Marseille commémore les victimes des crimes racistes et antisémites

Publié le 20 juillet 2021 à  8h50 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  19h20

C’est peu dire si cette journée de cérémonies à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux justes de France est importante alors que les repères s’estompent. En marge de la manifestation Bruno Benjamin, le président du Crif Marseille-Provence s’insurgeait : «Après l’intervention du président de la République, on a vu des manifestations, des prises de parole comparant la nécessité du pass sanitaire à la contrainte de porter l’étoile jaune. C’est une tentative de banalisation honteuse, c’est inadmissible, c’est indigne. Rien ne peut être comparé à la Shoah. Cette journée est là pour rappeler ce qu’il en a été du drame de la Shoah, de la collaboration de la France et de ces Justes qui se sont levés face à la barbarie». ​Daniel Darmon, de L’Amicale des déportés d’Auschwitz et des camps de Haute Silésie évoque le témoignage de Nathan, 20 ans, arrêté à Paris en août 1942, conduit à Drancy où il retrouve ses frères et sa sœur, plus jeune que lui qui partirent avant lui vers les camps de la mort pour ne jamais revenir, à son tour déporté il survivra trois ans avant d’être libéré.

Commémoration des victimes des crimes racistes et antisémites et hommage aux justes de france devant le monument de la déportation place Fortuné Sportiello à Marseille ©DR
Commémoration des victimes des crimes racistes et antisémites et hommage aux justes de france devant le monument de la déportation place Fortuné Sportiello à Marseille ©DR

«Ces heures noires souillent à jamais notre histoire»

Caroline Pozmentier-Sportich ne cache pas son émotion au moment d’intervenir au au nom de l’Association Fonds Mémoire d’Auschwitz-dont elle est la présidente nationale- en cette journée de cérémonies à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux justes de France. Rappelle: «Il aura fallu attendre le 16 juillet 1995 pour que le Président Jacques Chirac reconnaisse dans son allocution la responsabilité de l’État Français.»
Elle cite son discours au square des martyrs du Vel’ d’Hiv à Paris lors duquel il déclarait : «Ces heures noires souillent à jamais notre histoire, sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français».

Caroline Pozmentier rappelle: «Le régime de Pétain fut bien un auxiliaire zélé du crime contre l’humanité. Les 16 et 17 juillet 1942, sur notre sol, ce sont 13 152 juifs dont plus de 4 000 enfants qui ont été arrêtés , envoyés au Vel’ d’hiv, la plupart dirigés vers le camp de Drancy comme ma grand-mère Rachel Pozmentier, déportée vers le camp d’extermination d’Auschwitz Birkenau par le convoi numéro 11 et ne revint jamais. Une poignée seulement d’hommes et de femmes sont revenus, seulement 3% sur les 75 721 déportés de France entre mars 1942 et août 1944». Elle n’oublie pas pour autant que, pendant ces heures sombres, il en est qui «ont incarné l’honneur de la France. Ils étaient instituteurs, policiers, concierges, boulangers ou tout simplement des voisins, des cousins, ils ont alerté, caché des familles, des familles entières, des enfants isolés parfois si jeunes ».

«La plupart n’avait jamais parlé de ce qu’ils avaient vécu»

Elle indique que son association, en partenariat avec le Mémorial de Shoah, recueille les témoignages des rescapés, des enfants cachés vivant en région Provence-Alpes Côte d’Azur: «La plupart n’avait jamais parlé de ce qu’ils avaient vécu , ayant enfoui à jamais la douleur des disparitions d’une mère, d’un père, d’un petit frère, d’une petite camarade de classe. Les enfants cachés, les enfants victimes de la guerre de la persécution nazie ne voulaient pas depuis des décennies que l’on dise qu’ils avaient souffert eux qui n’avaient pas leurs cendres éparpillées dans les plaines lugubres de la Haute Silésie». Elle lance un appel : «Combattons le négationnisme, le révisionnisme le complotisme avec la meilleure arme qu’il soit, celle de l’Éducation, pour éclairer ce qui doit nous être le plus cher, notre jeunesse». Pour Michel Cohen Tenoudji, le président du Consistoire de Marseille:«Cette France qui a collaboré qui a fauté, n’est pas ma, n’est pas notre France». Il ajoute: «Ma France, notre France c’est celle des Lumières, des Droits de l’Homme, c’est celle des Justes».

s’il y eut une banalité du mal, il y eut aussi une conjuration du bien qui se mit en œuvre

Moment d'itense émotion après le dépôt des gerbes ©DR
Moment d’itense émotion après le dépôt des gerbes ©DR

Pour Bruno Benjamin: «La Shoah, comme l’écrit Serge Klarsfeld, ne doit pas représenter seulement des millions de victimes, mais une victime, plus une victime, plus une victime, afin que soient restitués à chacune d’entre elles son état civil, son itinéraire, sa dignité ; qu’elles soient extraites de l’oubli et de l’anonymat pour que, d’objets de l’histoire, ces noms deviennent des sujets de l’histoire». S’il revient sur les heures noires de la collaboration, sur la tragédie absolue de la Shoah, il évoque aussi ceux qui résistèrent et ceux qui protégèrent: «Encore trop méconnus, les Justes méritent amplement le devoir de mémoire. Dans les écoles et collèges, nos enfants doivent apprendre leurs faits et gestes. En effet comme nous le rappelle Hanna Arendt, s’il y eut une banalité du mal, il y eut aussi une conjuration du bien qui se mit en œuvre».

Véronique Labbé, présidente de l’association «Notre Route», insiste sur le fait qu’il a fallu attendre 2016 «pour que le Président François Hollande reconnaisse la responsabilité de la France dans la déportation des Tziganes», des Tziganes internés dans 31 camps gérés par le gouvernement de Vichy. «Nous nous battons depuis plus de trente ans pour la reconnaissance de la responsabilité de la France dans le génocide: 48% de nos populations recensées à l’époque, sans oublier les 10 000 Tziganes oubliés dans un camp qui ne furent libérés qu’en 1946».

Anne Laybourne, sous-préfète représentant le Préfet de région devait enfin lire le message de Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées chargée de la mémoire et des anciens combattants qui évoque «une marque d’infamie», pense à ces Juifs «qui avaient fait confiance à la France, au Pays des Droits de l’Homme et qui ont été livrés aux bourreaux». Elle n’en oublie pas les Justes «qui ont fait vivre les valeurs qui nous sont chères».
Michel CAIRE

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