Gynécologue et photographe Michaël Serfaty traduit en texte et images les douleurs des femmes entendues lors des consultations

Publié le 30 décembre 2021 à  13h33 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  11h34

C’est une écriture à part, composée avec «la chair des mots». Une œuvre originale. Un travail à la fois sociologique, humain, féministe et artistique. Gynécologue depuis 30 ans, Michaël Serfaty est également photographe. Au fil des années il a recueilli les mots (maux !) des femmes dans son cabinet. Des phrases souvent douloureuses, tristes. Il a ouvert un cahier où il a rassemblé ces propos qui le bouleversaient pour les mettre en images. Le cahier a gonflé, gonflé… Pour traduire le vécu des femmes une nouvelle écriture photographique s’est imposée.

© Joël Barcy
© Joël Barcy

Une écriture artistique

Cela ressemble à un accouchement. Le photographe/obstétricien tire d’une profonde boîte à chapeau une sorte de grimoire, boursouflé, avec une couverture rouge sang. Mais rien de magique dans ces feuilles qui débordent. L’ensemble sert de matrice au livre qui vient de paraître. Dans ces pages est résumée l’écriture artistique de l’auteur. «Je tiens au terme écriture car c’est un processus imaginaire. La photo était insuffisante pour traduire la puissance des mots, il fallait un autre langage».

Un autre langage photographique

Du recueil au livre ©Joël  Barcy
Du recueil au livre ©Joël Barcy
«Je vis sang dire un mot», «Je me languis d’être enfin seule dans mon corps», «De partir je vais la laisser mourir»… Comment traduire en photographie la chair, la force des mots et leur lot de drames. Michaël Serfaty a tâtonné. Ses photographies toujours bien léchées ne collaient pas aux blessures. Pour concevoir cet opus il a mis la photo au service de la phrase, l’a déstructurée, a emprunté de multiples voies artistiques avec l’ajout, d’encre, de peinture, de fil, d’objets. Il a blessé le papier pour mieux rendre la douleur ou l’indicible. «J’ai voulu que les photos soient détériorées, qu’elles soient abîme, plaie. La phrase est la vedette et la photo s’est mise à son service».

« Sur les visages il se passait quelque chose »

En raison de la Covid, une seule exposition photographique a pu se tenir à Vendôme (Loir-et-Cher). «Les réactions étaient fortes. J’ai vu des larmes, des personnes qui n’osaient pas entrer, d’autres se cachaient le visage, d’autres enfin prenaient des notes. C’était ma plus belle récompense. Il se passait quelque chose sur les visages. En présentant ce travail j’avais une grande angoisse. Quelle réception aurait-il ? C’était l’un de mes plus grands enjeux sur plan artistique sans doute aussi parce l’œuvre déborde sur plusieurs champs». Aujourd’hui, à défaut d’exposition, ce sont celles qui se sont procurées le livre qui nourrissent sa messagerie d’e-mails touchants. Reportage Joël BARCY «Je vous écris avec la chair des mots» de Michaël Serfaty paru chez Arnaud Bizalion Editeur -Photographie et texte : © Michaël Serfaty-agence Révélateur

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