Marseille. « Le Pain à l’Ail »: un concept gourmand placé sous le sceau de la cuisine provençale

Publié le 4 juin 2020 à  12h30 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h36

Marseille fin avril, un peu plus d’un mois que le confinement nous tient. Et ce qui était une corvée et laissait toujours échapper un soupir devient un espace de liberté: faire les courses. Dans ce contexte, nos pas prennent le temps, on regarde, on respire ce silence qui s’est installé. Attendre dans une file pour acheter son pain, lever la tête pour admirer quelques façades… Je déambulais tranquillement -m’en fous, j’ai mon attestation- devant l’opéra quand une pancarte attire mon regard: « Pain à l’ail ». Le confinement et les visioconférences n’ont pas tari mon envie d’en savoir plus, je décide donc de m’engouffrer dans la rue de la Tour -ex rue de la Mode- pour découvrir ce « Pain à l’ail » et, j’ai oublié de vous dire que cet intitulé était accompagné de « street food provençale », est-ce à dire « cuisine de rue provençale ». Masque, lunettes de soleil sur le nez, style femme invisible, je me laisse happer par ma curiosité et là, outre un accueil des plus chaleureux, l’inimaginable des saveurs me tend les bras. Des sandwichs surtout mais aussi des plats à emporter (coronavirus don’t forget) à l’aïoli, la daube (sans oublier la daube aux poulpes en prévision) à la bouillabaisse pour ne commencer que par ceux là. Aïoli on peut éventuellement l’envisager, la daube aussi -allons soyons fous- mais la bouillabaisse… Et croyez-moi on vit en live la révolution des papilles.

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Linda Vila Palleja l'âme du
Linda Vila Palleja l’âme du
(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)

C’est incognito que j’ai donc pris le temps de tout goûter, en plusieurs passages tout de même -me fatigue pas, j’habite à proximité- explosion de saveurs, générosité sont au rendez-vous. Et quand on voit mes rondeurs, on imagine aisément que le plaisir de la table est bien dans mes cordes. La rencontre avec celle qui se cache derrière les fourneaux est puissante, la générosité, celle-là même que l’on retrouve dans sa cuisine, déborde de son regard. Linda Vila Palleja est une couturière de la cuisine chaque point est une saveur savamment posée pour donner un tout raffiné, subtil, gourmand. Il est ici question de passion mais aussi de savoir-faire transmis. «J’ai toujours aimé cuisiner, comme ma mère, ma grand-mère, une cuisine provençale mais aussi orientale, généreuse, à base de produits frais», explique Linda qui précise qu’elle n’a pas fait d’école de cuisine se nourrissant de ce riche socle familial pour se former. Mais pas seulement, 6 ans durant, poussée par Hervé son mari, qui a insisté pour qu’elle exerce les talents de sa passion, un restaurant a vu le jour à l’avenue Cantini « Le Jéroboam » , un nom notamment suggéré par le petit frère d’Hervé qui est sommelier, nous raconte Linda. Une expérience riche car elle a tenu à rester en cuisine avec un chef Corse au caractère bien trempé mais «avec lequel j’ai beaucoup appris», tient-elle à ajouter. Puis, c’est la fermeture, Linda prend le poste de chef pendant deux ans au Comptoir aux Huiles, restaurant implanté au cœur du quartier du Panier. Nouvelle expérience qui la spécialisera entre autres en « huiles d’olive »et qui va parfaire son parcours méditerranéen. Résultat, une cuisine pleine de cachet, comment peut-il en aller autrement puisque Linda a commencé sa carrière dans le médical… Puis l’envie de reprendre un restaurant est la plus forte mais, poursuit-elle: «On ne voulait pas reprendre un restaurant conventionnel. Il était bien question de s’adapter à l’évolution dans la manière de déjeuner. Je voulais également le centre-ville de Marseille, chaleureux et populaire pour toucher tout le monde: servir un avocat, un laveur de vitres, un commerçant tout comme les touristes». Et une idée s’est imposée : «Reprendre les plats provençaux mais déclinés en sandwich avec une volonté aussi celle du « fait maison » et une qualité qui puisse être à la portée de toutes les bourses». Et en cherchant un espace qu’elle voulait plutôt petit, le 5, rue de la Tour était libre. Une nouvelle aventure commençait. «Tout avait été refait, je n’avais plus qu’à apporter mon matériel», explique-t-elle. C’était le 22 février 2020. Le Pain à l’Ail venait d’ouvrir et la notoriété du lieu (bouche à oreille) commençait son œuvre. Mais voilà, le 17 mars, le confinement est décrété et avec, la fermeture des restaurants. «Le rideau est resté tiré pendant un mois puis on a pu s’inscrire dans la vente à emporter. Ce qui est d’ailleurs la base de notre projet avec juste quelques tables en extérieur». Le décor est planté. Pour revenir au contenu des contenants, elle insiste sur l’importance du choix des produits en travaillant avec des producteurs locaux: «Il faut que quelque chose se passe pour que je puisse travailler avec quelqu’un, « une osmose » peut-être.» Et d’évoquer ce producteur d’Aubagne qui lui livre chaque matin fruits et légumes de saison, le choix de cet excellent pain façonné par son boulanger meilleur ouvrier de France, installé aux Allées Turcat Méry. Et la même rigueur s’impose dans le choix des poissons et des viandes. Alors, telle une farandole, ce savoir-faire gourmand se décline en farcis végétariens, en une brouillade aux oursins toute en douceur (en fonction de la saison – maintenant c’est trop tard), en sardines délicatement préparées. Et, le « Pan Bagnat », un must qu’il vaut mieux réserver tant il sait concurrencer son collègue niçois. Chaque saison offre ses plaisirs :«Avec l’été nous allons proposer la soupe au pistou, des plats déclinés avec du melon, des salades, les artichauts à la barigoule… Sans oublier le « Panier Provençal » symbole de la convivialité pour un apéritif à partager avec focaccias, pains à l’ail (indescriptibles), panisses, anchois frais, petites tomates, grosses câpres, olives, tapenade, etc.»
(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)

Linda rappelle que ses deux plats signatures sont l’aïoli «qui unit cabillaud, légumes frais: haricots verts, pommes de terre, chou-fleur, carottes et l’œuf. Puis, on tartine d’aïoli les 2 côtés du pain et, on ajoute un petit pot à emporter pour les gourmands»; et la daube «qui mijote, à feu doux, pendant 48 heures et qui est accompagnée d’une polenta cremosa». Elle en vient au sandwich à la bouillabaisse: «mon mari m’en a parlé dès le départ. J’avoue que j’étais réticente car, pour moi, la bouillabaisse c’est un rituel, on touche au sacré. Il insiste. Je teste mon sandwich sur des amis à la maison qui ont adoré. Au niveau des poissons, j’ai fait des choix du Saint-Pierre ou encore le rouget barbet en fonction des arrivages.» Et, pour finir, vous prendrez bien un dessert: «Je fais tout, souligne Linda, de la chantilly, aux tartes aux fruits en passant par les pains perdues et autre fiadone (des Corses ont testé alors …). Les seuls desserts que je ne fais ce sont les yaourts que je prends au seau à la « Laiterie Marseillaise », rue Sainte et les glaces « Emki Pop » aux fruits de saison». La qualité a toujours gain de cause et le succès du « Pain à l’Ail » est franchement justifié et mérité. Et pour le « Pain à l’Ail », le jour d’après est dans les tuyaux. «Notre objectif est de former, transmettre le savoir-faire, dupliquer, ouvrir dans plusieurs villes à Paris notamment et pourquoi pas New York plus tard par exemple». Effectivement, il vaut mieux attendre (sourire). «Mais aussi, s’installer dans les salons pour représenter la cuisine Provençale. Nous sommes également traiteur autrement avec nos spécificités…». Voilà.
Patricia MAILLE-CAIRE
« Pain à l’Ail » au 5, rue de la Tour -Marseille (1er) – Du lundi au samedi de 8 heures à 18 heures (service continu) – Tél: 09 51 98 23 71 –

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