Marseille : Roger Bismuth, président de la communauté juive en Tunisie était de passage dans la cité phocéenne

« Nous ne sommes pas une minorité mais tout simplement des Tunisiens »

Roger Bismuth est président de la communauté juive tunisienne « un pays où elle est installée depuis plus de 2 000 ans.Cette communauté est reconnue légalement depuis le protectorat français et comptait alors entre 100 et 120 000 membres. Depuis cette époque il n’y a pas eu un départ massif mais plusieurs vagues, pour diverses raisons. Quelques-uns sont partis lors de l’indépendance d’Israël, d’autres lors de l’indépendance de la Tunisie. Puis certaines lois, sous Bourguiba, notamment en matière économique, ont entraîné d’autres départs. Ensuite, la langue arabe s’imposant en matière de Droit, les avocats et les magistrats ont quitté le Pays. Et puis d’autres sont allés à l’étranger pour les études, le travail. Mais, vous savez, il y a une importante communauté tunisienne dans le monde et elle compte beaucoup plus de musulmans que de juifs. En tout cas, aujourd’hui, notre communauté compte 1000 personnes. Et aucun de ses membres n’est parti depuis la révolution ».
« Musulmans comme juifs, nous sommes aujourd’hui inquiets pour notre pays »
Une fois ce bref rappel historique effectué, il prévient : « Attention, nous ne sommes pas une minorité puisque nous sommes tout simplement des Tunisiens. Et c’est comme tous les Tunisiens que nous avons vécus les événements qui ont conduit à la chute de Ben Ali. Des gens se sont révoltés, et cela était légitime. Et, musulmans comme juifs, nous sommes aujourd’hui inquiets pour notre pays. La vie n’est pas drôle tous les jours. On constate une baisse du pouvoir d’achat. Des tunisiens, musulmans, ont été ruinés. En matière de tourisme, 150 hôtels ont été fermés, même si, aujourd’hui, les touristes reviennent, à l’exception des Français ».
« Nous avons augmenté les salaires au-delà de ce que la loi demandait »
Il ajoute : « Vous savez, je ne travaille qu’avec des musulmans et je n’ai aucun problème. Nous n’avons pas eu une heure d’arrêt de travail. Le premier jour de la révolution j’ai rassemblé toutes les personnes présentes, je leur ai dit que des jours difficiles s’annonçaient et que nous allions les vivre ensemble, que, tant qu’il y aurait des sous en caisse, les salaires seraient payés. Notre système, diront certains, est peut être paternaliste, mais les salariés sont, je pense, bien chez nous. Nous avons d’ailleurs augmenté les salaires au-delà de ce que la loi demandait car les affaires ont bien repris ».
« Des résistances se sont exprimées, avec les femmes, voilées ou non, en première ligne »
Bien sûr, « Nous avons des salafistes, certains, étaient au Mali et se sont infiltrés. C’est un fait, après, ici ou là, il y a eu des événements isolés, regrettables, mais qui ne traduisent en rien une réalité quotidienne. Il me semble, lorsque je lis la presse, qu’il y a plus de problèmes d’antisémitisme en France. Il a eu des pressions pour faire évoluer la constitution dans un sens négatif. Mais des résistances se sont exprimées, avec les femmes, voilées ou non, en première ligne. Elles ont obtenu des acquis sous Bourguiba. Elles entendent bien les défendre ».
Maintenant « Nous sommes, encore une fois, comme l’ensemble de la population, nous attendons de lire la nouvelle Constitution, nous verrons alors s’il y a lieu d’être serein ou inquiet ».
Michel CAIRE

Articles similaires

Aller au contenu principal