Marseille. Yves Veyrier, Secrétaire général de Force Ouvrière: « Le combat pour l’accès des femmes à l’autonomie financière est lié à celui des retraites »

Publié le 8 mars 2020 à  12h30 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  9h48

Franck Bergamini et Yves Veyrier au siège de l'UD FO des bouches-du-Rhône  (Photo Robert Poulain)
Franck Bergamini et Yves Veyrier au siège de l’UD FO des bouches-du-Rhône (Photo Robert Poulain)
Yves Veyrier, le Secrétaire général de Force Ouvrière était à Marseille ce 5 mars 2020 dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes, ce dimanche 8 mars. Occasion pour lui de lancer: «Aujourd’hui comme tous les jours FO s’engage pour les droits des femmes et l’égalite Femme/Homme dans la vie, au travail et à la retraite et à Marseille le slogan c’est « Retraitez moi comme il FO » ». Entretiens avec Yves Veyrier et Franck Bergamini, secrétaire général de l’Union départementale FO des Bouches-du-Rhône à Marseille.

Yves Veyrier, le Secrétaire général de Force Ouvrière  (Photo Robert Poulain)
Yves Veyrier, le Secrétaire général de Force Ouvrière (Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)
Destimed: Yves Veyrier, FO a quitté la Conférence de financement. Qu’est-ce que vous proposez pour le financement des retraites ? Yves Veyrier: La conférence du financement a été mise en place par le gouvernement, le Premier ministre, comme alternative à l’entrée en vigueur d’un âge pivot qui de toute façon sera mis en place dans le cadre du système universel de retraite par points mais qui lui n’entrera en vigueur qu’à partir de la génération 1975. Donc le Premier ministre avait décidé dès 2022 de mettre en place un âge pivot pour réaliser des économies pour contraindre les salariés à travailler plus longtemps sous peine d’être sanctionnés par un malus au moment du départ à la retraite. Lorsqu’il a vu que tous les syndicats étaient opposés à cette mesure, y compris ceux qui s’inscrivent pourtant dans le système universel de retraite par points, il a proposé cette conférence de financement en disant faites-moi des propositions alternatives. Mais il a mis des contraintes telles qu’il n’y avait pas d’espace puisque bien évidemment on ne va pas proposer de baisser les pensions. Le Premier ministre avait par ailleurs ajouté que les mesures que l’on pouvait proposer ne devraient en aucun cas conduire à augmenter le coût du travail autrement dit, il nous interdisait de négocier une augmentation des cotisations qui aurait permis de réaliser l’équilibre sans avoir besoin d’âge pivot. Donc c’était l’impasse assurée. C’était la chronique d’un échec annoncé et on arrive aujourd’hui à cet échec puisque le Premier ministre nous dit que la conférence de financement devra accompagner le fait que les Français devront de toute façon travailler plus longtemps. Eh bien, nous on n’est pas d’accord avec ça. Oui mais il y a un déséquilibre puisqu’il y a 8 à 15 milliards à trouver… Le déséquilibre, il faut encore se mettre d’accord sur sa réalité et sur sa nature. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) nous dit que ce déséquilibre n’est pas le produit d’une dérive des dépenses de retraite mais la conséquence d’une insuffisance de ressources qui tient au choix de politiques budgétaires dans la fonction publique qui ont contraint les salaires- le salaire de base des fonctionnaires est gelé depuis près de 10 ans- et qui ont contraint l’emploi. Donc, évidemment, vous avez moins de ressources dans le secteur de la fonction publique puisqu’il y a moins d’actifs avec des salaires en augmentation donc moins de cotisations en augmentation alors qu’il y a toujours des retraités pensionnés dont il faut assurer la pension et ce n’est pas, de notre point de vue, à l’ensemble des salariés à compenser ce déséquilibre en devant travailler plus longtemps. Nous ne sommes pas d’accord avec cette approche. Vous appelez à manifester depuis le 5 décembre, il y a eu une grande grève dans les transports, vous appelez à nouveau à manifester le 31 mars, est-ce que vous vous attendez vraiment à une grande mobilisation ? On l’espère. On va tout faire pour que le 31 mars la grève interprofessionnelle soit la plus largement suivie, que les manifestations soient très nombreuses. Nous serons à mi-parcours du débat au Parlement, 49.3 ou pas. Le dossier viendra au Sénat pour revenir ensuite à l’Assemblée Nationale et nous avons pensé qu’il était important que l’on se donne le temps justement puisque cette mobilisation depuis le 5 décembre est évidemment difficile à tenir. Tous les salariés nous disent : »Tenez bon, il ne faut pas lâcher ». Et on voit bien que les sondages indiquent encore que la population est pour le retrait de ce projet. Donc le 31 mars on va tout faire pour que cette expression d’opposition à ce projet soit la plus large, la plus forte possible. Vous êtes venu à Marseille pour le 8 mars, qui tombe d’ailleurs cette année un dimanche, et vous avez fait un appel aux hommes qui étaient syndiqués dans cette salle en leur disant qu’il fallait changer de mode de travail… Oui, parce que le 8 mars c’est la journée pour le droit des femmes, c’est la journée pour l’égalité entre les femmes et les hommes, l’égalité dans la vie au quotidien et l’égalité au travail, pour ce qui nous concerne, en particulier le fait que l’on combatte toute forme de discrimination, de harcèlement, de violence. Ce sont des sujets qui sont de plus en plus révélés, on le voit bien dans tous les milieux aujourd’hui. Donc il faut y faire très attention parce que si on en parle aujourd’hui plus dans le monde du spectacle par exemple, ce dont on ne parle pas c’est ce que l’on ne voit pas malheureusement dans le monde du travail en général d’une part et puis il y a d’autre part l’enjeu de l’égalité au travail, l’égalité en termes de salaire, en termes de carrière qui est un enjeu du quotidien. Et, que les femmes aient accès à l’autonomie financière bien évidemment donc à une autonomie dans la vie en général et que justement ce combat est très directement lié à celui sur le dossier des retraites parce que c’est en conquérant l’égalité durant la vie active. Trop souvent les femmes sont confinées aux bas salaires, aux temps partiels subis, aux interruptions de carrière, confrontées aux inégalités de salaire et au déroulement de carrière qui se traduisent le moment venu à la retraite. Si votre durée au travail n’a pas été entière, si votre rémunération n’a pas été suffisante, si votre temps de travail n’a pas été suffisant forcément votre retraite ne sera pas au niveau, cela n’est pas le système de retraite actuel qui est défaillant, c’est l’emploi qui est défaillant vis-à -vis des femmes et c’est là-dessus qu’il faut travailler. Vous êtes un homme, Frank Bergamini est aussi un homme, à quand des femmes aux postes de responsabilité ? Oui, vous avez raison, je serai très heureux de voir de plus en plus de femmes qui accèdent à ces responsabilités. Pour cela il faut que l’on apprenne à travailler collectivement, que l’on se répartisse les mandats. Parce que quand vous concentrez les responsabilités sur une seule personne c’est encore trop souvent aux hommes qu’on les confie parce qu’on pense qu’ils ont moins de charges domestiques. Donc ils peuvent eux rester le soir tard quand il y a besoin de rester le soir tard ou revenir le samedi ou le dimanche quand c’est nécessaire. En répartissant les tâches, en répartissant les responsabilités on pourra se partager ces contraintes et donc les femmes y auront plus facilement accès. Je me félicite d’une chose, nous ne l’avons pas fait exprès, parce que ce n’était pas l’état d’esprit dans lequel nous étions lorsque nous avons élu une Secrétaire confédérale donc membre du bureau confédéral au mois de septembre dernier. Nous avions cherché un ou une militante qui corresponde à ce dont nous pensions avoir besoin notamment pour s’occuper de la formation des militants syndicalistes. C’est une femme qui a été choisie par le comité confédéral national et c’est le surlendemain que j’ai appris, en lisant la presse, le fait que pour la première fois le bureau confédéral de Force Ouvrière était paritaire. Ce n’était pas du tout ce que nous avions recherché mais ce que nous avons réalisé non pas en ciblant la parité pour la parité mais en faisant en sorte de chercher un ou une militante et il se trouve que c’est une militante qui a été choisie et que c’est ainsi que nous avons atteint la parité. Je suis fier de cela.
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Propos recueillis par Mireille BIANCIOTTO

Entretien avec Franck Bergamini, secrétaire général de l’Union départementale FO des Bouches-du-Rhône

Franck Bergamini, secrétaire général de l’Union départementale FO 13 (Photo Robert Poulain)
Franck Bergamini, secrétaire général de l’Union départementale FO 13 (Photo Robert Poulain)
Destimed: Franck Bergamini, vous avez reçu, Yves Veyrier au siège de l’UD à Marseille, pour intervenir sur les retraites des femmes, pour parler de l’égalité avec le 8 mars comme fil conducteur. Au niveau départemental, on a pu constater qu’il y avait des femmes à la tribune, membres de votre union départementale, mais, pas, in fine, de responsables de haut niveau. Est-ce que vous le déplorez, quelle est votre réaction? Franck Bergamini: Je ne sais pas pourquoi pas vous dites cela. A partir du moment où elles sont membres de la commission administratives de l’UD, organe directeur départemental, ces camarades que vous avez vues à la tribune ont les mêmes responsabilités que leurs camarades hommes. Après il y a un poste de secrétaire général, il n’y en a pas deux, mais autrement elles sont membres du bureau. De plus certaines n’étaient pas là notamment pour des problèmes de santé. Et j’ajoute que cela fait un certain temps que nous travaillons à la féminisation de nos instances. Mais on ne veut pas tomber non plus dans le travers qui serait de dire: « Prenons une femme parce que c’est une femme« . On prend une femme parce que c’est une militante qui a des valeurs, qui partage les valeurs de Force Ouvrière et qui a envie de s’investir à hauteur de la responsabilité qui lui est demandée. C’est un travail de fond et nous avons de plus en plus de femmes qui, aujourd’hui, considèrent qu’elles peuvent s’engager. Je suis très satisfait quand un certain nombre de femmes font acte de candidature et j’essaie de privilégier justement ces camarades là lors de la mise en place de nos équipes dirigeantes. Pour l’égalité justement salariale, il y a un nombre conséquent de lois qui n’ont rien fait à ce sujet. Est-ce que vous, syndicat, vous portez les revendications des femmes? Oui, nous portons ces revendications. Il n’y a aucune raison que les femmes ne soient pas logées à la même enseigne que les hommes. Pour quelle raison une femme qui fait le même métier qu’un homme n’a-t-elle pas le même salaire à partir du moment où elle a la même ancienneté? Et pourquoi sont-elles pénalisées lorsqu’elles sont en période de maternité? Nous travaillons sur ces questions. La Confédération a un certain nombre d’idées là-dessus que l’on sortira assez rapidement pour justement en finir avec ces inégalités. Aujourd’hui dans votre discours vous avez parlé d’outils, vous avez cité l’index que le Gouvernement a mis en place pour justement avoir une idée de ce qui se passait pour l’égalité salariale et, vous avez également parlé d’un référent pour les violences ou agissements sexistes… Nous avons toujours été contre les ordonnances qui ont créé les CSE (Comité social et économique) à la place des Comités d’entreprise et des CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) du personnel. Pour autant la création du poste de référent harcèlement sexuel nous satisfait pleinement. Donc, à partir du moment où cet outil existe on va donner des consignes à nos militants afin qu’ils y participent et que ceux qui sont désignés, martèlent dans les entreprises, quelle que soit leur taille, qu’il faut en finir avec ces inégalités, avec ces attaques que peuvent subir les femmes. Dans le bilan social, nous faisons à chaque fois acter les différences entre les hommes et les femmes en termes de rémunération, en termes y compris de nombre de salariés dans les entreprises. Il y a des secteurs où il y a plus de femmes, certains secteurs où il y a plus d’hommes. Dans certains cas cela s’explique, dans d’autres non. Nous essayons alors de faire comprendre aux directions qu’il faut changer. Le bilan social nous aide parce qu’on voit la différence qu’il y a entre les hommes et les femmes en termes de promotion et de salaires… Vous êtes en revanche très critique sur le sort que le gouvernement, dans son système universel de retraite par points, réserve aux femmes… Oui, je suis très critique parce que la méthode que le gouvernement veut mettre en place va creuser encore plus les inégalités. En effet, à partir du moment où il y a un nombre de points calculé à partir du salaire, elle touchera moins qu’un homme à travail égal, annuités égales. Puis il y a les périodes de congé maternité où elle est aussi pénalisée. Mais, jusque-là, cette période faisait partie des années qui n’étaient prises en compte dans la base de calcul de la retraite. Demain, puisque la totalité de la carrière va être prise en compte, ces périodes entreront dans la moyenne. Et des femmes continueront à gagner moins de 1000 euros contrairement à ce qu’annonce le gouvernement. On a parlé de beaucoup de dispositifs mais qui ne concernent que les grandes entreprises or, dans notre région les petites et moyennes entreprises sont majoritaires. Est-ce que vous ne pensez pas important, vous syndicat dans la fonction publique, que les petites entreprises manquent de représentants syndicaux ? Pour nous, il est clair que il n’y a pas assez de représentants du personnel, y compris dans les petites entreprises, pourquoi ? Déjà parce qu’un certain nombre de patrons de petites entreprises considèrent qu’ils vont être plus embêtés par des représentants du personnel que s’il n’y en avait pas. C’est une erreur de leur part car, à partir du moment où on a des représentants du personnel qui sont responsables il n’y a pas de raison de craindre leur présence, surtout lorsque tout est fait dans les règles. Et puis, force est de constater que toutes les mesures que prend, que prennent les gouvernements successifs, sont là pour diminuer les pouvoirs des organisations syndicales. Et, ainsi, dans les endroits où, justement, il y avait des représentants du personnel parce que la loi le permettait, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Propos recueillis par Mireille BIANCIOTTO

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