Marseille. Théâtre Toursky : émouvant récital de Pierre Perret en forme d’adieux provisoires….

Publié le 18 octobre 2021 à  10h43 - Dernière mise à  jour le 1 novembre 2022 à  16h48

Pierre Perret entre en scène, seul avec sa guitare et chante : «Je suis venu vous faire mes adieux provisoires, car c’est une longue histoire que celle de vous à moi…»

Pierre Perret pour
Pierre Perret pour

L’émotion est palpable, autant celle de l’ami Pierrot que celle d’un public conquis d’emblée et dont on s’aperçoit très vite qu’il connaît par cœur et avec le cœur son Pierre Perret illustré par le texte et les notes.

Un public qui continue à «escalader ses rimes», pour «sortir des sentiers» en échappant «aux diktats et aux modes». Ainsi est ce saltimbanque grivois, et malin, populaire sans être populeux, poète nourri des vers de Boris Vian, des textes de Léautaud, des approches sémantiques de Villon, qui a tracé sa route en toute indépendance en multipliant les «les caracoles, les pirouettes, les éclats de rire, les jubilations», comme le notait Alain Decaux quand il préfaça en 1993 son recueil paru chez Plon intitulé «Chansons de toute une vie» contenant la presque intégralité de ses textes.

Citant «La porte de ta douche est restée entr’ouverte», une chanson très sensuelle, l’académicien français évoque la part d’onirisme des chansons de Perret. Et on ajoutera son féminisme, lui qui offre avec «Femme grillagée» (un titre récent) un plaidoyer pour que nos consoeurs outragées, résistent partout dans le monde, en se dressant contre le retour de l’obscurantisme, l’esclavagisme en larguant les amarres, et en se… dévoilant. Aux femmes battues Pierre Perret consacre un autre de ses titres poignants, et de célébrer toutes les autres, en les chantant depuis les débuts de ses 65 ans de carrière et d’inscrire à son répertoire d’un soir « Lili », chef d’œuvre contre le racisme, «Blanche», «Alphonsine» et «Celui d’Alice», deux joyeuses paillardises, ou d’autres en filigrane de la magnifique «Bercy Madeleine». Bien sûr, libre, d’esprit libertaire rétif aux endoctrinements -«Humour liberté» l’atteste-, Pierre Perret n’a pas manqué d’interpréter «Le zizi », «Mon chibre», «Les baisers », autant de merveilles de libertinage, avec vue sur l’écriture savamment construite.

Bernard Pivot, et «Apostrophes» avec Le Forestier, Anne Sylvestre, Chedid et une prise de bec entre Béart et Gainsbourg

Et quelle écriture ! Fine, élégante, ou rabelaisienne, celle de Pierre Perret aborde des thèmes légers ou graves, et en l’écoutant c’est chaque fois du « soleil qui entre dans la maison.» Pas étonnant donc que ce fou de littérature, ait composé «Lire» et surtout «Bernard Pivot», deux chansons qu’il n’a pas interprétées au Toursky, mais qui signale son attachement aux écrivains qui nous font voyager dans l’imaginaire et où il redisait son indéfectible amitié et admiration à son pote Bernard (Pivot), le fondateur d’Apostrophes. Une émission à laquelle il participa, lors d’un plateau réunissant Louis Chedid, Anne Sylvestre (dont on rappellera qu’elle a enregistré en duo avec Barbara « Les zozos » un des titres de Perret), Maxime Le Forestier et un certain Guy Béart se prenant la tête avec un Serge Gainsbourg très remonté affirmant de manière assez sèche que la chanson est un art mineur. On n’a retenu que cette passe d’armes évidemment mais la présence de Perret fut un moment très poétique.

De l’humour, il y en eut à revendre durant le récital du Toursky. On a même beaucoup ri également quand Pierre Perret s’en est pris aux «Confinis» dans une chanson écrite durant ce qu’il appelle «ce nauséabond confinement». « Vous nous avez confinés, puis déconfinés, puis reconfinés, mais vous vous rest’rez pour la vie des cons finis», lance-t-il avec malice s’offrant même le luxe de faire entonner tout cela au public qui reconnaissons-le ne s’est pas fait prier, et qui très souvent s’est vu invité à chanter avec entrain les refrains les plus connus. Pierre Perret s’affichant ainsi comme un très efficace chauffeur de salles.

Des enfants du Conservatoire de Marseille venus le rejoindre

Si il y a bien des jeunes têtes chantantes qui se souviendront du récital de Perret au Toursky ce sont bien ces quelques élèves du Conservatoire de Marseille venus rejoindre sur scène l’auteur de «Ouvrez la cage aux oiseaux» pour interpréter avec lui et en compagnie de leur professeure prénommée Anne, «Donnez-nous des jardins», «Vaisselle cassée» et «Les jolies colonies de vacances» avec, on s’en doute, une énergie débordante et une joie bien visible. Perret et les enfants c’est aussi une des clefs de son répertoire, qui en cette soirée d’octobre au Toursky s’est déployé sur 32 titres et un Medley revisitant sa longue carrière, l’artiste se trouvant entouré de musiciens complices.

Un tour de chant intitulé «Mes adieux provisoires » un double album existe qui en reprend l’intégralité en enregistrement studio, et qui s’achevant sur «Bientôt» affirme que Perret (il le dit lui-même) retrouvera son public… et que l’aventure continue. Chacun regrettera bien entendu que ses chansons préférées ne figurent pas dans le cours du récital «Je chante ce que je veux », a lancé l’artiste affectueusement (pour ma part ce furent « Ma petite Julia » et «Ma nouvelle adresse») mais force est de constater que la musique et les mots de Pierre Perret n’ont pas pris une ride et sont inscrits dans la vie des gens… Un Toursky debout, ému, et en liesse le lui a rappelé par des applaudissements nourris.
Jean-Rémi BARLAND

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