Marseille : Visions Huichol, un art amérindien à la Vieille Charité jusqu’au 11 janvier

Publié le 18 septembre 2014 à  21h48 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h11

(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)

Depuis longtemps les Huichols, ou Wixáritari, peuple d’artistes vivant au sud-ouest du Mexique, fabriquent des objets pour s’acquitter d’un vœu. Une création bien vivante puisque, dans les années 50, un nouvel aspect de leur art apparaît avec la création de tableaux de fils figurant des thèmes directement inspirés par les mythes et les rites. Cet art, très original par sa technique, relativement jeune mais exceptionnel, est encore très dynamique et vaut une grande réputation aux Huichols. D’ailleurs, de nombreux musées en Europe comme en Amérique, ainsi que des collectionneurs, ont acquis des créations d’artistes tels José Benitez Sanchez et Ramon Medina, les premiers artistes-chamanes à avoir transformé les nierika, «objets pour voir». Ces œuvres sont uniques en ce qu’elles transmettent une tradition ancestrale et rapportent des expériences visionnaires associées au rêve, à la mythologie, en œuvres de mémoire.
Grâce au travail réalisé auprès des artistes pendant de nombreuses années, l’ethnologue Michel Perrin a construit un véritable modèle d’écriture ethnographique associant les récits à chacun des tableaux. Comme dans un immense livre le visiteur est invité à cheminer à travers ces tableaux et ces narrations à la découverte de cet art unique et vivant et accéder à une meilleure compréhension de la fascinante histoire des mythes et rites Huichols.

Des mythes en images ouvre l’exposition et lève le voile sur l’origine du monde

(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)

Des mythes en images ouvre l’exposition et lève le voile sur l’origine du monde, les grands dieux et les grands mythes huichols. Ces mythes évoquent, entre autres, les itinéraires passant par les cinq principaux lieux rituels et parcourus aujourd’hui par les adeptes de la «coutume». Ces récits, qui peuvent également être chantés, dont les variantes sont multiples, disent aussi l’origine de toutes choses. Ils mettent en scène les grandes oppositions qui fondent et structurent la pensée et la conception huichol du monde. Michel Perrin explique les différentes facettes de l’exposition.
Une étrange trilogie : cerf, peyotl, maïs permet de comprendre la place mythique et rituelle de ces trois éléments pour les Huichols. En effet, dans l’histoire mythique, les êtres de cette trilogie ont une origine commune. Chacun a pu se transformer en l’autre, comme s’ils partageaient une même nature profonde.
Au cours des rituels, cerf, maïs et peyotl sont interdépendants. On pose ainsi des galettes de maïs sur le corps et sur les yeux du cerf chassé et on les frotte avec du peyotl. Consommer du peyotl serait une condition indispensable pour localiser, chasser puis manger le cerf. Réciproquement, si on n’a pas chassé le cerf avant d’aller «chasser» le peyotl à Wirikuta, on n’en trouvera pas…
Le Kieri est peut-être l’un des sujets les plus représentés sur les tableaux de fils. Il s’agit d’une plante psychotrope. Il est, comme le peyotl, sacré, puissant et dangereux, poussant dans le territoire huichol même. L’initiation à l’usage de cette plante est individuelle, au contraire des pratiques collectives entourant le peyotl.

Au cœur de la vie du chamane

(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)

L’univers chamanique plonge ensuite le visiteur au cœur de la vie du chamane. L’accession au chamanisme se fait par une série d’étapes. Leur histoire, initiée dès l’enfance, est marquée par des pèlerinages, au moins cinq, à Wikitura, la terre du peyotl. Le chamane est là pour organiser et présider les grands rituels ponctuant l’année, officiant seul ou à plusieurs. Il doit aussi donner sens aux infortunes et tenter de les soulager, qu’elles soient biologiques, climatiques ou sociales. Le chamane est aussi considéré comme un «bon rêveur».
Guider les âmes des morts jusqu’à leur dernière demeure afin de les neutraliser, tel est l’un des rôles essentiels des chamanes.
De nombreuses fêtes, ou danses, réunissent tout au long de l’année les communautés toutes entières. Le plus fameux des rites est le «pèlerinage» vers l’Est qui, durant la saison sèche, entre novembre et février, conduit de petits groupes de Huichols à la recherche du peyotl dans le désert de Wirikuta.
La dernière section de l’exposition concerne la modernité marquée par le style. Ce dernier est caractérisé par l’appauvrissement des thèmes anciens et la recherche d’effets purement décoratifs allant de pair avec le remplissage et la multiplication des mêmes figures, surtout dans les grands formats.
A travers cette nouvelle exposition, le Musée d’Arts Africains, Océaniens, Amérindiens (MAAOA) poursuit la même démarche qui l’anime depuis sa création : faire découvrir la richesse artistique d’autres cultures ayant une vision différente de la nôtre, permettant d’évoquer d’autres formes de pensée et de conception du monde.
C’est aussi pour le musée une nouvelle occasion d’associer ses collections, comme celle d’art populaire mexicain de François Reichenbach, à une exposition spécifique.
Luc CONDAMINE

Autour de l’exposition

Un cycle de conférences (en entrée libre) est organisé, au Musée d’Histoire de Marseille (auditorium) :
– vendredi 14 novembre (18h30) : « Wawi Niuki, la parole qui lie » : thérapie, mémoire, pouvoir. Le chant du chamane, témoin de l’identité huichol» par Denis Lemaistre, docteur en anthropologie, École des hautes études en sciences sociales.

– jeudi 11 décembre (18h30) : « Le nierika des Huichol : un art de voir » par Olivia Kindl, docteur en ethnologie, Université Paris X-Nanterre, enseignant-chercheur au Colegio de San Luis (Mexique).

Exposition « Visions Huichol, un art amérindien »
Du 13 septembre 2014 au 11 janvier 2015 au MAAOA (Centre de la Vieille Charité)
(galeries du rez-de-chaussée)
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Fermeture jours fériés : 1er novembre, 25 et 26 décembre, 1er janvier
Des visites commentées pour adultes, jeune public, bilingue (espagnol) public du champ social ou en situation de handicap sont possibles.
Sur réservation, des visites-ateliers – « Les Nierika, tableaux de fils des Indiens Huichol »- pour les 6-12 ans, sont programmées.
Tarif plein : 8 euros, Tarif réduit : 5 euros
Gratuité pour le public des établissements scolaires et des centres aérés
Visite commentée : 4 euros
Visite-atelier : 5 euros
Audioguide en français, anglais, espagnol : 4 euros
Réservations :
– au musée au 04 91 14 58 38
– à l’office du tourisme pour les groupes adultes payants
– au 04 91 13 89 03 / 04 91 13 89 06

Articles similaires

Aller au contenu principal