Marseille. On a vu au Théâtre du Gymnase François Morel revisiter avec poésie et esprit burlesque les textes de Raymond Devos

Publié le 17 avril 2019 à  8h43 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  23h39

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«Mesdames, messieurs, notre père qui est aux cieux s’ennuyait. Il était de mauvaise humeur. Il était désespéré. C’est bien simple, au paradis c’était l’enfer. Alors le bon Dieu a appelé Saint-Pierre. Il lui a dit : «Saint-Pierre, je m’ennuie. Convoquez-Moi Devos ! » Saint-Pierre a dit : « Euh, pardonnez-moi, mon Dieu, mais Devos, on l’invite, on le convie, si on a de l’argent on l’engage entre deux galas, pour une soirée privée…mais on ne convoque pas Devos ! Devos, c’est plus qu’un artiste, c’est un créateur…. » Furieux Dieu rappela qu’il était le seul Créateur, si bien qu’après bien des palabres avec son second, Dieu obtint la venue de Devos auprès de lui. «Mesdames, messieurs, nous précise-t-on alors, quand Devos est arrivé au paradis avec son chapeau, avec ses bretelles, avec son gros ventre, avec son nez rouge, et tous ses accessoires, il a fait rire tout le monde. « Un look d’enfer ! », s’écriaient les anges les plus jeunes. Fallait les voir, les petits anges, regarder Devos avec béatitude. Ils applaudissaient à pleines ailes. Ils avaient mal au bout des ailes tellement ils applaudissaient. Faut dire que c’est la première fois qu’ils voyaient Devos en chair et en os. Et en os, oui ». Grand émoi au paradis ! Dieu jaloux présenté à Devos ne rit pas et décida au final de le renvoyer sur terre quand ce dernier lui confia qu’il pourrait se remettre à croire en lui. Et le comédien racontant tout cela indique comment il se retrouva lui, face à son Dieu (le Dieu Raymond D.), et courir sur les routes, sur les chemins, dire à tous la bonne parole en clamant haut et fort : «Devos existe, je l’ai rencontré !»
Le comédien en question c’est François Morel qui ouvrit ainsi son spectacle « J’ai des doutes » consacré à l’œuvre d’un humoriste-créateur devenu un classique de la littérature française. (Un maître ès-langage que Bernard Pivot admira tant au point de l’avoir invité dans ses émissions). Au moment de le construire sur l’idée de Jeanine Roze une productrice se rappelant en 2016 que Devos avait disparu depuis dix ans, et que c’était peut-être l’occasion de se souvenir de lui sur les planches d’un théâtre, elle proposa à François Morel une carte blanche un dimanche matin, au Théâtre des Champs-Elysées pour évoquer Devos. Avec son ami et complice Antoine Sahler, pianiste et musicien, il bricola une heure de lecture en musique. Soulignant alors qu’en 2002 il avait écrit une chronique diffusée dans l’émission «Le fou du roi» de Stéphane Bern, dans laquelle il imaginait la rencontre entre Dieu et Devos, (ce dernier avait adoré), François Morel se dit que ce serait une bonne entrée en matière pour sa lecture publique. Devos quittant le paradis, et revenant sur Terre, pour nous entraîner dans son univers, voilà l’idée géniale de «J’ai des doutes», devenu un vrai spectacle, de théâtre, à l’issue du phénoménal accueil du public. Et c’est cet instant merveilleux de poésie, de drôlerie, d’intelligence, de loufoquerie auquel nous avons assisté au Théâtre du Gymnase de Marseille. François Morel accompagné cette fois par Romain Lemire (piano, voix, rôle du clown blanc) subjugua toute la salle. Après son entrée en scène divine que nous évoquions plus haut, le voilà revisitant les grands sketches de Devos, «Caen», «La mer démontée», «Le plaisir des sens», «J’ai des doutes», «Mon chien, c’est quelqu’un» ou encore «Ouï-dire» auxquels il rajoute «Je hais les haies», chef d’œuvre que l’humoriste n’enregistra pas, et qui mis en musique par Antoine Sahler fera l’objet d’une chanson reprise en cœur par le public à la demande de Morel. C’est joyeux, léger et puissant, c’est plein de trouvailles visuelles et sonores, c’est agrémenté de la voix de Devos à Radioscopie de Chancel, et cela donne envie de relire Devos. Et Morel par la même occasion, puisque le texte du spectacle est édité dans la collection «Quatre-Vents» des éditions L’avant-scène Théâtre. Avec «J’ai des doutes » dans les Cieux où il a dû retourner depuis Raymond Devos doit s’en être fendu la poire. Et doit en rire encore.
Jean-Rémi BARLAND
«J’ai des doutes» de Raymond Devos/François Morel. Texte du spectacle édité dans la Collection Quatre-Vents des éditions L’avant-scène Théâtre. 76 pages, 11 €.

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