Marseille: un pique-nique sur le Vieux-Port pour dénoncer le traitement des demandeurs d’asile

Publié le 15 avril 2015 à  22h30 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h49

(Photo Robert Poulain)
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Il fait beau, le Vieux-Port est baigné de la plus belle des lumières. Le printemps a le pouvoir de rendre belles les choses, les passants. Un pique-nique est même organisé sous l’ombrière. Une idée sympathique qui donne presque envie de partager ce moment de convivialité avec ces familles, ces gens qui semblent venir de tous horizons. Rien de surprenant à Marseille puisqu’elle a forgé son identité et sa richesse de ces ailleurs venus sur sa terre. Mais, derrière ces pâles sourires, dans ces regards c’est le reflet d’un monde qui est devenu fou qui vous saute à la figure. Des banderoles sont déployées, des membres d’associations, regroupées au sein du collectif « Alerte Paca », s’affairent, dénonçant un droit fondamental qui est nié: celui de l’accès à l’alimentation. Et, ce pique-nique sera peut-être, le seul repas auquel ces demandeurs d’asiles auront droit. Ils ont fui des guerres, échappés à des massacres pour arriver dans un pays dit d’accueil qui n’a plus rien d’accueillant.

On a dû annoncer aux personnes qu’elles n’auraient plus à manger

En cause explique Christine Thiriet, coordinatrice de la plateforme Asile service qui dépend d’Hospitalité pour les femmes: «Depuis le 17 mars les personnes, qui demandent la protection de l’État français par le biais de statut de réfugié, n’ont plus accès au restaurant Nogat qui dépend de l’association Maavar ». En effet, subventionné par l’État, le seul restaurant social implanté à Marseille, s’est vu retiré ses aides «brutalement et sans concertation privant ainsi des centaines de personnes de leur repas quotidien», s’insurge-t-elle. «Une histoire de restriction de budget, regrette-t-elle, et tout a été arrêté du jour au lendemain et on a dû annoncer aux personnes qu’elles n’auraient plus à manger. On a fait un certain nombre de démarches, d’alertes, auprès du préfet et, devant la non réponse de l’État, on a décidé de venir faire un pique-nique sur le Vieux-Port avec les familles en demande d’asile».

«Des personnes qui ne viennent pas là de gaieté de cœur mais parce qu’elles sont en danger dans leur pays»

Christine Thiriet de rappeler que durant les trois premiers mois, les demandeurs d’asile ne touchent pas d’allocations et se retrouvent en grande difficulté sur le plan alimentaire. «On avait le restaurant Nogat qui venait combler ce manque», insiste-t-elle. A Marseille, dans les Bouches-du-Rhône, poursuit-elle, «sont accueillies entre 1 500 et 1 700 personnes qui sont en demande de statut de réfugié. Il faut savoir que dans le monde cela va très mal, on a des gens qui arrive de Syrie, du Nigeria, de Centrafrique, d’Ukraine… des personnes qui ne viennent pas là de gaieté de cœur mais parce qu’elles sont en danger dans leur pays. Et La France se doit de les accueillir dignement».
Jean-Pierre Cavallié, délégué régional à la Cimade, de revenir sur la directive européenne de 2003 rectifié en 2013 qui porte sur les normes d’accueil des réfugiés. «Il est écrit que les États membre de l’Union Européenne doivent rechercher la protection maximale pour les réfugiés. Dans ces conditions, il y a le logement, l’alimentation, la santé, la scolarité… Ces droits là ne sont pas négociables. L’État français ne peut pas se cacher derrière des problèmes budgétaires .Ce dont on parle aujourd’hui c’est la possibilité de se nourrir dignement qui est attaqué». Et de lancer: «On nous met en avant des questions budgétaires. Nous, on répond ce sont des questions de priorité»

«La France n’est pas en train de jouer son rôle au sein de l’Union Européenne»

Benedita Badii, chargée de mission à la Fnars Paca-Corse indique: «Cela fait des années que les associations dénoncent le fait qu’en raison de restriction budgétaire l’accompagnement des demandeurs d’asile est en danger. Des demandeurs d’asile, primo arrivant qui ont fui leur pays à cause des guerres et les violations des droits fondamentaux n’ont même pas à manger. On voit que les choix politiques de restriction budgétaire sont en train de mettre en difficulté les droits d’asile en France. L’année passée, l’Union européenne a connu une augmentation de plus de 45% de demandes d’asile. Beaucoup de pays on eu une augmentation massive, la France elle, a eu une baisse. La France n’est pas en train de jouer son rôle au sein de l’Union Européenne».
Karim arrive d’un pays du Maghreb (son prénom a été changé et le nom du pays n’est pas précisé pour des raisons de sécurité) .«Je suis menacé de mort pour mes actions en tant que syndicaliste et pour mes actes politiques contre le gouvernement. Je suis réfugié depuis le 31 juillet 2014 avec ma femme et mes deux enfants. Nous vivons en France dans des conditions extrêmement difficiles pour trouver où dormir et aujourd’hui pour se nourrir. Je suis inquiet pour mes enfants».

«Avec ma femme nous sommes arrivés en France pour échapper aux tueries»

Anicet arrive de Centrafrique et lance un appel à l’Union Européenne, la France: «Aidez-nous». Il raconte: «Nous sommes chrétiens. Mon père a été égorgé, mon petit frère enlevé, j’ai passé des jours à chercher son corps. Avec ma femme nous sommes arrivés en France pour échapper aux tueries mais ici, on n’a plus à manger, juste un morceau de pain pour toute une journée. Ma femme est malade, on ne peut même pas acheter de médicaments…».
Il arrive de Conakry-Guinée et ne s’attendait pas être traité en France de la sorte. «Je suis arrivé au mois de janvier, je ne connais personne ici, on ne peut pas travailler, on ne sait pas où on doit dormir, avant on nous donner à manger, plus maintenant. C’est très critique. Je lance un appel au gouvernement pour revoir notre situation. Je ne peux pas retourner dans mon pays, je suis menacé. Je suis secrétaire générale de la jeunesse. j’ai mobilisé la jeunesse pour avoir l’eau courante. J’ai été massacré par la police. Puis j’ai été arrêté. Tout le monde s’est mobilisé pour me faire sortir de prison parce que tu peux rester des années enfermé sans procès. On n’a rien fait de mal, juste une marche sans violence pour réclamer notre droit à l’eau et l’électricité qu’on nous avait promis.»
Patricia MAILLE-CAIRE

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