Marseille – On a vu au Gymnase, une tornade immobile nommée Blanche Gardin

Publié le 8 février 2019 à  19h40 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  20h48

Blanche Gardin : une sorte de Gaspard Proust au féminin. (Photo Kalel Koven Hans Lucas)
Blanche Gardin : une sorte de Gaspard Proust au féminin. (Photo Kalel Koven Hans Lucas)

C’est le spectacle le moins coûteux en mise en scène et décors qui se puisse concevoir. Pour la simple et bonne raison qu’il n’y en a pas ! Économie de moyens absolue donc, mais on sait depuis Gaspard Proust qu’il n’est pas nécessaire de s’agiter sur les planches pour créer néanmoins l’événement et embarquer le spectateur dans un monde à l’humour caustique qui fait mouche. Blanche Gardin en est un autre exemple frappant. Coiffée de manière sévère, habillée d’une longue robe grise, corsetée, très «Couvent des oiseaux», elle déboule et se plante devant un micro. Ce sera le seul mouvement qu’elle fera de la soirée, Blanche Gardin déroulant par la suite un long monologue, tenu par une femme de 41 ans, hétérosexuelle célibataire hantée par le sexe, luttant avec sa solitude et sa misanthropie. C’est totalement irrévérencieux, c’est grossier trash, mais jamais vulgaire et suivant le principe du qui aime bien, châtie bien (ou plutôt ici qui aimerait bien pouvoir aimer, et punir en conséquence), les hommes sont les principales victimes des discriminations balancées en salves massives. Exemple : « Moi, je suis devenue une femme le jour où j’ai couché avec un mec marié. C’est la vision de la main du mec, avec l’alliance entre tes cuisses, qui fait devenir une femme. Il faut préciser d’ailleurs que c’est pas le doigt qui est bagué qui doigte et je pense d’ailleurs que c’est pour ça qu’on met l’alliance au quatrième doigt. Parce que c’est le seul doigt qui n’a aucune chance de se retrouver dans une chatte. Et donc aucun risque que l’alliance soit souillée par la mouille de la maîtresse.» Ambiance ! Rires ininterrompus de la salle, quelques « oh » qui fusent, comme pour souligner « elle ose !», joie du public du théâtre du Gymnase de Marseille qu’elle avait prévenu qu’elle ne le ménagerait pas, et à qui elle avait dit au départ : « Je vous préviens j’ai pas dormi, car je suis logée dans un hôtel sur le Vieux-Port qu’ils ont décidé de nettoyer entre une heure et quatre heures du matin.» Une insomnie provoquée et salutaire au regard de l’énergie déployée au micro. D’une voix un peu perchée, d’un ton presque monocorde, Blanche Gardin explique combien «les hommes sont bêtes et les femmes méchantes». Et de l’illustrer avec moult exemples où les cibles visées seront entre autres les ébénistes ou les anesthésistes dont les actions sont décrites dans un langage très visuel. Et très écrit, puisque ce stand-up vachard recèle de pépites stylistiques. Et, qui dit rapports aux hommes évoque ceux avec la famille. «Outre sa coiffure, ma mère partage avec Donal Trump le fait de pouvoir dire sans retenue tout ce qui lui passe par la tête.». Au bout du compte, à bien l’entendre le spectacle de Blanche Gardin évoque des sujets graves sur le ton burlesque. On disait au début qu’il y n’y avait pas de mise en scène. Ce parti-pris (génial) on le doit à Maïa Sandoz, comédienne qui a monté beaucoup de pièces signées Paravadino et Lagarce. Et au regard du résultat on peut dire qu’elle a fait un bon choix. Elle fait tout à coup sonner la fin de la récréation à Blanche Gardin qui nous prévient que le spectacle est fini, nous remercie de notre venue, et qui prend congé après un bref salut. Le public tape dans les mains, Blanche ne reviendra néanmoins pas. Aucun rappel, aucun regret. Un peu là encore à la Gaspard Proust. On s’en va alors, en quittant le Gymnase en s’étant régalés.
Jean-Rémi BARLAND
Au gymnase de Marseille, ce vendredi à 20h. plus d’info lestheatres.net/

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