Marseille. Rencontres au Club Pernod Ricard : invitation à s’émerveiller pour le vivant

Les intervenants ont apporté des éclairages chacun dans leur domaine sur la nécessité de retrouver sa capacité à s’émerveiller ©PernodRicard

Comment mettre l’émerveillement au service de la prise de conscience dans un monde déconnecté du vivant ? Comment retrouver cette capacité à s’émerveiller et en faire une source d’engagement écologique ? Comment faire du beau un levier de solution face à la colère et l’indignation ? Ces questions ont été au cœur d’échanges avec Saphia Larabi (La Fabrique Spinoza), Maud Baignères (autrice, réalisatrice), Christian Clot (Human adaptation institute), Maxime De Rostolan (entrepreneur écologiste). Le débat a porté sur l’urgence de réapprendre à faire une place au sensible, en écoutant ce que les neurosciences nous enseignent, et en empruntant les chemins que nous ouvrent l’agroécologie, le bio-mimétisme, le cinéma, et l’art en général.

« Tous nos produits sont issus de l’agriculture »

Bruno Goimier, directeur de la communication et S&R - Pernod Ricard France rappelle « Nous avons été en 2001, la première entreprise agroalimentaire en France à être triplement certifiée ISO et poursuivons au quotidien l’engagement de nos fondateurs. Nous agissons autour d’une feuille de route globale "Good times from a good place" avec des engagements chiffrés. » Il précise : « Nous avons identifié 3 priorités pour la France : Préserver la planète car tous nos produits sont issus de l’agriculture, cultiver la convivialité responsable car il n’y a pas de convivialité dans l’excès et agir en entreprise citoyenne car en tant qu’entreprise leader, nous devons contribuer au développement durable et solidaire de nos territoires. »
Sarah Marniesse, responsable du Campus AFD indique pour sa part que «  se pose la question de savoir comment accompagner ceux qui sont aux manettes pour penser le changement ». En effet, situé à Marseille, le Campus AFD est un laboratoire d’innovation pédagogique. Il conçoit, teste et déploie, en partenariat, des formats d’apprentissage innovants adaptés au renforcement des savoirs, savoir-faire et savoir-être de celles et ceux qui, en Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans les Outre-mer, accompagnent le changement vers un monde durable.

« 47% des Français sont découragés par les discours des politiques et des médias »

Saphia Larabi raconte : « Je voulais être magistrate, j’ai fait des études en ce sens avant de changer d’orientation pour travailler sur le bonheur ». Et, si on l’écoute, il y a encore beaucoup de travail. « Un nouveau récit est nécessaire. 47% des Français sont découragés par les discours des politiques et des médias ». Discours qui produisent de la peur, laquelle « ne produit pas de mobilisation mais, au contraire, réduit le champ d’action. Résultat, même si des solutions existent on ne va pas s’en servir ». Pour Saphia Larabi : « Il faut se concentrer sur le sens car ce qui m’émeut me meut. L’émerveillement doit être au cœur de ce nouveau récit ». Puis d’insister sur l’importance de la nature : « Une étude montre qu’une personne qui voit de la nature de sa chambre d’hôpital prend moins d’anti-douleur et sort en moyenne un jour plus tôt ». Un regard, un contact avec la nature qui, selon elle : « réduit la préoccupation de soi et développe la connexion au monde, favorise l’altruisme ». Elle considère que « tout ce qui nous fait sentir petit nous grandit ». Elle conclut son intervention en citant Einstein : « Il n’y a que deux façons de vivre sa vie : l’une en faisant comme si rien n’était un miracle, l’autre en faisant comme si tout était un miracle ».

« On perd la capacité à aller chercher des choses qui nous transcendent »

Pour Christian Clot : « Nous sommes dans un paradoxe, nous avons la volonté de maîtriser l’univers et on oublie ce qu’il a à nous raconter. On perd la capacité à aller chercher des choses qui nous transcendent ».Il s’interroge alors sur l’émerveillement, sur son importance qui, selon lui, est fondamentale : « La seule chose qui permet de construire le futur c’est de se projeter. le pessimisme ne nous permettra pas de construire quoi que ce soit. On doit réfléchir à ce que l’on a envie de créer pour rendre le futur possible. Juste constater et attendre ne fonctionnera pas car notre cerveau a besoin d’émerveillement, d’envie, sinon il abandonne. Nous devons donc redonner de la capacité de croire en demain ».

« Sans coopération il n’y a pas de fonctionnement »

Christian Clot évoque l’expérience Deep Time lors de laquelle quinze volontaires se sont enfermés plus d’un mois, sans repère de temps, dans les ténèbres d’une grotte ariégeoise. Les objectifs étant de découvrir les limites du cerveau, comprendre l’adaptation aux conditions de vie extrêmes. Des études sont en cours pour analyser tout ce qui a pu se produire : « Mais déjà on peut avancer qu’alors que tous les systèmes biologiques ont été mis en défaut tout fonctionnait admirablement bien. La coopération humaine a pris le pas sur tous les autres facteurs de synchronisation. Et l’on peut dire que sans coopération il n’y a pas de fonctionnement ». Il ajoute : « Nous savons que nous fonctionnons sur un système sensoriel, toutes nos décisions sont en effet précédées d’émotions. Il faut apprendre à chercher le bonheur. Si on le fait le cerveau s’adapte et l’on peut se projeter et éviter un phase apathique, une phase de repli sur soi ».

« Tu as une colère en toi qui t’empêches d’avancer »

Maxime de Rostolan est un entrepreneur écologiste, notamment engagé dans le domaine de l’agroécologie et de la permaculture, et de la défense de la biodiversité. Après divers projets, en 2012, il lance Blue Bees ; plateforme de financement participatif en agroécologie1, puis en 2013, il crée la Ferme de la Bourdaisière, premier projet de l’association Fermes d’Avenir. En 2019, il initie la Bascule qui mobilise des jeunes dans un mouvement de "lobbying citoyen" vers la transition écologique. En 2021, il lance Sailcoop, une coopérative de transport de passagers à la voile. Il indique : « Une rencontre importante pour moi est celle avec Marc de La Ménardière, réalisateur du documentaire "En Quête de Sens", qui me dit : "tu as une colère en toi qui t’empêches d’avancer et d’entraîner les gens"  ». Pour lui : « On ne protège que les choses que l’on connaît et que l’on trouve belle ». Il a créé en 2019 l’Archipel : « qui est une vision et un mode d’organisation qui facilite la coopération entre organisations en leur permettant de coexister en tirant toute la force de leurs diversités. ». Il précise que : « L’Archipel est volontairement constitué d’un vocabulaire particulier et imagé pour nous aider à penser différemment ».

Maud Baignères a grandi entre Tokyo, New-York et Paris. De son enfance elle garde la nature, le voyage et l’humain comme source d’inspiration pour les films qu’elle réalise : clips, documentaires, publicités, institutionnels, courts-métrages, portraits et reportages... Aujourd’hui elle travaille sur « Sea Art », une série documentaire sensorielle pour sensibiliser un large public à la protection et la sauvegarde des Océans par le prisme de l’Art. Elle explique : « Quand j’étais petite je voulais être observatrice de vagues et aujourd’hui je fais Sea Art »...
Michel CAIRE