Marseille. Théâtre de l’Odéon: Richard Anconina dans ‘Coupable’ un thriller haletant…

Publié le 6 février 2022 à  9h58 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  15h19

Ce que le spectateur perçoit d’emblée concrètement en s’installant dans la pièce «Coupable» ce sont des écrans LED affichant en large le logo «Police nationale» éclairant une pièce plutôt grisâtre. Sur une table placée devant façon comptoir, avec consoles un homme en tenue . Il s’agit de Pascal, un flic placardisé à la suite d’un grave incident, qui, en attendant d’être convoqué le lendemain par sa hiérarchie pour répondre aux questions d’une commission de discipline se retrouve de garde à un poste «Police secours».

Richard Anconina la première fois sur scène dans
Richard Anconina la première fois sur scène dans

Répondant aux appels de gens souvent en détresse, dont quelques uns nous sont donnés en direct, il est intrigué par le témoignage d’une certaine Sarah qui prétend avoir été enlevée par son mari un certain Lengagne homme violent la séquestrant dans une camionnette blanche filant à toute allure sur l’autoroute menant en Belgique. Pascal (Richard Anconina), ému par les pleurs et les cris d’affolement de la « kidnappée » va mettre tout en œuvre pour faire stopper la voiture et éviter le drame. Découvrant au passage des vérités surprenantes, et totalement inattendues, le policier trouvera peut-être à l’occasion de cette affaire compliquée une certaine manière de se racheter en partie de sa faute passée. Le tout sous l’oeil très intrusif mais pas que d’une adjointe de police jouée par Gaëlle Voukissa rentrant et sortant de la pièce au fil des appels de Sarah et de son mari.

Tiré du film danois «Den Skyldige» (The Guilty) de Gustave Möller et Emil Nyagaard Alberstein

Au départ il s’agit d’un film : «Den Skyldige» connu aussi sous le titre «The Guilty» signé Gustave Möller et Emil Nyagaard Alberstein, avec dans les rôles principaux Jakob Cedergren, Jessica Dinnage, Omar Shargawi, Jakob Ulrik Lohmann, Laura Bro. Un thriller efficace et angoissant où l’imagination du spectateur est sans cesse sollicitée puisque l’action se limite à ce que peut percevoir et ressentir celui qui dans le film se prénomme Asger. Un flic qui, sous ses dehors de fonctionnaire parfaitement dévoué à son travail cache aussi un paquet de failles profondes et mal comblées. Précision dans la présentation des éléments, un travail en régie absolument remarquable de Jean-Paul Pracht à la lumière, Adrien Hollocou à la création sonore, Antoine Le Cointe à la vidéo, pour donner corps aux voix qui appellent (on ne connaîtra du monde extérieur que cela et des bruits de véhicules, sans jamais voir un visage rendant bien compte de ce qu’est un poste de garde «Police Secours»). «Coupable» est une pièce très visuelle et assez prenante.

Adaptation française de Camilla Barnes et de Bertrand Degrémont

On saluera en priorité le travail d’adaptation scénique française co-signé Bertrand Degrémont et Camilla Barnes, adaptatrice entre autres de «La guerre des Rose», co-traductrice avec Xavier Lemaire du «Hamlet» de Shakespeare (ce dernier signa la mise en scène) donné au Théâtre 14 avec Grégori Baquet et Pia Chavnis. Nous avions déjà salué ici Bertrand Degrémont en tant que comédien aux côtés de Nicole Calfan dans «Louise» donné dans le Off d’Avignon en 2018. Ils privilégient l’intériorité des sentiments du personnage central et unique, et finalement ils débarrassent la pièce de tout spectacularisme rendant l’ambiance générale plus opaque encore. En soignant les mots de l’auteur et sans sur-écrire ils nous transportent dans les maux de Pascal avec netteté, efficacité, ampleur et minimalisme mêlés.

Richard Anconina pour la première fois au théâtre.

Et puis il y a pour la première fois au théâtre un Richard Anconina comme habité par son personnage. La mise en scène de Jérémie Lippmann éclairant la complexité émotionnelle du métier de flic pousse l’acteur dans quasiment un non-jeu, livrant la vérité brut de son personnage de manière émouvante. Richard Anconina possède dans la puissance de ses gestes et de ses regards une présence digne des grands acteurs américains à forte «gueule». Il irradie et transforme cette pièce racontant un fait-divers en sorte de tragédie grecque avec réflexion sur ce que demeure au final un crime et son châtiment….
Jean-Rémi BARLAND

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