Marseille. Théâtre de La Criée. Le Roi Lear : Jacques Weber gigantesque

Publié le 19 octobre 2022 à  18h43 - Dernière mise à  jour le 11 juin 2023 à  17h54

Programmé dans le cadre de la saison des Théâtres, «Le Roi Lear» de Shakespeare est donné jusqu’au 21 octobre à La Criée de Marseille. Avec une troupe de comédiens de haut vol emmenés par un Jacques Weber phénoménal.

Jacques Weber dans le Roi Lear (Photo Bertrand Delous)
Jacques Weber dans le Roi Lear (Photo Bertrand Delous)

De l’aveu même du metteur en scène Georges Lavaudant, «Le Roi Lear » qu’il a monté et que l’on peut voir à La Criée, est une pièce-monde. Comme l’on dit d’un roman-monde, ce chef d’oeuvre absolu à l’image de L’Orestie, du Faust de Goethe, ou de La Tempête de Shakespeare «brasse, dixit Lavaudant, absolument tout le destin de l’homme, les problèmes politiques, les problèmes amoureux, sexuels, les questions de pouvoir ou économique.» En les lisant, ajoute-t-il: «On a l’impression que le monde entier est exposé sur la scène. Dans le roi Lear les récits, les niveaux d’écritures sont très différents les uns des autres, la langue parlée par Gloster n’étant pas la même que celle du fou, de Cordélia ou bien encore de Kent.»

Pièce sur la démesure où tous les personnages débordent d’eux-mêmes, Le Roi Lear permet de toucher du doigt et de comprendre que l’homme n’est pas stable. Pourtant «une très belle soirée s’annonce au début de la pièce» précise encore Georges Lavaudant. « Le roi va partager son royaume en trois, ses trois filles lui diront qu’elles l’adorent. On fera la fête et tout est bien qui finit bien». Sauf que là il n’y aurait pas de pièce. «Alors le simple « non » de Cordélia, un mot, un petit mot dit avec douceur, ni arrogant, ni violent, mais dit avec vérité, « non » et tout se déglingue, la catastrophe historique est là. Le non de Cordélia, pourtant fille préférée de Lear résonne dans toute l’histoire du théâtre de manière sensationnelle.»

Weber, en Lear cyclope

Pour incarner le roi Lear qu’il a déjà visité plusieurs fois Georges Lavaudant a choisi dans cette nouvelle production de confier le rôle à Jacques Weber. Un Jacques Weber tellurique dans ce rôle de monstre à la fois tyran et victime, vieillard poussé vers la démence et éternel enfant peuplé de rêves plus grands que lui. Cyclope, ogre, il campe ici un souverain trahi et déchu, à la hauteur de sa propre démesure d’acteur.

Le voir dans sa toge blanche, déambuler hagard vers la fin de la pièce sonne comme une leçon de théâtre incarnée. Il ne semble pas jouer Lear mais l’habiter, en prolonger sa pensée, en montrer la grandiose tragédie intime. Nourrie par Georges Lavaudant d’un magnifique travail de troupe et une mise en scène qui offre aux différents acteurs d’interpréter parfois plusieurs rôles, de briller ensemble avec chacun des morceaux de bravoure faits de différents éléments rajoutés parfois, comme des chants ou des poèmes. On notera parmi eux les comédiennes François Marthouret, impressionnant en Gloucester aux yeux crevés, Manuel Le Lièvre inventif sous les traits du Fou, Philippe Demarle prodigieux en Edgar apparaissant plus tard en Pauvre Tom au corps peint, Laurent Papet, Edmond inquiétant, sans oublier Mathurin Voltz incarnant plusieurs personnages dont le Duc de Bourgogne et que l’on voit apparaître dans des duels à l’épée savamment orchestrés.

Un western théâtral

Car, et c’est une des originalités de la production «Le Roi Lear» dans cette traduction et scénographie signées Daniel Loayza est un western une épopée, un tourbillon scénique qui multipliant les inventions visuelles s’impose comme un spectacle en technicolor. Pas de décors à proprement parler mais un jeu de lumière beau ample et qui ne surligne jamais et privilégie l’ellipse. Du bonheur en 3h30 sans aucun temps mort, pour une réussite absolue.

Jean-Rémi BARLAND

A La Criée jusqu’au 21 octobre à 20 heures. Le mercredi 19 octobre à 19 heures. Plus d’info et réservations : theatre-lacriee.com/

Articles similaires

Aller au contenu principal