Marseille : Quand insécurité rime avec « union sacrée »

Publié le 7 septembre 2013 à  22h51 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h17

Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls souhaitait parvenir à une « union sacrée » : il y serait parvenu à en croire le préfet de Région Michel Cadot qui a présidé ce samedi matin en préfecture une table ronde réunissant les principaux élus de Marseille et les services de l’État. Les responsables politiques de tous bords ont affiché leur cohésion pour prendre à bras le corps le problème de l’insécurité dans la deuxième ville de France deux jours après le 15e règlement de compte depuis le début de l’année.

La réunion ce matin en préfecture où les responsables politiques de tous bords ont affiché leur cohésion
La réunion ce matin en préfecture où les responsables politiques de tous bords ont affiché leur cohésion
Un an jour pour jour – à 24 heures près – après le comité interministériel au cours duquel 15 ministres avaient planché sur la cité phocéenne, Marseille était à nouveau sous les feux de la rampe en ce samedi 7 septembre au lendemain du 15e règlement de compte ayant ensanglanté la deuxième ville de France depuis le début de l’année. L’objectif du ministre de l’Intérieur Manuel Valls qui avait initié cette table ronde sur la sécurité : parvenir à « l’union sacrée » des élus de tous bords pour faire face à la violence à Marseille. Cette idée d’un « pacte national  » avait reçu un soutien de poids en la personne du président de la République. Mais aux premières heures la matinée, l’optimisme n’était pourtant pas de rigueur tant les attentes des uns et des autres semblaient inconciliables. Les divergences étaient en effet de taille de Karim Zéribi, député européen et conseiller municipal d’opposition d’EELV, qui suggère d’étudier la possibilité de légaliser le cannabis avec les experts, de ne plus refuser ces études pour des raisons idéologique car: « si l’on casse le business, on peut, peut-être, mettre fin aux assassinats » ; à Garo Hovsépian (PS), maire des 13e et 14e arrondissements, qui estime qu’il faut « relancer la dynamique économique dans des quartiers où 40 à 50% des personnes ne travaillent pas » ; en passant par Samia Ghali (PS), maire des 15e et 16e arrondissements, qui insiste sur le « besoin que l’État nous apporte de l’aide » à l’heure où « des gens m’ont dit qu’ils se protégeaient avec des armes  », ou encore la sceptique Valérie Boyer (UMP), députée de la 1ère circonscription des Bouches-du-Rhône, qui attendait que Manuel Valls « apporte des actes et pas des paroles : que cette réunion soit là pour trouver des solutions, pas pour cacher son insuffisance et son incapacité à régler les problèmes alors qu’il a tout promis à cette ville ». Et si la députée UMP des quartiers Nord en a été pour ses frais car le ministre de l’Intérieur n’avait pas fait le déplacement à Marseille, laissant Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée aux Personnes âgées et à la Lutte contre l’exclusion et candidate aux Primaires citoyennes dans la cité phocéenne, porter seule la parole du gouvernement. Aux alentours de 10h, « l’union sacrée » semblait bien loin.
Pourtant, à en croire le préfet de Région Michel Cadot, un peu plus de deux heures et demi plus tard, du chemin avait été parcouru. « La réunion a été longue. Elle s’est tenue dans un esprit très constructif. Elle a permis à tous les élus présents d’affirmer leur volonté de se mobiliser de manière responsable et résolue sur les questions de sécurité afin d’apporter aux Marseillais des réponses de fond sur une politique de la sécurité dans la durée », assure le représentant de l’État autour duquel étaient réunis les principaux élus de la deuxième ville de France, au premier rang desquels le maire, les présidents du conseil général, du conseil régional, de la communauté urbaine et la ministre marseillaise du gouvernement, ainsi que le préfet de Police, les autorités judiciaires, rectorales et de santé.

« L’objet d’aujourd’hui n’était pas de finaliser un plan mais d’engager une démarche »

« Plus concrètement, nous avons défini une méthode et engagé un certain nombre d’actions », poursuit Michel Cadot. Et d’évoquer, outre les orientations prises lors du comité interministériel ou la politique mise en œuvre par le préfet de Police sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, des « efforts nouveaux ». « Le préfet de Police a rappelé que le ministre de l’Intérieur lui avait fait savoir qu’il envisageait des renforts d’effectifs sur Marseille d’ici la fin de l’année et dans des conditions qui seront définies avec des élus à la suite de cette réunion. De la même façon, des efforts supplémentaires sur la garantie jeune ou sur les emplois jeunes seront mobilisés. Et les collectivités se sont engagées, chacune dans leur domaine, que ce soit sur la police municipale , sur la vidéo-protection, sur les établissements scolaires, collèges, lycées, écoles, que ce soit dans les domaines spécialisés sur le transport, l’hôpital, à participer à des efforts », énumère le préfet indiquant qu’« un certain nombre d’annonces ont d’ores et déjà été faites ».
Enfin, rappelant que « l’objet d’aujourd’hui n’était pas de finaliser un plan mais d’engager une démarche  », il précise : « Nous nous sommes mis d’accord sur une démarche de courte durée  ». « L’objectif est de finaliser de manière concrète un Pacte de sécurité et de cohésion sociale dans les 3 mois, avec une réunion que nous tiendrons dans les mêmes conditions que celles d’aujourd’hui dans un mois et chacun des trois mois », souligne-t-il. Et d’indiquer qu’« un comité de liaison permanent travaillera à la fois sur les dossiers de la sécurité et sur les adaptations d’un certain nombre de dispositifs, de manière coordonnée et structurée avec tous les partenaires ».
Une démarche qui s’étendra également au domaine de la cohésion sociale afin « d’offrir à la jeunesse de ce territoire, notamment des territoires les plus fragiles, des alternatives pour éviter de rester dans le système de la drogue ou d’y rentrer  ». Au menu des « politiques d’occupation » sur les plans sportif ou culturel, mais aussi des initiatives en matière d’emploi, de formation, ou encore afin de favoriser « le retour des entreprises dans les quartiers  ». Et Michel cadot de conclure : « On est dans la continuité d’une part, mais il s’agit en même temps d’une séance assez solennelle dans la mesure où tous les élus ont fait bloc aujourd’hui pour construire ensemble, avec l’État et autour de l’État, cette importante politique de sécurisation et de cohésion sociale, les deux allant ensemble  ».

Jean-Claude Gaudin, Marie-Arlette Carlotti, Michel Vauzelle
Jean-Claude Gaudin, Marie-Arlette Carlotti, Michel Vauzelle

« La sécurité des personnes et des biens relève en priorité de l’État »

S’il affiche son adhésion à « une action commune entre nous en évitant le dénigrement de Marseille », le sénateur-maire de Marseille Jean-Claude Gaudin (UMP) n’a pas pour autant laissé passer l’occasion d’assurer que la municipalité n’était pas restée les bras croisés sur ce dossier. Et d’évoquer ainsi le conseil municipal extraordinaire du 30 mai 2011: « Nous avions pris à ce moment-là des engagements sur la sécurité, nous les avons tous tenus !  ». Sans manquer de rappeler encore que « la sécurité des personnes et des biens relève en priorité de l’État, mais nous contribuons nous aussi à porter notre pierre à l’édifice ».
Aux yeux de Jean-Claude Gaudin, « c’est la drogue qui gangrène nos cités », cette drogue « mise en vente par des gens qui ensuite, sur règlement de compte, se tuent  ». Mais si les Marseillais sont « très inquiets », c’est aussi selon lui à cause d’une délinquance quotidienne « d’une agressivité nouvelle » comme celle « des jeunes qui rentrent chez un buraliste pour prendre des cigarettes et qui le tuent  ». « Cette agressivité-là, elle est davantage ressentie par les Marseillaises et les Marseillais que les règlements de compte entre voyous. Évidemment, tout le monde peut regretter les morts et nous les regrettons aussi. Mais ciblons bien les choses  », insiste-t-il.
Et le maire de Marseille de s’inscrire dans une sorte de donnant-donnant avec le gouvernement. « Si l’État fait des efforts, si le comité interministériel est bien suivi d’effets, alors la Ville de Marseille fera aussi des efforts », promet-il. Et d’annoncer ainsi le recrutement de 100 policiers municipaux supplémentaires en plus des 100 déjà recrutés cette année. Et d’affirmer : « Nous sommes bien sûr dans cette idée d’améliorer les choses tous ensemble et hors des contextes politiques  ».
La ministre Marie-Arlette Carlotti affichait quant à elle sa satisfaction à l’issue d’une réunion dont elle souhaitait la tenue. « Je pense qu’aujourd’hui, cela peut être un tournant pour aborder la lutte contre l’insécurité d’une manière complètement différente. Parce que s’il y a un domaine sur lequel on peut trouver un consensus politique, un rassemblement républicain, c’est bien celui de la sécurité. On aura maintes occasions, dans les semaines et les mois qui viennent, de s’opposer sur d’autres sujets », souligne-t-elle. Elle estime aussi qu’il faut « porter l’image de notre ville ». « Ce matin, j’entends capitale du crime, mais c’est la capitale de la culture aussi Marseille », relève-t-elle.

Encourager « tout ce qui pousse les jeunes vers autre chose »

Identifiant « la pauvreté et la précarité  » comme des causes de l’insécurité, elle insiste sur la nécessité d’« avancer ensemble » sur des dispositifs pour l’emploi des jeunes tels que les emplois d’avenir ou les contrats de génération, « tout ce qui pousse les jeunes vers autre chose ». « Aujourd’hui, un jeune est à la une de la presse parce qu’il est un voyou. Mettons en avant les autres jeunes de Marseille, tous ceux qui font la richesse de la ville  », encourage-t-elle. Et de saluer enfin le travail des forces de police et de la justice qui travaillent main dans la main « pour remonter les réseaux mafieux ». « Je veux bien que l’on s’attaque aux petits voyous mais que l’on s’attaque aussi aux grands  », martèle-t-elle.
S’il affichait sa satisfaction, le président de la Région Michel Vauzelle (PS) souhaite aussi que la société civile, associations et dirigeants économiques, « se sentent responsables  » à l’heure où de jeunes apprentis formés par la Région ne trouvent pas de stage. Il désire aussi que chacun prenne sa part de responsabilité dans la « voie d’avenir » que représentent à ses yeux les emplois d’avenir là où la Région en a recrutés 300.
Michel Vauzelle s’est aussi adressé à l’État au sujet de la future métropole Aix-Marseille-Provence afin qu’elle « ne soit pas seulement une institution mais accompagnée par le gouvernement d’un apport économique et à l’emploi sinon nous décevrons Marseille ». Le président de la Région sollicite aussi l’aide de la Justice et de la Police afin que « certaines associations ne soient pas un moyen de transfert d’argent vers des systèmes mafieux ». « Nous n’avons pas de moyens de vérification. Il vaudrait mieux agir avant qu’après que des élus de bonne volonté et bonne foi soient traduits devant la justice  », plaide-t-il en faisant référence, sans la citer, à la récente affaire ayant mis en cause la députée de la 3e circonscription des Bouches-du-Rhône, Sylvie Andrieux (PS).

Jean-Noël guérini
Jean-Noël guérini

« Le pacte républicain est sur les rails »

Le président du conseil général Jean-Noël Guérini (PS) se félicite lui aussi de cette réunion où « il ne nous a pas suffi de faire un constat, nous avons été force de propositions  ». Le Département mettra ainsi 2 à 3 agents de sécurité dans chaque cité de 13 Habitat, sur l’ensemble des collèges, et s’investira dans la sécurité des urgences. Soulignant que « Marseille est un grand défi », Jean-Noël Guérini se réjouit des renforts de police mais estime que « cela ne suffit pas ». « Il faut prendre le mal à la racine » et s’attaquer à « la drogue  » et « l’économie souterraine ». Enfin, il précise qu’en partenariat avec l’État et les collectivités territoriales, le conseil général « est prêt à augmenter sa participation de 50%  ».

Eugène Caselli
Eugène Caselli
Eugène Caselli (PS), président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) et lui aussi candidat aux Primaires citoyennes dans la cité phocéenne, rappelle que « depuis février  », il appelait à « l’union sacrée  ». « Nous y sommes, le pacte républicain est sur les rails », se réjouit-il saluant « un travail en profondeur  ». Tout juste regrette-t-il l’absence de la société civile lors de cette table ronde en préfecture, alors que les associations sont « au cœur des cités » et que ce sont les entreprises « qui créent la richesse de Marseille ». « Là, on aurait vraiment pu parler emploi  », observe-t-il.
A ses yeux, « il faut une mesure exceptionnelle sur Marseille ». Et de saluer les renforts de police car il estime qu’il faut qu’elle soit « plus visible dans nos rues pour faire diminuer le sentiment d’insécurité dans nos villes ».
Prochaine étape du feuilleton marseillais : la venue au mois d’octobre de Jean-Marc Ayrault dans la cité phocéenne où, aux dires du préfet Michel Cadot, il viendra « pour faire le point avec les élus des avancées de l’année écoulée » depuis le comité interministériel et « annoncer évidemment des mesures complémentaires de soutien ».
Serge PAYRAU

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