Marseille -Théâtre des Bernardines. ‘Phèdre !’ en mode festif

Publié le 10 février 2023 à  18h09 - Dernière mise à  jour le 7 juin 2023 à  22h22

«Phèdre !» donc. Écrit ici avec un point d’exclamation. «Mes intentions sont tout entières contenues dans ce titre», explique François Gremaud l’auteur de ce moment théâtral donné au Théâtre des Bernardines de Marseille.

Romain Daroles : il est Phèdre et tous les autres (Photo Loan Nguyen)
Romain Daroles : il est Phèdre et tous les autres (Photo Loan Nguyen)

«Bien sûr, on le devine», indique François Gremaud, «il sera question de « Phèdre », la plus fameuse et la plus jouée des tragédies de Racine. Pourtant, bien que son principal sujet, elle ne sera pas le véritable sujet de ce spectacle. Ce dernier se cache sous le point d’exclamation, ce signe de ponctuation qui, au temps de Racine, était appelé point d’ admiration». En effet, poursuit-il: «Le véritable sujet de « Phèdre ! » est l’admiration que son unique protagoniste – Romain, façon de jeune orateur- voue à la tragédie de Racine. Un admirateur, par définition, considère avec un étonnement mêlé de plaisir quelque chose qui lui paraît beau, qui lui paraît merveilleux.» Mon ambition, conclut-il, «est de mettre en partage les spectatrices et spectateurs cet étonnement mêlé de plaisir en abordant simultanément, par le biais d’un orateur débordant d’enthousiasme, différentes facettes de la pièce : la langue unique et merveilleuse de Racine, la force des passions qu’il dépeint mieux que personne, les origines mythologiques des protagonistes (Phèdre, « fille de Minos et de Pasiphaé » petite-fille du Soleil, demi-sœur du Minotaure »), le contexte historique de l’écriture de la pièce ».

On ajoutera pour compléter ses propos l’amour de François Gremaud pour le théâtre et l’idée que bien que la pièce soit une tragédie il sera dans «Phèdre !» question de joie, cette «force majeure» dont précise le metteur en scène «le privilège est de savoir triompher de la pire des peines», comme le résume formidablement le philosophe Clément Rosset.» Une pièce que nous pouvons résumer ainsi : «Alors que Thésée, roi d’Athènes, est introuvable, un sentiment trouble attache Phèdre, épouse du souverain, à son beau-fils, Hippolyte. Mais, toute à son culte, elle en vient à mépriser son idole : la princesse n’a pas l’amour aimant, et Hippolyte paiera cher sa préférence pour la pure Aricie. Phèdre est un corps brûlant, que la morale encombre et que les remords ennuient. Car l’incestueuse connaît un amour qui ne souffre pas l’objection. Elle aime en femme et en mère. Elle aime en monstre…»

Romain Daroles, acteur explosif

Pour incarner tous les aspects de la pièce… un homme, seul en scène. Il se présente s’appelant Romain Daroles et il précise que malgré son prénom «ce n’est pas chez les Romains que nous allons nous rendre ensemble, mais bien chez leurs collègues antiques, les Grecs» -pays où se déroule en partie l’action de ce Phèdre !- qu’on lui a proposé de jouer (tout cela est dans le texte même écrit par François Gremaud). Prétextant de parler de la pièce il finit par raconter et aborder toutes les différents facettes de la pièce, abordées dans l’enthousiasme. L’acteur dresse le livre de la pièce droit sur sa tête, quand c’est Phèdre qui est mise en scène, et le livre allongé sur le crâne quand ce sont les autres participants du drame qui surgissent devant nous. Une simple table recouverte d’une nappe blanche, un tapis du même ton, on privilégie avant tout le texte donné dans une diction parfaite.

Moment hilarant, quand apparaît le personnage d’Oenone la nourrice et confidente de Phèdre habillée d’un accent marseillais. «Oui moi je l’imagine un peu du Sud. Peut-être parce que ma grand-mère, qui était de Marseille, s’appelait Léone…», dit-il déclenchant les rires de la salle. Le récit se déployant dans une précision historique ample et acteur dans l’âme Romain Daroles ne perd jamais le spectateur, et rebondit de scène en scène pour offrir un final digne d’un film burlesque. Avec en prime pour le spectateur de se voir offrir en fin de séance un exemplaire du texte édité par le théâtre de Vidy-Lausanne.

Premier volet d’une trilogie

«Phèdre !» avec un point d’exclamation moment festif est le premier volet d’une trilogie que François Gremaud entend consacrer à trois grandes figures féminines tragiques des arts vivants classiques : Phèdre (théâtre), Giselle (ballet), et Carmen (opéra). Vite la suite !
Jean-Rémi BARLAND

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