Marseille. Macha Méril joue « Sorcière » de Duras aux Bernardines : un oratorio à la gloire de toutes les femmes

Publié le 9 octobre 2021 à  14h22 - Dernière mise à  jour le 1 novembre 2022 à  16h40

C’est un spectacle réussi, fin et intelligent. Unique aussi. Car si on joue beaucoup les pièces de Marguerite Duras, on donne que très rarement ses textes sur scène. Avec la fougue qui lui est coutumière, Macha Méril s’y est employée pour offrir ce «Sorcière» au final très représentatif de l’engagement féministe de celle qui avec « L’amant » a obtenu un succès mondial.

Macha Méril dans un premier seul en scène pour célébrer la prose et l’univers de Marguerite Duras @Gascuel
Macha Méril dans un premier seul en scène pour célébrer la prose et l’univers de Marguerite Duras @Gascuel

Cet aspect de l’œuvre de Marguerite Duras peu souvent mis en avant Macha Méril le magnifie avec force et élégance. Sorcière rassemble des textes connus ou confidentiels de l’écrivaine dont certains, parus dans la revue littéraire Sorcières, en 1975, qui sous-titrée « Les femmes vivent» fut créée par Xavière Gauthier et qui disparut en 1982. «Dans la lignée de celles qui, au Moyen Âge, chantaient sous la lune, dans les forêts, et étaient brûlées pour ça, les mots de Marguerite Duras sanctifient l’intelligence, la parole libre des femmes», est-il précisé dans les notes d’intention du spectacle. « Le fil conducteur de « Sorcière », nous dit Macha Méril est cette appréhension directe du monde qu’ont et qu’ont toujours eue les femmes. A tous les âges et à toutes les époques.»

Ce sont les événements de sa propre vie que Duras met en lumière ici pour bâtir «un chemin original et vibrant qui la relie aux extras-lucides et aux poètes». Les femmes comme miroir et comme révélateur, les femmes dans la joie et dans la souffrance, pas toujours là où on les attend, femmes dans la joie ou dans les larmes, la souffrance ou la félicité, elles sont toutes présentes dans des scènes assez courtes. De la prose incandescente tirée de «Baxter, Vera Baxter» (le film, «Les parleuses» Marguerite Duras et Xavière Gauthier chez Minuit), «Les lieux de Marguerite Duras» (entretiens avec Michelle Porte), «Outside», «Écrire », «Le monde extérieur», «La vie matérielle», revue L’Archibras du 2 octobre 1967, «Détruire-t-elle», et au final une bande sonore INA où Duras apparaît dans une présentation de la fin du monde.

Sur un plateau nu, avec des lumières magnifiques signées François Druet, Macha Méril dialogue aussi avec la musique de son époux Michel Legrand et la voix off de Marguerite Duras, toujours présente. Un spectacle intense mis en scène par Stéphan Druet qui a déjà donné la pleine mesure de son inventivité lorsqu’il a monté «Ta bouche», l’opérette en trois actes de Maurice Yvain, Albert Willemetz et Yves Mirande que l’on a pu voir au Jeu de Paume d’Aix du 21 mars au 9 avril 2006. Jamais le metteur en scène ne surligne les choses, son travail racontant autre chose, avec au centre cette prose de Duras qu’il laisse entendre avec fluidité visuelle.

Macha Méril une « Sorcière » pas comme les autres

Dans ce qui est son premier seul en scène Macha Méril, tantôt debout, souvent assise, parfois allongée sur un tapis, toujours jouant avec empathie et résilience emplit l’espace, s’imposant comme la porte-voix de Duras et de ses semblables. «Sorcière» unique et pas comme les autres… au sens où on entendait ce mot dans la revue de Xavière Gauthier, elle signe un oratorio à la gloire de toutes les femmes où il est montré aussi qu’«Écrire c’est rendre lisible l’illisible». L’univers de l’écrivaine qu’elle a connue se trouve ainsi éclairé «dans ce qu’il a de plus vrai, de plus audacieux, de plus féminin». Pour un moment de théâtre magique, et essentiel.
Jean-Rémi BARLAND

«Sorcière» de Marguerite Duras avec Macha Méril. Mise en scène de Stephan Druet. Jusqu’au 16 octobre au Théâtre des Bernardines – 17, boulevard Garibaldi 13001 Marseille. Du mardi au samedi à 20h. Le mercredi 13 octobre à 19h.

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