Marseille rend hommage à Gaston Crémieux en présence de Christiane Taubira

Publié le 30 novembre 2021 à  10h18 - Dernière mise à  jour le 3 novembre 2022 à  8h56

L’ex-ministre de la Justice sous François Hollande, Christiane Taubira était de passage ce samedi à Marseille. Invitée par le maire, Benoît Payan, elle a participé à l’hommage rendu à Gaston Crémieux, écrivain, avocat et journaliste, fusillé en 1871 pour sa participation à la Commune de Marseille. Cette dernière, créée fin mars 1871 en soutien à la Commune de Paris, a été sévèrement réprimée par le pouvoir de l’époque dirigé par un Marseillais Adolphe Thiers. Gaston Crémieux fut le seul Marseillais condamné à mort, pour l’exemple.

Christiane Taubira et Benoît Payan lors d'une cérémonie à Marseille en hommage à Gaston Grémieux  ©LPM
Christiane Taubira et Benoît Payan lors d’une cérémonie à Marseille en hommage à Gaston Grémieux ©LPM

C’est au Palais du Pharo de Marseille que s’est tenue une cérémonie de commémoration des 150 ans de la mort de Gaston Crémieux en présence de l’ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira et tous les amis de la Commune.

Benoît Payan précisera: «En rendant hommage à Gaston Crémieux, nous honorons un partisan de la République, victime expiatoire de la Commune de Marseille. Souvent, les événements de notre histoire reposent sur des hommes et des femmes dont l’engagement trouve son origine dans les injustices terribles et la volonté tenace d’y mettre fin. Gaston Crémieux fut de ceux-là : un homme de droit, fidèle aux principes de justice, qui vous sont si chers, Madame la Ministre.»

«À l’image de beaucoup de Marseillais : un homme aux différentes facettes et aux multiples engagements»

Poète, avocat et journaliste, il fut défenseur des pauvres, libre penseur, nouant très tôt des contacts entre républicains catalans, provençaux et italiens. En toute circonstance, il fut un artisan de cette expérience politique si singulière de la Commune de Marseille. «Gaston Crémieux fut à l’image de beaucoup de Marseillais : un homme aux différentes facettes et aux multiples engagements», souligne Benoît Payan avant de rappeler : «Mobilisé dans tous les combats, que ce soit pour la santé et contre l’épidémie de Choléra ou pour la défense de la classe ouvrière, Gaston Crémieux n’a cessé de rassembler la diversité politique des communards qu’ils soient socialistes, radicaux ou fédéralistes. Il savait unir autour d’une cause, d’un idéal, de valeurs communes. Preuve en est, alors que les dissensions apparaissaient sur les drapeaux rouge ou tricolore flottant à la préfecture, il fit hisser le drapeau noir d’une patrie en deuil, suite à l’abdication des conservateurs et des légitimistes.»

«Par cet acte de mémoire, nous levons le linceul de silence qui le condamnait à l’oubli»

Pour Le maire de Marseille :«Là est la force de l’engagement de Gaston Crémieux, elle perdure aujourd’hui avec sa mémoire : la volonté d’un homme de rassembler tous les autres dans une cause qu’il savait juste et profondément noble. Aujourd’hui, par cet acte de mémoire, nous levons le linceul de silence qui le condamnait à l’oubli. Aujourd’hui, nous sommes rassemblés autour de l’histoire de ces hommes et des ces femmes qui, comme Gaston Crémieux, luttèrent jusqu’à leur sacrifice ultime pour l’idéal de la République sociale. L’histoire ne nous prémunit pas toujours de la folie des hommes, mais elle nous permet de comprendre et de repousser nos peurs.»

Ces peurs étaient nombreuses en 1870 : peur de la guerre et peur de l’occupation, peur du déclassement et peur d’un retour à la monarchie, peur de l’instabilité politique et du marasme économique. «Face à ces peurs, c’est dans le mouvement des Communes, que des engagés décidèrent de bâtir l’idéal républicain qui forge aujourd’hui nos consciences. C’est à Marseille que des femmes et des hommes se révoltèrent pour demander l’instauration de la République après l’assassinat de Victor Noir, journaliste parisien, par Pierre Bonaparte dès le 8 janvier 1870.»

«C’est ici, comme à Paris, poursuit Benoît Payan, que le Plébiscite pour l’Empire fut un échec. C’est ici, après le désastre de la bataille de Forbach, le 7 août 1870, qu’une manifestation de 40 000 personnes menée par Gaston Crémieux prit l’Hôtel de Ville d’assaut, et fonda un comité révolutionnaire. C’est ici, après la défaite de Sedan, que le 4 septembre 1870, un comité de défense nationale fut créé, une garde civique organisée et un préfet intérimaire républicain nommé. C’est ici, le 1er novembre 1870, que naquit la première Commune du mouvement des Communes présidée par Gaston Crémieux. Marseille fut une source d’inspiration féconde autant qu’un avertissement pour les Communards parisiens. Et c’est encore ici, le 22 mars 1871, que naquit la seconde et la plus longue expérience de la Commune en dehors de Paris.»

«Seul Gaston Crémieux est condamné à mort et non gracié»

Mais, poursuit-il: «Le 4 avril 1871, malgré les tentatives de négociation de Gaston Crémieux, la Commune prit fin dans un bain de sang orchestré par les troupes Versaillaises du général Henri Espivent de la Villesboisnet. Le conseil de guerre condamna à la prison, au bagne et à l’exil mais seul Gaston Crémieux est condamné à mort et non gracié. Dans un dernier geste, il commande le peloton : « Visez à la poitrine. Ne frappez pas la tête. Feu ! Vive la République »». Il meurt à 35 ans, le 30 novembre 1871, «ici au champ de tir du Pharo, il y a 150 ans».

«La Commune est une matrice politique qui malgré l’implacable et sanguinaire répression, triomphe de manière posthume»

Le maire de Marseille déclare: «En fusillant Gaston Crémieux, c’est l’esprit de la commune de Marseille que les revanchards versaillais pensaient tuer. C’est cet espoir naissant que les partisans de l’ordre pensaient étouffer. Parce qu’elle incarne le combat d’une liberté émancipatrice, parce qu’elle incarne le combat pour l’égalité dans une fraternité totale et absolue, parce qu’elle incarne l’attente ardente d’une société du partage et du temps libre : la Commune est une matrice politique qui malgré l’implacable et sanguinaire répression, triomphe de manière posthume. Victor Hugo disait alors « Les morts sont des vivants mêlés à nos combats »».

«Il est des hommages qui résonnent avec fracas dans l’actualité blafarde»

Des victoires électorales des Républicains à la fin du XIXe siècle au Front populaire, «nous sommes les héritiers de cette expérience politique unique. Il est des hommages qui résonnent avec fracas dans l’actualité blafarde. Ce devoir de mémoire et ce travail d’histoire sont aujourd’hui d’une impérieuse nécessité», conclut Benoît Payan.
La rédaction

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