Livre. Pierre-Paul Calendini : ‘Un berger corse en mission auprès des jeunes d’Aix-en-Provence’: 40 ans au service de la jeunesse.

Publié le 18 octobre 2022 à  22h03 - Dernière mise à  jour le 11 juin 2023 à  17h55

C’est un début d’automne encore très doux. Au loin, par-dessus les toits, la lumière du jour décline lentement. Gardanne semble dormir. Quelques passants distraits plongent le nez dans les nuages. D’autres, un verre à la main, refont l’histoire de la cité minière. Tout est calme. Caroline Gora, Présidente de l’association féministe Egali-terre, patiente, quant à elle, dans la salle rougeâtre de la brasserie les « 3 cafet ». A ses côtés, Mathilde Groselle, écrivaine et musicienne, jette un regard curieux sur la pièce. On y reconnaît encore Christine Guglietta, assistante de direction au sein de l’ensemble scolaire Saint Louis-Sainte Marie de Gignac-la-Nerthe, mais aussi une foule d’adolescents, tous venus pour entendre Pierre-Paul Calendini présenter son livre « Un berger corse en mission auprès des jeunes d’Aix-en-Provence » paru aux éditions «La petite barque des artistes».

Pierre-Paul Calendini © R.B.
Pierre-Paul Calendini © R.B.

Président de l’amicale Corse d’Aix-en-Provence durant près de 30 ans, citoyen d’honneur de la ville, Pierre-Paul fut surtout ce cadre éducatif, qui, œuvrant au cœur du Collège Saint Joseph, laissa une trace absolument indélébile.

D’emblée, le discours du pédagogue tranche avec la morosité et le pessimisme de notre époque. «Non, assène-t-il, la jeunesse actuelle n’est pas perdue. Bien au contraire, cette génération possède des capacités d’éveil très importantes. Mon livre veut refléter cette espérance» .

Un souffle d’air frais emplit alors la brasserie. La porte d’entrée s’ouvre, laissant pénétrer comme un sifflement venteux. Les plus jeunes spectateurs, émus, passent outre cette légère interruption. La force des mots de Pierre-Paul Calendini est touchante. Jamais, peut-être, une telle foi en la jeunesse n’avait résonné avec autant de sincérité.

Marquée par le Covid, la crise économique, la précarité, les désastres écologiques et depuis quasiment un an la guerre sur le sol meurtri de l’Europe, nos enfants subissent par la même occasion une dévalorisation permanente. Accusée par leurs aînés -ceux qui précisément ont connu la paix, le triomphe de la Démocratie et la fin de la dictature communiste- d’être aussi incultes qu’ irrécupérables, la jeunesse est un chaudron dont l’explosion est imminente…

«Je veux renouer avec la transmission, sourit avec bienveillance Pierre-Paul Calendini. L’écriture, pour moi, permet de faire partager une expérience à la fois personnelle et collective.».

L’ouvrage évoque ainsi ces «herbes sauvages» , ces élèves dont les fragilités intimes ont aiguisé chez le pédagogue un «capital patience» destiné à «faire circuler durablement la parole». Compréhension et gestion du conflit, «posture diplomatique», l’auteur avoue être un «funambule» de l’éducation.

Le livre regorge, dès lors, d’anecdotes, parfois croustillantes, comme celle où un élève, incapable de retenir un besoin irrépressible, trouve le moyen de soulager ses intestins en plein cours d’arts plastiques…

Au-delà de l’étonnement, le lecteur est saisi par l’humanisme de l’éducateur. Chaque acte pédagogique posé par Pierre-Paul est tendu vers un but : le bien être et l’épanouissement de la jeunesse. Jouant entre autorité et dialogue, notre auteur parvient à légitimer ce «verbe structurant», celui de l’adulte, auprès de jeunes gens en difficulté psychologique ou sociale. Réparer les blessures, valoriser, donner du sens aux choses et à la vie, être finalement ce «Re-Pére» que l’on n’attend plus, telles sont les «missions» portées par Pierre-Paul Calendini.

Ce travail ne peut cependant être compris sans référence aux racines du pédagogue. Peut-on, en effet, se «donner» sans être soi-même pleinement entier ? Pierre-Paul tire le vin de son engagement d’une dimension particulière de l’être : sa «corsitude».

Le roman est en ce sens une déclaration d’amour à l’île de beauté. Des courgettes écrasées, un filet d’huile d’olive, du vin rouge à 15 degrés, des beignets au brocciu, la Corse est intimement charnelle. La plume de l’écrivain nous entraîne dans ces marches, ces retours aux sources, où durant les vacances, s’allume un feu de nostalgie. «Cocon de douceur», «espace boisé taillé au couteau», vieille gravure où les ancêtres et la famille suspendent un peu le temps, les qualificatifs pour décrire le pays natal sont chargés de poésie.

Pierre-Paul Calendini cite, du reste, «l’Automne», le poème, non pas de Lamartine, mais du belge Émile Verhaeren. Lorsque «le vent retrousse au cou des pigeons bleus/ Leurs plumes», on s’interroge mélancoliquement sur «le pouvoir des mots».

La Poésie, si présente dans l’ouvrage, charrie entre ses lignes toute une mémoire méditerranéenne. De la photo de 36 où, devant «le café des amis» le village entier célèbre, poing levé, le Front populaire, en passant par le «match du siècle» entre Bastia et Zurich, en 1978, l’introspection poétique ouvre un chemin tissé de force et de sagesse.

«L’écriture de Pierre-Paul, affirme son éditeur Lionel Parrini, porte son attention sur le visible comme sur l’invisible. On comprend à la fin du voyage pourquoi le pédagogue s’engage avec passion. Et cela demeure bouleversant».

Vêtu d’un élégant pull à col roulé noir, Lionel Parrini, par ailleurs coach en écriture, poète et dramaturge, captive, avec une voix profonde, un public déjà largement conquis. «J’ai été touché par la sensibilité de Pierre-Paul, poursuit-il, son humanité palpable. Ce livre est la preuve que l’on peut être sur deux territoires . J’irai même plus loin. On peut les aimer simultanément. Avec une puissance égale et sublime».

Le soir envahit peu à peu les ruelles du vieux Gardanne. Dehors, le temps est toujours doux. Une jeune femme en robe noire lève les yeux vers une fenêtre jaune. De la musique classique, le premier mouvement du Concerto pour piano numéro 20 de Mozart, flotte depuis le petit appartement. «Tu sais chuchote Lionel, tout est tellurique : la littérature, les souvenirs, l’engagement, l’identité, la poésie. Mais si ton amour n’embrasse pas le ciel et la terre, si tu n’es pas d’ici et de là bas, alors….c’est que tu meurs lentement…».
Raphaël RUBIO

«Un berger corse en mission auprès des jeunes d’Aix-en-Provence» de Pierre-Paul Calendini est disponible en commande auprès de l’éditeur «la petite barque des artistes» à l’adresse suivante lpbarque@gmail.com

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