Marseille. On a vu au Théâtre Silvain : « Pourvu qu’il soit heureux » la comédie de mœurs de Laurent Ruquier où il lance un touchant « Haro sur l’homophobie ! »

Publié le 2 juillet 2019 à  10h10 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  12h00

Louis Le Barazer, Fanny Cottençon et Francis Huster dans
Louis Le Barazer, Fanny Cottençon et Francis Huster dans

C’est ce que l’on peut appeler du théâtre d’idées. Entendez par là que Laurent Ruquier, l’auteur de «Pourvu qu’il soit heureux» signe ici une comédie didactique, où il veut avant tout faire passer des messages de tolérance et de droit à la liberté. Alors les personnages lancent des discours, confrontent leurs points de vue, échafaudent des hypothèses. En tirent des conclusions, et parviennent à s’accepter dans leurs différences. Hypothèses disions-nous. Le mot convient parfaitement puisque la première partie de la pièce en présente deux différentes où les rôles s’inversent. Dans la première le père Maxime (Francis Huster) s’emporte contre l’homosexualité de son fils qu’il vient de découvrir par la presse en achetant les journaux people du jour. La mère interprétée par Fanny Cottençon acceptant au contraire que Camille leur fils (extraordinaire Louis Le Barazer), puisse aimer qui il veut comme bon lui semble. On pourrait même l’entendre chanter en avocate de son garçon «Gay marions-nous» d’Anne Sylvestre, chanson drôle et iconoclaste dont Laurent Ruquier est fan. Noir sur la scène, et quand les lumières reviennent (celles de Jacques Rouveyrollis -excusez du peu-) les réactions sont inversées. Le père n’émet aucun jugement négatif tandis que son épouse quasi en pleurs refuse la situation. Des dialogues de présentation similaires pour fixer les choses et un déroulé dialectique en forme de thèse antithèse synthèse. Synthèse justement dans la réalité quelques minutes après le couple ayant abrégé son séjour-villégiature à Concarneau pour venir s’expliquer avec Camille qui reçoit d’ailleurs volontiers ses parents chez lui à Paris, là où il semble ne jamais être venus. S’ensuit un affrontement musclé où l’hypothèse 1 ayant triomphé le père secoue verbalement son fils. Ce dernier qui résiste raconte sans sourciller et avec pas mal d’humour comment il est tombé dans les bras et a entraîné dans son lit son amant Charles Lefebvre, acteur très connu (d’où les photos en sa compagnie dans cette presse friande de scandales). Différence d’âge, le comédien est plus âgé, intrépidité du plus jeune qui a détourné son amant d’une hétérosexualité qu’il pensait immuable, découverte que Camille au prénom épicène a collectionné les aventures d’un soir, il n’en faut pas davantage à Maxime pour éructer, persifler et charger son fils de tous les maux de la terre. Jusqu’à un épilogue inattendu autant que poignant où Ruquier signera un puissant «Haro sur l’homophobie !»

Steve Suissa permet aux comédiens de s’affirmer en trio gagnant

De facture classique la mise en scène de Steve Suissa excelle à présenter les arguments des uns et des autres et permet aux comédiens de s’affirmer en trio gagnant. Rappelons que Francis Huster rencontra Steve de manière rocambolesque alors que le généreux Francis était juré du Cours Florent. Le chef du jury François Florent en personne d’abord réticent à auditionner ce jeune acteur qui affirmait n’avoir rien lu, acceptera de l’entendre ayant été convaincu par Huster de lui laisser sa chance. Mais tout en organisant un bruit de dingue pour le mettre mal à l’aise. Loin d’être déstabilisé Steve Suissa sortit un revolver et tira deux balles dans le sol. On le flanqua dehors, mais quelle ne fut pas sa surprise d’apprendre cinq jours plus tard qu’il est reçu au Cours Florent. Reconnaissance et amitié s’en suivirent. D’ailleurs ces deux là avaient déjà travaillé ensemble sur la pièce de Laurent Ruquier «A droite à gauche» créée le 15 septembre 2016 au Théâtre des Variétés soit deux ans avant «Pourvu qu’il soit heureux». Une comédie sociale où Francis Huster incarnant Franck Tierson partageait la scène avec Régis Laspallès dans le rôle de Paul Caillard, sous les yeux entre autres de Odile Cohen et François Berland (acteur habitué à l’enregistrement de livres audio à ne pas confondre avec François Berléand). Sur un ton assez corrosif Laurent Ruquier ne mâchait pas ses mots. Et poser là encore des questions. «Comment peut-on être un acteur riche, célèbre et être de gauche ? » C’est ce que se demandent la plupart des gens de droite. «Comment peut-on être ouvrier chauffagiste et voter à droite ? » C’est ce que pensent la plupart des gens de gauche. A quelques mois des élections, la confrontation inattendue entre Francis Huster et Régis Laspalès casse les codes, se joue des stéréotypes, et fait vaciller nos opinions. Avec « Pourvu qu’il soit heureux » pièce écrite en toute connaissance de cause et au sujet de laquelle Laurent Ruquier confie : «Je sais de quoi je parle», l’auteur bien dans ses baskets d’homosexuel (tout comme son jeune héros d’ailleurs) évoque à travers le coming-out de Camille les intolérances de la société en matière de liberté des mœurs, plus fréquentes et nombreuses d’ailleurs que l’on pourrait le supposer. Portée par trois comédiens d’une singulière puissance évocatrice «Pourvu qu’il soit heureux (texte disponible comme celui d’ «A droite à gauche» à l’Avant-scène Théâtre) force volontairement les traits des personnages. La pièce souffre aussi d’un grand didactisme appuyé, mais elle demeure un coup de poing citoyen contre l’intolérance qui jamais vulgaire interpelle, touche et fait réfléchir. Ce qui est plus que méritoire au demeurant. Jouée de surcroît avec de grands acteurs ce qui n’était pas le cas de «La pièce est unanime », pièce catastrophique de Laurent Ruquier donnée par ses collaborateurs d’émission de l’époque tous plus mauvais les uns que les autres. Proposée dans l’écrin du Théâtre Silvain de Marseille, «Pourvu qu’il soit heureux» sera à l’affiche du Toursky de Marseille dans la même distribution le mardi 15 octobre 2019 à 21 heures. L’occasion si on l’a loupée de constater en passant un agréable moment de théâtre que le plaidoyer de Laurent Ruquier pour «accepter les gens comme ils sont » est plus que d’actualité. Et que ne s’adressant pas à la seule communauté gay, mais à tous et toutes il défend une cause juste qui s’en prend avec lucidité à tous les clichés. Et de faire œuvre utile donc !
Jean-Rémi BARLAND

«Pourvu qu’il soit heureux» de Laurent Ruquier. Texte disponible à l’Avant-scène Théâtre. N°1448. 14 €. Au Théâtre Toursky de Marseille, le mardi 15 octobre à 21 heures.

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