Publié le 30 novembre 2019 à 9h39 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h27
Poursuivant son cycle Beethoven après le succès de la 9e symphonie, Lawrence Foster, directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Marseille, proposait à l’Opéra une seconde soirée symphonique dévolue aux œuvres du compositeur, dont on célébrera l’an prochain le 250e anniversaire de la naissance.
Dès les extraits des «Créatures de Prométhée» qui ouvraient le concert, l’exigence sonore et la hauteur de vue du chef étaient posées. Cohérence des cordes encore resserrée par une disposition où les 1ers violons étaient encadrés par violoncelles et contrebasses, contrôle et maîtrise sans faille des plans sonores, tels étaient d’emblée les qualités de direction qui firent de ces trois passages du ballet une entrée en matière magnifique, de l’ouverture au fameux thème ultérieurement réutilisé dans la symphonie héroïque, en passant par un mouvement étonnant mettant en valeur les fort belles capacités solistiques de plusieurs musiciens de l’orchestre, le chef expliquant d’ailleurs au public son amour pour cette page rare. Le traditionnel concerto, ici le 3e en ut mineur, permettait ensuite à la pianiste Clelia Cafiero, nommée cette année cheffe assistante de l’orchestre, de montrer ses qualités de musicienne en tant que soliste. Se détournant d’une lecture pianistique dense, et assumant du coup le contraste avec la couleur orchestrale, son jeu optait bien plus pour une interprétation légère et transparente, d’une grande vitalité et d’une fréquente liberté de phrasé. Servant une atmosphère de recueillement dans le 2e mouvement, la musicienne concluait le concerto en entraînant l’orchestre dans un dialogue où les traits eux-mêmes s’enroulaient rapidement comme autant de cadences ondulantes. Une approche parfois surprenante, pimpante et très digitale, qui étonnamment s’est retrouvée de la même manière dans ses deux bis, pourtant d’époques bien différentes : le «Tic-toc-choc» de Couperin, puis les «Étincelles» de Moszkowski. La seconde partie de la soirée, entièrement consacrée à la 3e symphonie de Beethoven, offrit encore aux auditeurs un grand et très beau moment beethovénien. Tout au service de la partition -qu’il présenta pour la faire «saluer» à la fin du concert-, Lawrence Foster confirma son indiscutable dimension artistique. Outre la tenue magistrale de son orchestre, jusqu’à la mise en place impeccable de plusieurs passages exigeants (début de la marche funèbre , entre autres), et toujours dans un soin permanent de l’image sonore de sa formation, il s’inscrivit dans la noble tradition des interprétations beethovéniennes de premier plan, en sachant ouvrir dans la structure formelle de fréquents moments lyriques ou en jouant avec une virtuosité ludique de la prolifération thématique caractéristique du compositeur. Ce sont le drame et la vie qui circulaient dans cette version, justement acclamée par un public captivé par ce Beethoven toujours actuel, servi par un orchestre marseillais que son directeur musical sait amener vers un haut niveau de qualité.
Philippe GUEIT