Marseille : l’extension du parc Borély en bonne voie, ou chronique d’un divorce aujourd’hui prononcé

Publié le 13 décembre 2019 à  13h29 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h28

Était-ce le passage à l’après-Gaudin ? Toujours est-il que la majorité municipale a laissé apparaître ses fissures lors du dernier conseil à travers notamment la délibération concernant le parc Borély. En bord de rade, les forts courants marins ont emporté avec eux l’unité de la droite… Si bien que parmi ceux qui ont soutenu le futur ex-maire durant son quart de siècle de mandats, ils seront au moins deux à briguer les suffrages des Marseillais en mars prochain : Martine Vassal et… Bruno Gilles.

Bruno Gilles qui vient de quitter LR candidat à la mairie de Marseille et Yves Moraine LR soutien de Martine Vassal candidate à la mairie de Marseille  - (Photo Robert Poulain)
Bruno Gilles qui vient de quitter LR candidat à la mairie de Marseille et Yves Moraine LR soutien de Martine Vassal candidate à la mairie de Marseille – (Photo Robert Poulain)
Le dossier s’annonçait comme une pierre d’achoppement au sein de la majorité. Effectivement… il l’a été. Il vise la conduite d’un projet, déjà envisagé depuis les années 90, revenant sur le devant de la scène, comme un serpent de mer. Et pour le coup, la mer, il en est question ici… puisqu’il s’agit, non loin de la rade, de l’extension du parc Borély, sur le site de l’hippodrome éponyme ainsi que du practice de golf (soit 22 hectares en plus des 18 du parc actuel). Et force est de constater que, comme en 1995, ce projet fait toujours autant débat. C’est en tout cas ce que l’on a pu déduire des échanges autour de la délibération portant sur le non-renouvellement du bail de l’hippodrome à la Société hippique de Marseille, lequel doit prendre fin en 2022. Un préalable avant le lancement du projet, quelle que soit la forme qu’il prendra au final. Et pour le coup, si le vote d’une précédente délibération, au mois de juin dernier, avait permis d’acter la réalisation d’études sur le sujet, celle du conseil du 25 novembre a vu une petite partie de l’assemblée lever les boucliers. Ce sont sans surprise les élus du Rassemblement national pour commencer, emmenés par un Bernard Marandat formulant une requête au maire : le report de ce rapport. Ou le cas échéant, un vote à bulletins secrets. Mais Jean-Claude Gaudin tiendra bon, et les 23 voix nécessaires à ce dispositif particulier ne seront pas réunies… «Pourquoi ce projet vous tient-il à cœur ? On se demande ce que cache cette précipitation ! Cette question devrait être tranchée à la prochaine mandature, le renouvellement de bail n’intervenant qu’en 2022 », argumente-t-il, revenant sur les impacts négatifs de ce projet. «Quel intérêt de supprimer un endroit qui, justement, apporte de l’attractivité au secteur et rapporte de l’argent ? Outre que c’est faire partir un pan de notre patrimoine depuis près de 150 ans… Entre la société hippique et le club de golf, ce sont 700 k€ amenés chaque année à la municipalité. Et vous allez faire une croix dessus ? Cela génère aussi 60 emplois. Par ailleurs vous allez faire raser par des bulldozers des infrastructures faites il y a 20 ans et qui ont coûté la bagatelle approximative de 70 M€, pour la plupart pris dans la poche des Marseillais. Et dans cette gabegie financière, vous voulez faire réaliser un autre projet pharaonique coûtant encore quelques centaines de millions d’euros, avec des délires tels que l’enfouissement en zone inondable d’une route…»

«Arrière-pensées politiques» ?

Robert Assante soutien de Bruno Gilles (Photo Robert Poulain)
Robert Assante soutien de Bruno Gilles (Photo Robert Poulain)

Des aménagements en bord de rade qui n’interpellent pas que le parti de Marine Le Pen. Robert Assante, adjoint au patrimoine émanant du mouvement Marseille en avant et soutien de Bruno Gilles, a tôt fait d’en remettre une couche. «Supprimer les voies en bord de mer est encore plus incompréhensible, cela surenchérit le coût de ce chantier d’une manière très importante et cela n’apporte rien. Ça ne fluidifie pas la circulation… par contre en aménageant une deux fois deux voies enterrées, vous créez des voies submersibles. Avec ce qu’il a plu ces derniers jours, on aurait eu à cet endroit des voies totalement immergées. Et aucune circulation n’aurait pu se faire. On prend un risque sur l’avenir alors qu’il n’est demandé, souhaité par personne de supprimer des places de parking en surface… » Mais plus largement, il reproche à Jean-Claude Gaudin de vouloir en finir avec un patrimoine qu’en 1995, ce dernier avait défendu à ses côtés contre le maire de l’époque, Robert Vigouroux. «Les arguments qui étaient les vôtres hier sont les miens aujourd’hui : continuons à défendre notre patrimoine. Définissons ce que nous voulons sur cet hippodrome. On peut toujours changer, évoluer, mais gardons ça !» Et Robert Assante d’arguer lui aussi que mieux vaut ne pas se précipiter et laisser à la prochaine mandature le temps de se saisir de ce dossier. Pour lui non plus, rien ne presse… Mais Yves Moraine n’a pas envie de s’en laisser conter. Pour lui, ce qui est en jeu, ce n’est pas tant l’intérêt général évoqué dans les interventions précédentes… «Je m’étonne de ces réactions : ce projet ne date pas de la semaine dernière, et jusqu’ici, en tout cas dans la majorité, personne ne s’y est opposé. Au mois de juin, nous avons voté comme un seul homme dans la majorité municipale, un rapport qui prévoyait stricto sensu, l’extension du parc Borély sur le site de l’hippodrome.» Or, pour la maire des 6/8, la délibération de novembre ne fait que suite à celle de juin et va dans le même sens… «C’est incohérent sauf si le fait que Martine Vassal, candidate, ait fait de ce magnifique dossier un projet phare avait conduit certains à changer de position pour des raisons politiciennes, ce que je ne veux pas croire», décoche-t-il ironiquement. Jean-Claude Gaudin abondera dans le même sens: «Qu’on ne me dise pas qu’il n’y a pas d’arrière-pensées politiques», fulminera-t-il au moment de compter les voix « contre ». Parmi lesquelles se sont rangés les partisans de Bruno Gilles, suivant le vote de Robert Assante. Bruno Gilles qui depuis lors, a déclaré quitter le mouvement Les Républicains pour se lancer dans la campagne municipale sans étiquette…

«Prendre acte de la volonté des Marseillais»

Jean-Claude Gaudin  (Photo Robert Poulain)
Jean-Claude Gaudin (Photo Robert Poulain)

Auparavant, c’est un Jean-Claude Gaudin excédé aux termes d’un conseil municipal à rallonge (avec une délibération se discutant en fin de journée…) qui croira bon de rappeler les raisons de ce choix d’aménagement. «Les choses ont changé. L’évolution que nous entendons partout, c’est d’aller vers plus de nature. On compte à Marseille près de 10 000 ha protégés mais pour beaucoup, ce n’est pas assez… Ce que nous faisons ce n’est pas un choix politique, ce n’est pas un choix d’opportunité parce que ce que fait un maire, un autre maire pourra le défaire. C’est simplement de prendre acte de la volonté des Marseillais et des Marseillaises d’avoir plus de nature. En juin on a voté une délibération de principe, aujourd’hui on fait pareil. Cela ne veut pas dire que le maire futur suivra ce que j’ai suggéré. Il y aura des changements, mais laissez-moi aller au terme de mon mandat ! Je souhaiterais que l’on puisse dire comme on l’avait fait en juin, en votant à l’unanimité ou presque, oui, on aimerait qu’il y ait un parc. Celui qui arrivera après moi décidera définitivement. Et les routes, les souterrains, bien sûr que ça ne se fera pas ! Bien sûr qu’il nous a fallu 25 ans pour faire une L2 », tempête-t-il à nouveau ! De fait, malgré les oppositions se faisant connaître dans l’hémicycle, les «pour» l’emporteront à la majorité. Mais le futur ex-maire ne digère pas ces 17 voix «contre». «Après, on m’expliquera la politique, encore ! », lancera-t-il en guise de conclusion, avant de poursuivre.
Carole PAYRAU

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