Marseille. Entretien: Frank Tortel entre Synergie et Épopée

Publié le 3 mars 2021 à  7h30 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  14h58

Frank Tortel -co-fondateur avec Laurent Choukroun de Synergie Family- présente son association, la richesse de sa philosophie et invite à découvrir ce qui, si la crise sanitaire le permet, deviendra dans deux ans le Village de l’Épopée*. Son association fait partie des fondateurs du site avec « MCES » « Make ICI » et Etic.

Frank Tortel co-fondateur de l’association Synergie Family (Photo Mireille Bianciotto)
Frank Tortel co-fondateur de l’association Synergie Family (Photo Mireille Bianciotto)
son_copie_petit-472.jpgFrank Tortel, vous êtes co-fondateur de l’association Synergie Family, la ministre, Olivia Grégoire est venue la visiter. Pourquoi ce choix, en quoi votre association est-elle innovante et unique ? Synergie Family, est une association qui, depuis très longtemps œuvre sur le champ de l’enfance, de l’éducation, sur le champ périscolaire et extra-scolaire et puis sur l’accompagnement des jeunes vers un métier, vers la révélation de leur talent et de leur potentiel. Synergie Family, a souhaité, ici, au sein du village de l’Épopée, créer un lieu, qui soit unique en France, sur lequel on puisse retrouver la totalité des acteurs qui traitent de ce champ, que représente l’innovation éducative. Aujourd’hui, on a besoin de créer de nouvelles méthodes. On a besoin d’utiliser de nouveaux outils, pour nos enfants, nos jeunes et même nos adultes qui ont envie, à un moment donné de partir vers un autre chemin, de se révéler, eux-mêmes, de changer de métier. Mais, comment le faire? Avec quels moyens ? De quoi suis-je capable? Voilà ce que Synergie Family peut déployer: de l’innovation éducative et inclusive puisque nous traitons aussi des questions d’insertion et de handicap. Puis, il est important de rappeler que Synergie Family n’est pas le seul opérateur de ce village d’Épopée, l’Épopée se construit autour de 4 fondateurs qui sont, MCES, un club international de l’e-sport, Make ICI au travers d’ICI Marseille, déclinaison locale d’ICI Montreuil, propose un parc de machines et des formations pour aider les entrepreneurs du « faire ». Puis il y a Etic, une foncière solidaire qui est spécialisée dans la création et la gestion de ce type de tiers lieu.
Plan du Village de L’Épopée (Photo Mireille Bianciotto)
Plan du Village de L’Épopée (Photo Mireille Bianciotto)
Le village de l’Épopée est dans les anciens locaux de Ricard à Sainte-Marthe maintenant géré par les 4 associations, avec quel financement ? C’est un projet qui est, évidemment complexe et le montage financier n’est pas si simple que ça, mais s’il fallait le décrire, une partie vient des fonds propres des 4 fondateurs, une partie vient des banques et des investisseurs, la dernière partie sera celle de la subvention apportée par les différentes collectivités territoriales ou l’État. Comme on a pu voir avec la visite de la ministre Olivia Grégoire, potentiellement, l’État viendra aussi nous aider financièrement pour la réalisation et le montage de ce projet.
Entrée actuelle du Village de l'Epopée (Photo Mireille Bianciotto)
Entrée actuelle du Village de l’Epopée (Photo Mireille Bianciotto)
Vous étiez invités, en Préfecture, pour le déplacement à Marseille d’Olivia Grégoire, secrétaire d’État à l’Économie sociale et solidaire. Quelle est la fiche d’identité de Synergie Family, sa date de création, son capital de départ et ses salariés rémunérés? Voilà une question qui pourrait être inadaptée à ce qu’est Synergy Family mais je vais m’en expliquer. Synergie Family n’est pas une entreprise mais une association. Ce qui signifie qu’il n’y a pas de capital de départ mais juste un capital humain, c’est à dire une vraie volonté et au départ, la volonté de ces 2 co-fondateurs, qui, bénévolement, ont créé cette association sur un principe simple: le sport, les arts, la culture et l’animation qui peuvent être des outils fantastiques pour traiter de problématiques publiques, sociales. Donc, Synergie Family a choisi, au travers de ces bénévoles, à l’origine, il y a un peu plus d’une dizaine d’années, d’intervenir auprès des publics un peu fragilisés. Laurent Choukroun, mon binôme et moi-même, avions juste cette volonté de pouvoir agir sur certains quartiers parce que cela nous passionnait, nous sensibilisait. Et je crois que, petit à petit, notre action a été appréciée. L’activité de Synergie a commencé à croître, un peu indépendamment de notre volonté. C’est là qu’est arrivé le premier salarié de l’association, puis le deuxième, le troisième…

«Des expériences à forte valeur éducative»

Ce n’est réellement qu’à partir de 2014, avec la mise en place des activités périscolaires sur Marseille, que nous avons été sollicités par la Ville pour apporter un soutien, dans la construction du projet . Nous nous sommes pris au jeu, dans un dispositif qui était largement décrié à l’époque. On a rapidement considéré, qu’on se trouvait, nous et nos animateurs, dans un lieu, hyper-fonctionnel, pour les enfants, celui de l’école, avec moins d’enfants qu’un enseignant et une liberté pédagogique totale. On s’est dit que nous avions là un merveilleux système pour créer, pour les enfants, des expériences à forte valeur éducative. Nous avons considéré que nous avions là encore un temps sur lequel nous pouvions apporter une vraie plus-value, une vraie complémentarité à l’école et à la vie familiale. Voilà ce qui a commencé à nous passionner et je crois que nous avons été plutôt efficaces dans la mise en œuvre de ces activités périscolaires puisque aujourd’hui, encore, nous en sommes à gérer, environ, 140 écoles, sur Marseille et donc tous les enfants qui fréquentent nos activités périscolaires, voilà, un peu l’étymologie, aujourd’hui, Synergie Family qui, aujourd’hui, compte un peu plus de 500 salariés.

«On a appelé ce temps le temps expérientiel»

Vous avez ce cœur de métier qui est la pédagogie. Quelle est votre position par rapport à la pédagogie de l’Éducation Nationale et celle de l’éducation périscolaire? Je ne suis pas sûr d’avoir un avis à donner ou que je sois le meilleur pour le faire sur la pédagogie de l’école. Ce qui m’importe plus c’est de considérer le temps qui est le nôtre de présence avec les enfants, temps qui est quasiment supérieur au temps scolaire. N’a-t-on pas, à un moment donné, la responsabilité de valoriser ce temps que l’on partage avec les enfants ? La réponse, pour nous est oui. On a appelé ce temps « le temps expérientiel ». Il n’est pas le temps normé de l’école, de la famille ou du bureau. C’est le champ sur lequel on intervient, nous, Synergie Family, et tous les autres acteurs de l’Épopée, c’est le temps de loisir, c’est ce temps-là qu’on cherche à valoriser par la création d’expériences à forte valeur éducative.

«Le petit chevalier qui ne voulait plus parler»

Concernant la formation de l’enfant, on entend ce scandale et, à la fois, cette parole libérée, sur l’inceste, sans oublier le problème des violences intra-familiales qui ont augmenté pendant le confinement. Est-ce que vous avez une tâche pédagogique envers les enfants dans ce domaine-là ? Effectivement, c’est une actualité qui défraie la chronique et qui ne manque pas de m’attrister. Nous avons, à Synergie Family, travaillé à certaines des réponses possibles à ces questions. Comme chaque fois, si Synergie Family décide de traiter ces questions-là, c’est de manière différente, ludique et pédagogique. Il y a 2 ans nous avons initié la création d’une compagnie de théâtre qui s’appelle la « compagnie de l’éclair ». Elle a fait le choix d’embaucher, à temps plein, des comédiennes professionnelles qui ont pour mission d’écrire des pièces, d’utiliser les outils numériques, de créer des choses qui sont en rapport avec certaines thématiques complexes. Le premier travail de cette équipe a été d’écrire une pièce qui traite des violences et abus sexuels sur les jeunes enfants. C’est une pièce pour les enfants qui s’appelle «Le petit chevalier qui ne voulait plus parler». Elle permet à chaque enfant d’apprendre comment dire non et comment libérer la parole de l’enfant sur ces questions qui sont évidemment prégnantes et omniprésentes dans nos esprits. Le deuxième travail est plus tourné vers l’adulte. Mais toujours, sur des questions qui sont d’une brûlante actualité. La deuxième pièce qui s’appelle «Les mots bleus» est une pièce qui traite des violences faites aux femmes. Pas seulement les violences conjugales mais les violences tout au long de sa vie, celles de la mère à l’enfant, celles du père à l’enfant, celles du frère à l’enfant, celles de l’entreprise, du collaborateur à la femme, celles du mari à la femme, évidemment. Une pièce qui traite sous forme de différents tableaux tous les types de violences auxquels une femme peut être confrontée, tout au long de sa vie. Nous essayons d’apporter des réponses.

«Réalise tes rêves»

Vous avez aussi une action en direction des adultes, quel lien y-a-t-il avec la recherche d’un emploi ou le changement d’emploi d’un adulte ? Si on cherche à créer des expériences à forte valeur éducative pour les enfants, c’est parce que cela leur permet de connaître et de vivre des choses. Par la suite, on a plus facilement la possibilité de savoir ce qu’on aime ou pas, vers où on veut aller, vers où on ne veut pas aller. Cela c’est pour la partie enfant. On a monté plusieurs grands programmes, notamment un programme national qui s’appelle, «Réalise tes rêves», qui a été lauréat du Plan investissement dans les compétences, «100% inclusion», (du Ministère du Travail NDLR) c’est un programme qui vise à aller chercher des personnes qui sont éloignées de l’emploi et notamment, des jeunes. Il a, pour objectif, de travailler la confiance en soi, l’estime de soi et de révéler les potentiels et les talents pour les transformer, par la suite, en une activité professionnelle pérenne. Il y a tout un pan de la population que l’on pourrait considérer comme inadapté à un emploi classique, à ce qui existe aujourd’hui. Mais on s’aperçoit qu’on a demandé à trop peu d’entre eux ce qu’ils voulaient faire et que l’on en a accompagné trop peu vers ce pour quoi ils étaient doués.

Meet my Mama: la compétence culinaire de toutes ces mamas, qui savent cuisiner qui ne travaillent pas, qui ne gagnent pas d’argent…

Parlez nous de l’Épopée et de Meet my Mama. De quoi s’agit-il? L’Épopée a vocation à faire venir le meilleur et à attirer les meilleures inventions. On a fait une rencontre fantastique, dans le cadre de l’Épopée, c’est la rencontre avec une start6up qui s’appelle «Meet my Mama», qui officie, en Île de France. Elle a pour objectif de partir de la compétence culinaire de toutes ces mamas, qui savent cuisiner, qui ne travaillent pas, qui ne gagnent pas d’argent. On part d’une formation sur leurs compétences culinaires et on parvient à développer, autour de cela, un modèle économique, pour elles. Et cela change la vie dans un foyer où il y a un deuxième salaire et une Mama qui gagne de l’argent avec quelque chose qui la passionne et qu’elle a toujours fait mais sans pouvoir imaginer que cela pouvait être un travail. A partir du moment où on met cela en valeur et où on s’aperçoit qu’on peut gagner de l’argent, avec quelque chose que l’on sait faire, depuis toujours, c’est juste une petite poussée, qu’on leur donne. Une petite pichenette qui finalement, amorce, pour elles, une nouvelle vie, une nouvelle représentation des choses et la possibilité de se réaliser. Et j’entends des histoires avec Meet my Mama passionnantes, des mamas qui font de la cuisine, pour des banquets de 2 500 personnes, qui font de la cuisine gastronomique, qui livrent, elles-mêmes, leurs repas, dans des entreprises et qui ont la possibilité d’expliquer leur travail au moment où elles les livrent. Bref, une autre vie qui s’offre à elle. C’est le projet, ici, à l’Épopée, Meet my Mama va ouvrir sa première antenne, hors Île de France, avec nous, et on va travailler, sur les territoires, à aller chercher toutes ces compétences et tous ces potentiels chez les Mamas du territoire marseillais, toutes celles qui veulent venir et exprimer leur talent, ici, à l’Épopée, seront les bienvenues. Et, bien sûr, les Messieurs, aussi. « Meet my Mama, c’est un nom, mais, évidemment qu’il n’y a pas de sélection féminine exclusive. [(son_copie_petit-472.jpgEntretien avec Frank Tortel co-fondateur de Synergie Family 210205-001_franck_tortel.mp3)] Propos recueillis par Mireille BIANCIOTTO [(*Installé dans les anciens locaux de la société Ricard, au cœur des quartiers Nord de Marseille, l’Épopée est un lieu unique en France. Révélateur de talents et accélérateur de rêves, il est dédié à l’innovation éducative et inclusive. Salle de spectacle vivant immersive, aire de jeu indoor ludo-éducative, restaurant expérimental, lieu d’hébergement, start-up à impact…)] [(

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Marseille – Valeurs sociales et humaines avec l’association Synergie Family par Marc La Mola)]

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