Publié le 8 février 2020 à 9h00 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
Ses œuvres voyagent dans le monde entier
Après des années d’un travail acharné, il expose régulièrement à Paris, ses œuvres voyageant dans le monde entier. Et c’est tout l’enjeu de son travail que de prolonger son art plastique d’une critique très ferme et sans complaisance de la société d’aujourd’hui. «Traversée» dit le titre de son exposition. Velijko Vidak pose ses pinceaux sur les rives opposées de la Méditerranée et questionne cet espace assombri par les catastrophes humanitaires. On observe alors un personnage qui lui-même regarde au loin…des fragments de désespoir en fait, des éclats de guerre, des résidus de vies concassées par les hommes de pouvoir, ivres de totalitarisme. Mais ce n’est pas le drame en lui-même qui est peint ici mais le paysage qui contient le drame. La nature qui nous fait face raconte l’absence, la disparition et alerte sur le désastre en approche, silencieux et sans fin. « Pour les Romantiques, la nature était l’espace absolu du divin, de l’idéalisme magique dont le peintre révélait les forces invisibles et l’implacable beauté. Dans ses tableaux en champ-contrechamps, Veljko Vidak emprunte la voie du paysage aux Romantiques, mais loin de l’idéaliser, il questionne le regard que l’on porte sur lui. « Traversée » devient plongée dans le processus de création de l’artiste. L’espoir fait place au drame, la Méditerranée, vaste étendue-frontière gonflée de douleur, ne cesse de s’agiter. La mer se raccroche au ciel dans un accès de survie, les éléments se mêlent et se durcissent sous le poids de la tragédie contemporaine et les Hommes sondent les éléments dans l’espoir ultime d’y trouver l’humain», est-il précisé… Le bleu des tableaux est celui des bleus à l’âme et des coups reçus. De la Mer aussi, celle qui permet la fuite, mais qui engloutit les vivants. Celle qui célèbre l’idée de profondeur. Il y a un côté hugolien dans les tableaux de Veljko Vidak, les migrants qui apparaissent ici sont des êtres dépecés de leur intégrité, de leur identité, et à qui on aimerait tendre la main. Mais ce sont aussi des figures fantasmagoriques, des djinns attendant l’accalmie, redoutant la chute et suscitant l’empathie. Invitant chacun à comprendre et à s’émouvoir sans pathos. Artiste humaniste qui expose pour la première fois à Marseille, Veljko Vidak a trouvé en Macha Makeïeff la patronne de la Criée un œil qui écoute et une oreille qui voit. Qui perçoit même ce que l’artiste-peintre a de singulier dans le monde moderne. Le côté intemporel de son travail également. Et en ouvrant ses portes à «Traversée», exposition libre d’accès jusqu’au 23 février, de montrer que la beauté des œuvres ne se confond pas avec la gravité de leur propos, et que tout engagement esthétique doit avant tout tourner le dos au seul appât du gain, célébrant «le vrai, le sublime et le bien». Ce que réalise parfaitement Veljko Vidak, philosophe du pinceau qui travaille autant en peintre qu’en cinéaste. Une expo puissante et salutaire.
Jean-Rémi BARLAND
« Traversée » exposition de Veljko Vidak jusqu’au 23 février 2020. Hall du Théâtre de La Criée – 30 Quai de Rive-Neuve, 13007 Marseille – Plus d’info: theatre-lacriee.com