Marseille, mobilisation inédite contre la départementalisation de la police judiciaire

Publié le 18 octobre 2022 à  12h35 - Dernière mise à  jour le 11 juin 2023 à  17h55

Policiers, magistrats, avocats main dans la main contre le projet de départementalisation de la police judiciaire. A l’heure du déjeuner environ trois cents personnes se sont rassemblées devant le palais de justice de Marseille à l’appel de l’association nationale de la police judiciaire. Des actions menées dans plusieurs villes en France. Visiblement le mouvement fait tache d’huile et l’absence de dialogue avec le Directeur général de la police nationale voire le ministre de l’Intérieur n’arrange rien.

Policiers, magistrats, avocats main dans la main sur les marches du palais de Justice de Marseille (Photo Joël Barcy)
Policiers, magistrats, avocats main dans la main sur les marches du palais de Justice de Marseille (Photo Joël Barcy)

«On ne pourra plus combattre la criminalité»

Devant le palais de justice, magistrats et policiers souhaitaient faire entendre « leur vive inquiétude» à l’égard du projet de départementalisation de la police nationale. Cette réforme touche à la fois au fonctionnement de la justice et de la police. Elle prévoit de placer l’ensemble des services de police d’un département sous la responsabilité d’un seul directeur départemental de la police nationale, rattaché au préfet. Actuellement la PJ (police judiciaire) est sous le contrôle des procureurs de la République ou des juges d’instruction. Elle est en charge de la criminalité. La sécurité publique est, elle, sous le contrôle d’un directeur départemental et s’occupe de la délinquance. Cette répartition des rôles tomberait avec la réforme.
(Photo Joël Barcy)
(Photo Joël Barcy)
(Photo Joël Barcy)
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Pour Bruno Attal, secrétaire général adjoint du Syndicat France police, policiers en colère, «ce sont deux polices bien distinctes. On ne peut pas tout faire. Notre police judiciaire est la meilleure police du monde. Les Américains viennent apprendre de mes collègues… eh bien non il faut la mettre à poil !». Son collègue Sylvain Steffan, secrétaire régional du syndicat France police, policiers en colère, ne comprend pas la cécité du ministre : «Il ne faut pas être dédaigneux avec les gens. Il faut se poser les vraies questions. Si c’était une excellente mesure pourquoi policiers, magistrats et avocats seraient sur les marches du palais de justice aujourd’hui». Thomas, chef de groupe PJ, vice-président régional de l’Association nationale police de la judiciaire (ANPJ) craint pour sa part que «cette réforme n’ouvre la voie aux cartels et à la mafia. Si on surcharge de travail la PJ, ses missions ne seront plus assurées et c’est la porte ouverte à la criminalité organisée».

Réactions de policiers

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Inquiétude sur l’indépendance

(Photo Joël Barcy)
(Photo Joël Barcy)
(Photo Joël Barcy)
(Photo Joël Barcy)
Un risque d’atteinte à l’indépendance de la justice. C’est ce qui vaut cette solidarité police/ justice aujourd’hui. Selon la juge d’instruction, Clara Grande, déléguée du Syndicat de la magistrature : «Le risque de porosité dans les dossiers avec une hiérarchie unique risque d’entraîner une remontée d’informations plus facilement et un délaissement du procureur de la République dans ses missions. C’est un vrai souci d’indépendance de la justice. Nos préoccupations sont celles des policiers». Même sentiment chez Florent Boitard, vice-Procureur près le tribunal judiciaire de Marseille et délégué régional Paca de l’Union Syndicale des Magistrats (USM) : « On porte notre robe pour marquer que l’on appartient à l’autorité judiciaire qui est indépendante. Aujourd’hui les enquêtes menées par la PJ, sous l’autorité du procureur ou d’un juge d’instruction, sont indépendantes car la PJ a une distance entre le préfet et le gouvernement. Dans le projet qu’on nous présente toutes les informations remonteront directement au préfet. La difficulté est que ces enquêtes peuvent être financières ou concerner des élus locaux et là on perd toute latitude». «Cette réforme ne va faire qu’aggraver la situation», enchaîne Karima Méziene, avocate et membre du collectif des familles des victimes d’assassinats à Marseille . «On n’arrive déjà pas à interpeller les assassins dans les cités, là ce sera pire».

Réactions de magistrats et d’avocats

Un échelon départemental réducteur

Le ton est posé, les mots pesés. Ils trahissent l’inquiétude. La procureure de la République de Marseille, Dominique Laurens, n’est par surprise par la mobilisation quasi intégrale du parquet sur les marches du palais de justice. « La solidarité avec les enquêteurs est logique, il y a une grande inquiétude qui s’est déjà exprimée. C’était important de se rassembler. Est-ce que les effectifs de la police judiciaire seront toujours consacrées à nos enquêtes qui nécessitent des mois, des années d’investigation ? Quels seront nos capacités et nos moyens pour appuyer des enquêtes qui se déclinent au niveau national ? L’échelon départemental nous apparaît très réducteur». Au-delà Dominique Laurens s’interroge sur l’indépendance :«Il est clair que nous n’aurons plus en face de nous qu’un seul service, une seule direction départementale de la police nationale qui sera effectivement avec des instructions qui lui seront fournies par le ministère de l’Intérieur via les préfets. Nous craignons que les priorités ne soient plus les enquêtes judiciaires de fond sur un certain nombre de dossiers».

Dominique Laurens

Quelles seront les répercussions de ces mobilisations ? Difficile à dire aujourd’hui tant le dialogue de sourd semble s’être installé en le ministère de l’Intérieur et les services. Reportage Joël BARCY

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