturel et citoyen, sur le modèle du collectif « Tous Enfants d’Abraham » créé à l’initiative du Centre Culturel Edmond Fleg sous ma Présidence, mais aller encore plus loin.
Ainsi, nous pourrions doter Marseille d’un « Institut des Cultures » qui rassemblerait toutes ses composantes et où chacun pourrait découvrir sa culture d’origine, celle de l’Autre et ce faisant de bâtir un avenir commun enrichi de nos différences.
Ce n’est pas un rêve, ou plutôt si, mais pour qu’il devienne réalité, il requiert le soutien conjoint de tous les partis politiques démocratiques, des collectivités territoriales et de l’État. Aussi à la question contenue dans le titre de cet article, nous avons peut-être perdu une occasion, mais nous en avons d’autres devant nous et en particulier de porter ensemble ce projet fédérateur.
Hagay Sobol

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